La réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris a été un succès grâce à plusieurs facteurs, en plus de la générosité des donateurs. La bonne gestion, la planification minutieuse, le respect des réglementations et les innovations techniques ont également joué un rôle important dans le processus de restauration.
La cathédrale Notre-Dame de Paris brille de lumière, captivant tous ceux qui ont la chance de la visiter. Après l'incendie, l'édifice était en ruines, mais la nef a été restaurée et les vitraux nettoyés, révélant des couleurs vives sur la pierre. Après 2 063 jours, 3 000 invités ont enfin pu admirer ce chef-d'œuvre, y compris des chefs d'Etat, des médias et des milliers de personnes. La réussite de ce chantier complexe mérite d'être saluée et étudiée.
C'est le commencement des travaux de rénovation. Les données sont impressionnantes : 846 millions d'euros collectés auprès de 340 000 donateurs dans 150 pays. L'incendie a suscité une forte émotion, combinée à l'importance universelle et cultuelle de Notre-Dame, ainsi qu'à son rôle de mémoire nationale en France, ont largement contribué à ce succès exceptionnel de la collecte de fonds.
Selon Philippe Jost, président de l'organisme public responsable de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, il est possible que le secteur privé s'engage davantage. En effet, la cathédrale Notre-Dame n'est pas soumise aux contraintes budgétaires annuelles, ce qui évite les fluctuations de financement qui peuvent survenir chaque année avec le projet de loi de finances. Cette importante réserve d'argent offre donc une stabilité financière sans précédent.
Plusieurs grandes entreprises ont fait un don pour la première fois à un monument historique, comme Air liquide, Sanofi et Metro. Cela pourrait les encourager à soutenir d'autres projets de restauration patrimoniale. Le mécénat privé a jusqu'à présent peu contribué aux 154 cathédrales françaises, dont 87 appartiennent à l'État. Pour mobiliser davantage le secteur privé, il faudrait mettre en place un cadre plus structuré et se doter d'outils professionnels.
Un calendrier dentelé
Actuellement, 50 000 bâtiments religieux sont en train de se détériorer et 5 000 sont en danger de disparition. La Fondation du patrimoine a déjà récolté 14 millions d'euros, mais cette somme est insuffisante pour répondre aux besoins. Didier Rykner, directeur de La Tribune de l'Art, se réjouit que l'incendie de Notre-Dame ait ouvert le débat sur le financement des monuments historiques, soulignant la nécessité pour l'État d'entretenir plus régulièrement les monuments dont il est responsable. De plus, investir dans le patrimoine n'est pas une perte d'argent : selon Maryvonne de Saint Pulgent, l'ancienne directrice du Patrimoine au ministère de la Culture, le chantier de Notre-Dame pourrait rapporter 300 millions d'euros à l'État sous forme de retombées fiscales ou sociales.
Lorsque Emmanuel Macron a annoncé son intention de reconstruire la cathédrale en cinq ans, peu de gens ont cru en cette promesse, même si elle a été estimée en quelques heures par sa conseillère culture. Cette annonce a fixé un objectif et un délai à respecter. Le principal défi de ce projet colossal sera probablement de tenir le calendrier prévu.
Lors de sa dernière visite sur le chantier le 29 novembre, Emmanuel Macron a déclaré : "Nous allons reconstruire la cathédrale en cinq ans !" Cette déclaration a permis de définir un objectif et un plan clair pour la reconstruction.
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« Depuis les années 1990, les chantiers de restauration de bâtiments historiques sont devenus de plus en plus complexes en raison de l'ajout constant de nouvelles normes », constate Maryvonne de Saint Pulgent, qui a dirigé la rénovation du Parlement de Bretagne. Comme pour les Jeux Olympiques, toute la planification a été basée sur cette contrainte de calendrier. En revanche, le projet du métro du Grand Paris, le plus grand d'Europe, qui comprend la construction de 200 kilomètres de lignes et 68 nouvelles gares, est en proie à des retards récurrents.
Un chef stratège
Le calendrier est crucial dans la gestion de ce projet. Il dicte toutes les actions à entreprendre. Pour respecter les délais, il a fallu être proactif et lancer plusieurs chantiers en parallèle, comme la rénovation de l'orgue avant même celle de la nef. La planification a été essentielle, sans recourir à des consultants, mais en utilisant des outils de programmation performants pour gérer simultanément 150 marchés différents.
Afin d'augmenter la vitesse de travail, nous avons décidé d'étendre les horaires jusqu'à 48 heures par semaine (de 7 heures à 21 h 30) tout en respectant strictement le Code du travail. Philippe Jost explique également qu'ils ont cherché à éviter les petites économies qui pourraient avoir un impact négatif. Par exemple, huit ascenseurs seront installés sur le chantier, tous équipés de liftiers pour faciliter les déplacements du personnel et des charges lourdes.
Emmanuel Macron, qui critique souvent le "l'Etat profond", et prend en compte les obstacles potentiels que l'administration peut poser dans ce genre de projet, choisit de nommer le général Georgelin, un choix inhabituel pour diriger cette initiative. Il voulait une personnalité autoritaire, bien informée sur le fonctionnement de l'Etat mais aussi catholique convaincue, afin de pouvoir établir un lien entre l'Etat et l'Eglise, propriétaire de Notre-Dame. Son ancien adjoint et successeur, Philippe Jost, ingénieur général de l'armement et également catholique, qui supervisait le comité des devis à la direction générale de l'Armement, souligne cette décision.
La chapelle Saint-Ferdinand après avoir été ravagée par un incendie. Crédit photo: David Bordes © Projet de reconstruction de Notre-Dame de Paris.
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La chapelle Saint-Ferdinand sera prête à rouvrir dans trois semaines. Elle fait partie des deux chapelles utilisées comme tests (avec Guadalupe) pour mettre en place le protocole de restauration. En tout, 15 chapelles ou passages autour du chœur ont été restaurés. Crédit: ©Patrick Zachmann / Magnum Photos
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Un cadre juridique distinct
La loi de 1905 prévoit une double culture pour une double commande. De plus, le général a été nommé représentant spécial du chef de l'État, avec un bureau à l'Élysée aménagé dans l'ancienne chapelle du général de Gaulle. Ce statut est unique et n'a même pas été attribué à Tony Estanguet, président du comité d'organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024 (Cojo), ni à Jean-François Monteils, président du directoire de la Société du Grand Paris.
Une entreprise récalcitrante ? Un fournisseur qui retarde les délais ? Georgelin prend en charge la situation et appelle le responsable dans son bureau à l’Elysée. « Il n’a pas hésité à recourir à cette mesure lorsque c'était nécessaire », confirme Jérémie Patrier-Leitus. Jean-Louis Georgelin est chargé et investi d'un pouvoir qui lui donne une autorité spécifique pour influencer les relations de force alors que 250 entreprises travaillent sur le chantier. « Il écoute, mais il prend des décisions et évite les discussions sans fin sur la reconstruction de la charpente ou de la flèche qui pourraient provoquer des retards », souligne Robert Leblanc, vice-président de la Fondation Notre-Dame.
Face à une situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont prises. Suite à l'incendie qui a endommagé le pignon nord du transept de manière menaçante, un arrêté de péril est signé en juillet 2019. Cela permet de déroger aux règles habituelles pour agir rapidement et solliciter les entreprises nécessaires à la consolidation. La loi du 29 juillet 2019 établit le cadre général pour la gestion de cette situation d'urgence. Elle offre des avantages fiscaux particuliers et autorise la création d'un établissement public dédié, ainsi que des dérogations au Code du patrimoine pour certaines décisions, comme le choix de l'opérateur d'archéologie préventive. Dans ce cas, c'est l'institut national de recherches archéologiques préventives qui est désigné sans appel d'offres. Jusqu'à 30 archéologues peuvent être mobilisés pour les fouilles afin de ne pas retarder les travaux de consolidation. Des mesures sont également prises pour faciliter la sélection des carrières de pierre nécessaires.
L'organisation publique cherche à être flexible en prenant des décisions rapidement : elle a un effectif limité de 39 employés à temps plein et peut recruter des personnes sous statut public ou privé. Philippe Jost souligne que le chantier de Notre-Dame a été réalisé en respectant strictement les Codes du travail, de la santé, de la commande publique et du patrimoine. Les premiers mois ont été difficiles en raison des mesures de protection contre le plomb mises en place pour protéger les 2 000 personnes travaillant sur le chantier.
Françoise Rambaud, qui travaille en tant qu'inspectrice du travail, effectue au moins deux inspections chaque mois. Elle admet que le dialogue est difficile au début. Les règles de décontamination au plomb sont strictes et prennent plus de trente minutes par ouvrier. En raison de leur incapacité à suivre ces règles (comme le port obligatoire d'une combinaison et la douche), le roi Charles III et le président Joe Biden n'ont pas pu visiter le chantier de la cathédrale lors de leur séjour en France.
Du début à la fin des cinq années de construction, l'innovation a été au cœur du chantier, avec l'utilisation d'outils modernes pour la supervision du travail, la construction de la charpente, la gestion des réseaux (chauffage, communication, eau, électricité) et la mise en place d'un système anti-incendie efficace. Ce dernier a été testé en conditions réelles sur maquette, mettant en avant un système de brouillard d'eau ultraperformant capable de réduire la température de 800 à 100 degrés en une minute en cas d'incendie. Des caméras thermiques ont également été installées, en complément d'un système d'alerte et de contrôle des fluides pour garantir la sécurité sur le chantier.
Toutes les cathédrales appartenant à l'Etat ont été sécurisées grâce à un plan mis en place depuis 2019. La présentation et l'itinéraire de la visite de Notre-Dame ont été entièrement revus et digitalisés. Il est désormais possible d'explorer la cathédrale depuis chez soi, mais de nombreuses personnes préféreront se rendre sur place. Environ 45 000 visiteurs par jour sont attendus, ce qui constitue un nouveau record.
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