Défis Société
Intelligence artificielle : Microsoft renforce sa position de leader en déployant des moyens importants
Rédigé par Gilles Fontaine le 22.03.2024 à 08h00 Durée de lecture : 11 min. Abonnés
Sous la direction de Satya Nadella, la grande entreprise informatique a investi rapidement dans l'intelligence artificielle et l'entreprise prometteuse OpenAI. Depuis son siège principal à Redmond, Microsoft se prépare pour un avenir prometteur et reste toujours aussi dominant.
Du côté auditif, on peut encore voir quelques grues et échafaudages qui perturbent la vue, mais le récent campus de Microsoft à Redmond, dans l'État de Washington, est maintenant opérationnel depuis quelques semaines. Contre toute attente, les quatre bâtiments historiques, y compris ceux des bureaux de Bill Gates et Steve Ballmer, ont été démolis. Le célèbre Building 3, qui abritait les ressources humaines et où de nombreux employés de Microsoft ont passé leur entretien d'embauche, a également disparu. À leur place se dressent maintenant 17 bâtiments en bois et en verre, mettant l'accent sur le design, le bien-être des employés et les énergies renouvelables.
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Dans cette zone, les déplacements se font à pied, la circulation automobile est gérée sur quatre niveaux souterrains, comprenant le plus grand parking souterrain au monde. Les livraisons se font à travers un réseau de tunnels reliant les différents bâtiments. À partir de l'année prochaine, un train reliera le siège social à l'aéroport de Seattle en moins de 30 minutes.
En mars 2024, le campus de Microsoft à Redmond a été totalement rénové pour ressembler à une petite ville futuriste. Les anciens bureaux de Bill Gates et Steve Ballmer ont même été démolis pour laisser place à ce nouveau projet. Photo par Gilles Fontaine.
Microsoft a pu faire face à de nombreux défis
La ville du futur, qui est une partie seulement du vaste quartier général de Microsoft s'étendant sur 740 000 mètres carrés, abrite plus de 50 000 employés répartis dans 125 immeubles. Cela reflète les ambitions importantes de la société informatique et de son PDG Satya Nadella, qui a célébré récemment ses dix ans à la tête de l'entreprise.
C'est en 2017 que ce projet de nouveau campus a été lancé par Steve Bathiche, pour marquer un nouveau départ et préparer le groupe à affronter de nouveaux concurrents. Selon lui, le paysage concurrentiel a beaucoup évolué ces dernières années. Il souligne qu'il y a trente ans, AOL était considéré comme le principal adversaire.
Beaucoup des concurrents de Microsoft ont disparu au fil du temps. Malgré les défis posés par l'avènement d'Internet, les poursuites judiciaires de ses rivaux et la montée en puissance des smartphones, Microsoft a réussi à rester fort et compétitif. En tant que leader mondial des services de cloud avec une part de marché de 24 % et se rapprochant du leader Amazon, Microsoft semble plus puissant que jamais. En Bourse, il a même dépassé son rival de longue date, Apple, avec une valorisation estimée à plus de 3 000 milliards de dollars.
L'avancée de la technologie de l'intelligence artificielle est maintenant confrontée à un nouvel obstacle redoutable : le temps. La société informatique est en tête dans le domaine en pleine expansion de l'IA. Satya Nadella et son équipe ont pris la décision judicieuse de collaborer précocement avec OpenAI, leader incontesté dans ce domaine, et son système Chat-GPT. Ils ont investi 13 milliards de dollars pour aider cette entreprise californienne à acquérir l'infrastructure et les capacités de calcul nécessaires pour entraîner leur modèle.
Cependant, pour rester en tête, Microsoft doit mettre en place des stratégies importantes. En théorie, sa position semble inatteignable. Dans sa plateforme cloud Azure, l'entreprise propose environ 1 600 modèles d'intelligence artificielle, tels que Llama de Meta ou celui de Mistral AI, une start-up française en pleine croissance. Selon John Montgomery, vice-président en charge de la plateforme d'IA sur Azure, la concurrence est faible. Bien que le dernier modèle de Google soit bon, les autres rencontrent encore des problèmes de qualité. En termes de fonctionnalités, peu de concurrents peuvent rivaliser avec Microsoft.
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Cela fait un an que Microsoft a commencé à inclure progressivement l'intelligence artificielle dans ses produits. Divya Kumar, directrice du marketing du chatbot Copilot, lancé en septembre dernier, se réjouit de la vitesse à laquelle de nouveaux produits sont lancés. Depuis mars 2023, date à laquelle l'IA a été intégrée dans le moteur de recherche Bing, le groupe a introduit une quinzaine de nouvelles fonctionnalités. La dernière en date est l'ajout d'une touche Copilot sur les claviers des ordinateurs Microsoft.
Les puces Cobalt 100 et Maia
Le chatbot est de plus en plus présent partout: il crée des fichiers Excel ou des présentations PowerPoint automatiquement; résume les réunions en visioconférence Teams; aide les directeurs financiers à finaliser rapidement les comptes et à repérer les erreurs; assiste les experts en cybersécurité dans la lutte contre les attaques de manière plus efficace… Cette gamme de services est déjà utilisée par environ 53 000 clients, incluant la moitié des entreprises du Fortune 500.
Pour améliorer leurs services basés sur l'intelligence artificielle, Microsoft recherche des ingénieurs talentueux et une grande puissance de calcul. Cependant, cette puissance est principalement fournie par des processeurs graphiques ou GPU, dont la production est majoritairement assurée par Nvidia. Pour optimiser leurs coûts d'exploitation et renforcer leurs capacités, les grands acteurs de l'IA générative dans le cloud, tels que Microsoft, ont choisi de développer leurs propres puces sans intention de les vendre. Satya Nadella et Sam Altman redoutent que Google les dépasse cette année avec des modèles entraînés sur plus de données et une puissance de calcul plus élevée.
Il était prévisible et attendu, mais désormais il y a un nouveau concurrent important dans le domaine en constante expansion des semi-conducteurs : Microsoft, selon Glenn O’Donnell, vice-président de Forrester Research. Le géant de Redmond a pris des mesures importantes en ouvrant un nouveau bâtiment sur son campus en octobre dernier, où les serveurs équipés de ses nouvelles puces IA, les Cobalt 100 et Maia, sont assemblés et testés.
Un édifice caché
Annoncés récemment en novembre, ces précieux éléments sont créés par les équipes de Microsoft et produits par des entreprises comme TSMC à Taïwan, Samsung en Corée du Sud et Intel aux États-Unis. Wes McCullough, le vice-président de Microsoft, explique que l'entreprise conçoit des puces depuis de nombreuses années, notamment pour la console de jeux Xbox. Ancien employé d'Intel, où il a travaillé toute sa carrière, McCullough a rejoint Microsoft en 2020 pour diriger son expansion sur le marché des semi-conducteurs.
À quelques centaines de mètres de là, les résidents du bâtiment 87 sont déjà de fervents utilisateurs de ces puces. Ouvert il y a environ dix ans, le centre de prototypage avancé intègre de plus en plus l'intelligence artificielle dans le développement des appareils de la marque. Des manettes de jeu Xbox aux ordinateurs Surface, toutes les technologies y sont testées. Andrew Hill, vice-président en charge de Surface, explique que ce bâtiment était autrefois utilisé pour stocker les archives d'une compagnie d'assurance. L'absence de fenêtres est un avantage selon lui.
Peu de visiteurs sont autorisés à entrer dans cet endroit, et ceux qui le font sont empêchés de voir certaines parties par de grands rideaux noirs. Ici, les équipes de concepteurs et d'ingénieurs testent et examinent des objets de manière intensive : "Nous les jetons, les tordons, les mesurons, pour améliorer l'interaction entre l'homme et ces produits", explique le responsable de produit Carlos Carrasco. Que ce soit le positionnement du casque de réalité virtuelle sur la tête, le bruit des doigts sur le clavier, ou le son de l'ordinateur qui se ferme, tout est analysé et amélioré grâce à l'intelligence artificielle.
En présence du système judiciaire
Le groupe est encore loin d'avoir exploité pleinement le potentiel de cette technologie révolutionnaire. Il continue d'explorer de nouvelles possibilités avec OpenAI. Le 15 février, ils ont annoncé le lancement de Sora, un modèle capable de créer des vidéos très réalistes à partir de textes. Cette innovation est très prometteuse, mais l'accès à l'interface est limité à des experts sélectionnés. Contrairement à ChatGPT, le grand public n'est pas autorisé à utiliser librement ce modèle en raison des risques potentiels.
Le 6 mars dernier, un ingénieur en intelligence artificielle nommé Shane Jones, travaillant pour Microsoft, a mis en garde contre les dangers de l'outil Copilot Designer. Dans une lettre adressée à la Federal Trade Commission, il a expliqué que cet outil de génération d'images de Microsoft pouvait être utilisé pour créer des contenus violents ou sexuels. Il a également souligné que Copilot Designer pouvait générer des contenus préjudiciables sur d'autres aspects tels que les préjugés politiques, la consommation d'alcool et de drogues par des mineurs, l'abus des marques et des droits d'auteur des entreprises, les théories du complot et la religion.
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En plus des risques de partialité, il y a des inquiétudes concernant la protection de la propriété intellectuelle. Le New York Times poursuit Microsoft et OpenAI, les accusant d'avoir utilisé ses articles sans autorisation pour entraîner leurs modèles. En 2019, Microsoft a nommé Natasha Crampton, une juriste, à la tête du poste de responsable de l'IA.
Selon elle, il est essentiel de tester ces systèmes pour en comprendre le fonctionnement. Elle pense que la meilleure façon d'apprendre est de pratiquer. A ce niveau de la technologie, il est important d'agir avec prudence, mais les gouvernements doivent également prendre des mesures. Cependant, leurs réponses ne sont pas toujours favorables à Microsoft. Les régulateurs à Washington et Bruxelles surveillent de près la montée en puissance du géant de Redmond. Il serait imprudent de sa part de se précipiter dans cette course effrénée.
L'outil supplémentaire des jeux vidéo
Avec une intrigue captivante, du suspense et des rebondissements à foison, l'achat par Microsoft du géant mondial du jeu vidéo Activision Blizzard ressemble à un scénario parfait pour un jeu vidéo. Le montant colossal de 69 milliards de dollars a été dépensé pour acquérir le propriétaire de Call of Duty, World of Warcraft et Candy Crush. Cette somme record dans l'industrie du jeu vidéo, tout comme la longue durée du processus d'acquisition, qui a été retardé par l'autorité de la concurrence britannique, a débuté en janvier 2022 et a finalement été finalisé en octobre dernier.
Frank Shaw, responsable de la communication chez Microsoft, exprime sa surprise quant au fait que leur entreprise fournit désormais des jeux à des sociétés telles que Nintendo et Sony. Il n'est donc pas étonnant que ce rachat suscite des inquiétudes parmi les régulateurs. Après plus de 22 ans depuis le lancement de la première console Xbox, Microsoft se positionne désormais comme le leader incontesté de l'industrie du jeu vidéo.
Le groupe s'intéresse particulièrement au modèle économique de l'industrie du jeu vidéo, qui repose en grande partie sur les abonnements. De plus, l'activité du jeu vidéo nécessitant une grande puissance de calcul, elle constitue une charge de travail intensive idéale pour son cloud Azure. Les nombreuses données utilisateurs aideront à améliorer ses modèles d'IA. Enfin, ses prochains jeux devraient intégrer en partie ces algorithmes, comme Sora, le modèle vidéo d'OpenAI.
Microsoft explore les possibilités de l'intelligence artificielle.
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