Les licenciements collectifs, l'augmentation du taux de chômage, les restrictions budgétaires… Quelles sont les raisons de la pression croissante au sein de France Travail ? En plus de devoir s'occuper de 1,2 million de bénéficiaires du RSA l'année prochaine, cet organisme public devra également faire face aux retombées des licenciements collectifs en augmentation. Tout cela se fera avec un budget stable et la suppression de 500 postes.
Au milieu de l'été dernier, la direction de France Travail a surpris tout le monde. Devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese), elle a annoncé qu'elle mettrait en place une intelligence artificielle développée en interne dans son réseau. L'objectif est de révolutionner la vie de ses employés en éliminant de nombreuses tâches administratives ennuyeuses, et en permettant le redéploiement de 2 900 collaborateurs vers des services en contact direct avec les demandeurs d'emploi et les entreprises. En interne, certains restent cependant sceptiques : "Il ne faudrait pas que cela rende les décisions inhumaines", se préoccupe un employé.
Cependant, France Travail espère grandement que son intelligence artificielle l'aidera à faire face à la crise de l'emploi qui se dessine. En effet, l'organisation publique créée en 2024, regroupant plusieurs entités sous un même nom (Pôle emploi, Cap emploi, les missions locales), se prépare à une année 2025 très difficile. Des entreprises telles que Michelin, ArcelorMittal, Auchan… annoncent de nombreux plans de licenciement en France, pouvant entraîner la perte d'environ 200 000 emplois, selon la CGT.
Même le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, a admis lors d'une interview sur France Inter que des entreprises pourraient annoncer des fermetures de sites dans les semaines et mois à venir. Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cela pourrait entraîner une hausse du taux de chômage jusqu'à 8 % en 2025. Cela a ramené la question de l'emploi comme un sujet majeur d'inquiétude pour les Français, alors qu'elle avait été moins préoccupante ces dernières années.
Il est clair que France Travail est fortement impacté. Cependant, en raison de la détérioration sans précédent des finances publiques, l'opérateur subit également des restrictions budgétaires. Bien que son budget pour 2025 reste inchangé à 1,35 milliard d'euros, environ 500 postes en équivalents temps plein (ETP) seront supprimés. Cela est préoccupant pour Stéphane Carcillo, économiste et responsable de la division emploi de l'OCDE, qui souligne que réduire les dépenses dans le service public de l'emploi en cette période de retournement conjoncturel n'est pas opportun. Il met en garde contre le risque de voir des conseillers dépassés par la charge de travail.
Les syndicats de l'entreprise expriment des inquiétudes concernant leurs ambitions revues à la baisse. Catherine Laumont, déléguée syndicale CFDT, souligne que les employés devront faire plus avec moins en raison du contexte économique et des nouvelles responsabilités à assumer en 2025. Le recours fréquent à des contrats de travail de courte durée est également source de tension, avec 6 000 agents recrutés de cette manière selon le bilan social de 2023. Catherine Laumont souligne qu'il est difficile d'aider les demandeurs d'emploi lorsque l'on est soi-même en situation de précarité. Une journée de grève est prévue pour le 5 décembre.
En 2025, l'opérateur public fait face à de nombreux défis. Malgré une augmentation du chômage et des restrictions budgétaires, il devra prendre en charge et soutenir les 1,2 million de bénéficiaires du RSA à partir du 1er janvier prochain. Cette charge de travail supplémentaire suscite des inquiétudes : « Au sein des agences, l'organisation des plannings pour accompagner au mieux ces nouveaux bénéficiaires est source de stress pour tout le monde », déclare Nathalie Jourdain, représentante syndicale FO. Le management intermédiaire est préoccupé. Il ne s'agit pas seulement de supprimer 500 postes équivalents temps plein, mais d'en créer 500 de plus.
Même le directeur de France Travail, Thibaut Guilluy, est préoccupé par la diminution des ressources. Il admet que les moyens alloués à la prise en charge des bénéficiaires du RSA ne vont pas augmenter en 2025. La réduction du nombre d'employés à temps plein est remise en question. Pour éviter l'épuisement professionnel, France Travail a revu ses objectifs à la baisse. Dans un premier temps, l'organisme va gérer l'arrivée des nouveaux bénéficiaires du RSA, automatiquement inscrits à France Travail. Les 1,2 million de personnes déjà bénéficiaires seront progressivement inscrites d'ici 2027.
Il y a 600 000 entreprises en France. Cependant, France Travail est confronté à de nouveaux défis. L'opérateur public doit renforcer les vérifications des bénéficiaires de l'assurance-chômage, qui devraient passer de 500 000 en 2023 à 1,5 million en 2027. L'utilisation de l'intelligence artificielle pour cibler les demandeurs d'emploi susceptibles de frauder inquiète les agents. Selon Catherine Laumont, l'objectif du contrôle de la recherche d'emploi est de réengager les chômeurs en difficulté. Cependant, il y a un risque que cela se transforme en un système de sanctions automatisées.
Finalement, les membres de l'équipe entreprise devront contacter jusqu'à 600 000 entreprises par an, comparé à 200 000 actuellement, pour les assister dans le recrutement de chômeurs. Ces objectifs sont destinés à accélérer la transformation importante de l'ancienne Agence pour l'emploi au cours des dix dernières années, qui a donné des résultats jugés positifs. Selon Stéphane Carcillo, économiste de l'OCDE, la spécialisation des agents mise en place par le précédent directeur général, Jean Bassères, a été fructueuse et a amélioré l'efficacité du service public de l'emploi. Il serait regrettable que des restrictions budgétaires viennent compromettre cette dynamique positive.
Bulletin
Obtenez les analyses et les contenus exclusifs de notre rédaction directement dans votre boîte de réception électronique.
Bulletin d'
Recevez quotidiennement les informations les plus pertinentes.
Liens pratiques que nous recommandons
À propos
Feuilleter
Les applications pour smartphones
Les actualités en direct
Votre publication sous format digital
Les plateformes appartenant
Revue Science et Avenir
L'Exploration
—
Le passé historique