Défis dans le monde de l'entreprise
Philippe Corrot, un individu qui fait face à la concurrence d'Amazon, est à l'honneur.
Par Gilles Fontaine le 24 décembre 2023 à 09h00, et mis à jour le 24 décembre 2023 à 10h35.
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Le créateur de Mirakl, entreprise leader dans le domaine des plateformes de vente en ligne, a été passionné par la programmation dès son plus jeune âge. Ce perfectionniste, qui travaille en étroite collaboration avec Adrien Nussenbaum, considère sa réussite comme une question fondamentale pour lui.
Philippe Corrot, qui fait partie de l'équipe fondatrice de Mirakl, a créé un logiciel en tant que service (SaaS) qui est largement utilisé par des entreprises de renommée mondiale pour gérer leurs activités de place de marché et de dropshipping.
Philippe Corrot a eu la chance d'être accompagné par des grands noms du monde des affaires et de la technologie lors de sa première participation aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence en juillet dernier. Parmi eux se trouvaient Christel Heydemann, directrice générale d'Orange, et Yann Le Cun, le spécialiste de l'intelligence artificielle chez Meta. Il a saisi cette occasion pour transmettre quelques messages. Tout d'abord, il s'est interrogé sur le manque de participation des entreprises du CAC 40 dans le financement des start-up en France. Ensuite, il a abordé la question de la réglementation, soulignant que son entreprise consacre un quart de ses équipes de recherche à se conformer aux règles qui évoluent constamment. Il a conclu en affirmant qu'il est plus facile pour les grandes entreprises comme les Gafa de s'adapter que pour les plus petites, ce qui a été salué par des applaudissements.
Voici le résumé de l'article intitulé "Philippe Corrot : Mirakl obtient 555 millions de dollars de financement pour soutenir la croissance des marketplaces".
Encore une fois, Philippe Corrot ne mâche pas ses mots. C'est une caractéristique qui le définit. "Il n'a pas de filtre, déclare son amie l'écrivaine Amanda Sthers. Il exprime ce qu'il pense, mais toujours de manière élégante."
Le chiffre d'affaires annuel s'élève à 135 millions.
Il est fort probable que cette conviction repose sur le fait d'avoir raison. Il se peut qu'il ne soit pas sûr de tout, mais il n'y a aucun doute quant à la durabilité de son modèle économique. Ce modèle repose sur une place de marché, une plateforme logicielle qui permet à des entreprises telles que Carrefour ou La Redoute d'ouvrir leur propre centre commercial en ligne. Ce centre commercial en ligne permet à d'autres commerçants indépendants de vendre leurs produits ou services.
En collaboration avec son partenaire et complice Adrien Nussenbaum, ils sont devenus les pionniers d'un marché qu'ils ont créé, selon les dires de Xavier Lazarus, cofondateur du fonds Elaia, qui a soutenu Mirakl dès ses débuts. Il est connu pour son pragmatisme et sa vision claire dès le début. Ils ont détaillé ce sujet fondateur dans un livre co-écrit, qu'ils ont remis à la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, en 2023, comme une référence incontournable.
Le 22 mars 2023, j'ai eu l'occasion de rencontrer Margrethe Vestager à Bruxelles. Lors de cette rencontre, j'ai remis à Margrethe Vestager le livre que j'ai coécrit avec Adrien Nussenbaum, intitulé The Online Marketplace Advantage, qui résume notre modèle technologique. Crédit: Photo personnelle.
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Depuis qu'elle a été fondée en 2011, l'entreprise a réussi à obtenir plus d'un milliard d'euros de financement, ce qui lui a permis d'être évaluée à 3,5 milliards d'euros en 2021. Cependant, Philippe Corrot refuse catégoriquement d'utiliser le terme de "licorne" pour décrire son entreprise, affirmant que Mirakl est une réalité concrète. En fait, contrairement à la plupart des acteurs de la French Tech, l'entreprise basée à Paris communique ouvertement sur ses résultats.
Le 13 septembre 2021, Emmanuel Macron a rencontré Mirakl à l'Elysée. Le président français considère le succès de Mirakl comme un exemple à suivre pour la French Tech. Crédit: Photo personnelle.
Cette entreprise compte 750 employés et réalise un chiffre d'affaires annuel récurrent de 135 millions de dollars. Elle enregistre une croissance annuelle de 20 à 40 %. Plus de 80 % de ses activités sont réalisées à l'étranger, dont 60 % en dehors de l'Europe. C'est une réussite mondiale impressionnante, que peu de jeunes entreprises peuvent revendiquer.
De la passion à l'entreprise
Sans le savoir, les Français utilisent régulièrement les services de Mirakl : il y a environ 400 marketplaces Mirakl qui fonctionnent dans le monde entier, regroupant plus de 100 000 vendeurs et enregistrant 1,5 milliard de visites par an. Les équipes de Mirakl ont également développé rapidement l'application StopCovid (rebaptisée TousAntiCovid), ce qui a valu à Philippe Corrot la distinction de l'Ordre du Mérite en 2021.
Le 31 août 2021, Bruno Le Maire a décerné à Mirakl le titre de chevalier de l'ordre national du Mérite lors d'une cérémonie à Bercy. Mirakl, connu pour sa volonté constante de se remettre en question, a développé en un temps record l'application StopCovid. Crédit: Photo personnelle.
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Il prend plaisir à rappeler les paroles de Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, qui a été le premier à théoriser le concept de place de marché il y a environ vingt ans : plus vous avez de vendeurs, plus vous avez de produits, plus vous avez de clients… Il admire également la méthode de Jeff Bezos : "C'est comme si c'était le premier jour tous les jours." La remise en question constante. Selon Adrien Nussenbaum, c'est vraiment un état d'esprit. "Nous partageons tous les deux un fort sentiment d'existentialisme, explique-t-il, probablement lié à notre héritage juif ashkénaze : nous sommes souvent en train de nous interroger sur le sens de la vie, sur le paradoxe de l'oeuf et de la poule."
Au départ, la relation entre les deux partenaires n'était pas harmonieuse. "Il m'a pris pour un clown et je le trouvais rigide", explique l'associé qui travaille avec lui depuis dix-neuf ans. Cependant, lors d'un déjeuner fortuit, ils ont réalisé qu'ils partageaient des valeurs communes : la persévérance et l'éthique du travail.
Les deux amis ont rapidement trouvé leur place, chacun ayant un rôle naturellement défini. Philippe s'occupe de la vision technologique et de convaincre les clients. En tant qu'entrepreneur autodidacte, il a toujours été passionné par le dessin, le design et la culture japonaise, ainsi que par l'informatique.
En juin 2023, j'ai eu l'occasion de rencontrer Takashi Murakami, un artiste plasticien, à la galerie Gagosian à Paris. Depuis son enfance, il était passionné par le dessin et il a développé un grand intérêt pour le style graphique de la culture japonaise. J'ai même une photo personnelle de cette rencontre.
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Quand il était enfant, il aimait démonter et remonter des ordinateurs. Il passait beaucoup de temps à la Fnac des Ternes et dans la rue d'Hauteville, un endroit populaire pour les assembleurs de PC. Il emmenait souvent ses amis du lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine avec lui. Son meilleur ami, Michael Ziegler, résume en disant qu'il a réussi à transformer sa passion en entreprise.
Pour conquérir le marché américain, le fondateur de Mirakl a choisi de s'installer dans les bureaux de l'équipe de développement afin de s'assurer que les projets progressent rapidement et efficacement. Nagi Letaifa, vice-président de l'ingénierie et l'un des premiers employés de Mirakl, explique que le fondateur est très exigeant et attentif aux détails, allant jusqu'à lui faire découvrir le concept du pixel.
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Adrien Nussenbaum se rappelle avoir observé un ingénieur au bord de la crise de nerfs, qui passait huit heures à améliorer l'apparence d'un bouton cliquable. Sa passion pour les détails lui a valu un cadeau de la part de ses collègues : un tee-shirt sur lequel était écrit : "Ce n'est pas aligné !"
Adrien Nussenbaum, quant à lui, évite de se plonger dans le domaine technologique. Ayant obtenu son diplôme de l'HEC et formé à l'école Deloitte, il est responsable du marketing et des ventes. Et la collaboration entre les deux fonctionne parfaitement. "Philippe dit : 'Je pense qu'il faut aller sur la lune' et me demande comment procéder. Et moi, je m'y lance", plaisante-t-il.
Il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin. En août 2015, il traverse l'océan Atlantique pour conquérir le marché américain. C'est la première fois depuis qu'ils ont commencé à travailler ensemble que les deux hommes sont séparés, même s'ils ont toujours partagé le même bureau. Dès le début de leur aventure, ils ont fait appel aux conseils de Jimmy Anidjar, un consultant qui a occupé des postes de direction chez SAP et Oracle. "Notre relation est passée de l'oral à l'écrit", résume Adrien, qui se trouve actuellement à Londres.
Un père dont la vision commerciale est avant-gardiste
Le changement est complet. Fabien Sfez, conseiller et investisseur de longue date dans Mirakl, raconte que "la dispute et les échanges houleux font partie intégrante de leur façon de fonctionner. Ils se disputent tout le temps, mais ils s'aiment." Sfez avait rencontré le duo en 2008 alors qu'il était à la tête de la Fnac, qui avait racheté leur entreprise précédente, SplitGames.
En 2005, j'ai créé SplitGames avec Adrien Nussenbaum. Depuis presque deux décennies, notre duo, parfois tumultueux, a toujours été constant dans notre éthique de travail. Crédit: Photo personnelle.
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La société était spécialisée dans le commerce de jeux vidéo et avait mis en place une plateforme basée sur le concept de la place de marché. Les responsables de la Fnac leur ont demandé de rester au sein du groupe pour développer une plateforme similaire pour leur enseigne. Philippe Corrot témoigne : "Le lendemain de la vente, j'ai paniqué à l'idée de devoir redevenir un employé, de ne plus avoir la liberté de faire ce que je souhaitais."
Parfois, son ami, l'avocat Patrick Klugman, lui rappelle une phrase prononcée par Georges Kiejman lors d'un de ses plaidoyers : "Personne ne peut se défaire de son enfance". L'ami de lycée évoque les difficultés financières auxquelles Philippe Corrot a dû faire face lorsqu'il était enfant.
Il y avait aussi un sentiment d'insécurité émotionnelle. Il était ballotté entre ses parents divorcés qui ne s'entendaient pas. Son père, qualifié de "visionnaire commerçant" par son fils, avait lancé une marque de vêtements. Mais l'entreprise a connu une croissance trop rapide et mal gérée, ce qui a finalement conduit à sa disparition.
En tant que sponsor de la Star Academy, à l'âge de 14 ans, il fréquente le lycée Pasteur à Neuilly-sur-Seine, où sa tante vit. Il admet qu'il allait à l'école pour être tranquille. Lorsqu'il ne séchait pas les cours, il s'asseyait à l'arrière de la classe pour lire des livres de philosophie et d'histoire. Cette période n'a pas été facile pour lui… L'école était un véritable cauchemar. Rien que d'en parler, il ressent encore une boule au ventre. Cependant, il a conservé de cette époque un groupe solide d'amis, toujours très proches, dont Michael Ziegler, avec qui il a créé ses deux premières entreprises. Le père de Michael a été le premier investisseur dans Mirakl.
Leur première idée de projet, conçue lorsqu'ils étaient en classe de seconde, ne se concrétisera jamais : un service de location de films inspiré de Luc Besson. Après avoir obtenu leur bac, Philippe Corrot fait une courte expérience universitaire : trois semaines d'études de droit à Nanterre, marquées par une dispute avec un enseignant. Ensuite, il passe quelques mois au Pôle Léonard de Vinci, à La Défense, où il préfère passer son temps à la bibliothèque et dans la salle informatique plutôt qu'en cours.
Le jeune passionné de technologie ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour poursuivre des études universitaires. Il n'a pas non plus le temps. Il plaisante en disant que dans sa famille, si l'on ne travaille pas derrière une caisse enregistreuse, on ne fait pas un vrai métier. Il décide donc de se lancer directement dans l'entrepreneuriat. Il crée d'abord Keyrus, une agence de communication en ligne, qu'il installe dans la cave de sa famille, puis la revend en mai 2000, juste avant l'éclatement de la bulle Internet.
« C'était la première fois de ma vie où je n'avais plus cette pression financière constante », dit-il doucement. Ensuite, il y aura Maÿrev, une marque d'accessoires de mode lancée avec les Ziegler et son frère Alexandre. La marque connaît un grand succès, sponsorise la Star Academy, mais elle a un inconvénient majeur : elle n'a aucun lien avec la technologie. SplitGames, en 2008, le conduira enfin vers le chemin sacré de la plateforme de vente en ligne.
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Le commencement de la progression vers le succès, mais pas la fin des interrogations. Au sein de son entreprise, Mirakl, Philippe Corrot passe de plus en plus de temps à évaluer l'impact d'une nouvelle vague technologique sur son activité, celle de l'intelligence artificielle. Il prévoit que ce ne sera pas seulement une révolution industrielle, mais un changement majeur pour la société.
Il ordonne à ses ingénieurs de consacrer au moins une heure par jour à ce sujet dès maintenant. Ceux qui se demandent quel objectif atteindre peuvent s'inspirer de cette citation d'Antoine de Saint-Exupéry que leur chef a fait graver sur l'un des murs blancs de son bureau : "La perfection est atteinte non pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retirer." C'est une explication d'une méthode.
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