Difficultés Société Industrie aéronautique
La société française MaiaSpace est un acteur majeur dans la compétition des petits lanceurs spatiaux. Elle joue un rôle important dans la guerre commerciale qui se déroule dans ce secteur.
MaiaSpace, une filiale d'ArianeGroup, a été lancée il y a un an et demi, bien après les autres projets européens de petits lanceurs. Son objectif est de faire voler sa fusée d'ici la fin de 2025. Nous avons eu l'opportunité de visiter le siège technique du groupe à Vernon, où l'équipe française développe et teste les étages de la fusée.
Le deuxième étage du prototype Quasimodo se trouve sur le site MaiaSpace à Vernon dans l'Eure.
Dès que les visiteurs entrent dans l'usine de MaiaSpace, située dans le site hautement sécurisé d'ArianeGroup à Vernon (Eure), le PDG Yohann Leroy donne le ton. "Vous êtes ici pour voir du matériel, et nous allons vous en montrer !" déclare l'ancien directeur technique de l'opérateur satellite Eutelsat, qui a été nommé à la tête de MaiaSpace en mars 2022. Un peu plus loin, ils tiennent leur promesse : dans un vaste hall, un prototype du deuxième étage, un énorme cylindre d'acier mesurant 14 mètres de long, est en phase de tests. "Nous l'avons appelé Quasimodo", explique Yohann Leroy. "Un deuxième prototype sera testé au premier semestre 2024. Nous l'avons baptisé Quasi-parfait, car il sera proche du modèle de vol."
MaiaSpace, qui est l'un des quinze projets européens de micro et mini-lanceurs, a pour objectif de développer un lanceur en seulement quatre ans, avec deux versions disponibles. Une version sera réutilisable et pourra transporter jusqu'à 500 kg en orbite héliosynchrone, tandis que l'autre version sera consommable et pourra supporter une charge utile de 1500 kg. Le groupe espère réaliser son premier vol d'ici la fin de l'année 2025 et commencer à proposer ses services commerciaux en 2026. Ce projet est en accord avec le désir d'Emmanuel Macron de faire de la France le leader dans le domaine des petits lanceurs. Le président a affirmé la semaine dernière que la France se battrait pour être la meilleure et renforcerait ses activités dans le domaine des lanceurs et des constellations de satellites.
Aussi, découvrez les dernières actualités sur Microtecnica, Ariane 6 et SCAF, les sujets qui intéressent le PDG de Safran.
Le lanceur à deux étages mesurant 50 mètres de hauteur a une capacité maximale de 2,5 tonnes en ajoutant un "kick stage" appelé Colibri. Cet étage supplémentaire est de petite taille.
Un employé de la société MaiaSpace se trouve à bord d'un des modèles d'étage du lanceur Maia. Crédit photo: MaiaSpace.
La capacité de MaiaSpace est similaire à celle du lanceur italien Vega-C. Cela signifie que MaiaSpace aura une capacité beaucoup plus élevée que les autres petits lanceurs européens : le lanceur One de RFA a une capacité de 1300 kg, le Spectrum d'Isar a une capacité de 1000 kg, tandis que le Prime d'Orbex a une capacité de 180 kg et le Zephyr de Latitude a une capacité maximale de 100 kg. Selon Yohann Leroy, cela offre un avantage réel car il y a une forte relation entre la taille des lanceurs et leur compétitivité. L'objectif est de se rapprocher autant que possible des prix des lanceurs lourds tels que l'Ariane 6 ou le Falcon 9.
Cependant, il est nécessaire d'arriver rapidement sur le marché. Pour y parvenir, MaiaSpace a complètement repensé la manière traditionnelle de concevoir des fusées. L'objectif est de réduire les prises de risque et de se concentrer sur l'essentiel. Le directeur général adjoint Jérôme Vila résume cette approche en déclarant : "Nous préférons mettre rapidement sur le marché un produit qui atteint 80 ou 90 % de l'objectif, plutôt que d'accumuler des retards pour atteindre les 100 %". La stratégie consiste à développer trois prototypes pour chaque grande partie de la fusée : le premier étage, le deuxième étage et le "kick stage". Le premier prototype permet de tester rapidement un concept, le deuxième est une version plus avancée, de taille réelle, proche du produit final, tandis que le troisième est le modèle de vol.
Un premier modèle expérimental du "kick stage" Colibri a été développé en peu de temps. Il est actuellement soumis à des tests depuis trois semaines sur un site d'essais entouré de forêt à Vernon. Justine Khelali, ingénieure en systèmes et propulsion chez MaiaSpace, explique qu'un test est réalisé chaque semaine, y compris des essais de réallumage. Le site d'essais, qui ressemble à un village d'entraînement militaire en milieu urbain, est situé à seulement quelques centaines de mètres de l'usine. Jérôme Vila explique que cette proximité est un avantage majeur, contrairement aux sites d'essais de Kiruna (Suède) ou d'Écosse, où il faut planifier toutes les étapes des semaines à l'avance. Ici, il est possible de passer de la production aux tests en quelques minutes.
Le groupe français ne peut pas se permettre de perdre du temps. Les concurrents allemands Isar Aerospace et RFA (Rocket Factory Augsburg) prévoient de réaliser leurs premiers vols dès 2024. L'entreprise espagnole PLD Space a déjà effectué un premier vol d'un démonstrateur suborbital (qui ne se rend pas en orbite), appelé Miura 1, ce qui en fait le premier lanceur privé tiré depuis l'Europe continentale. Yohann Leroy ne minimise pas la difficulté de la tâche. "Le marché des lancements va plus que doubler au cours de la prochaine décennie, mais cela ne signifie pas que c'est l'eldorado vanté par certains", souligne-t-il. "L'offre augmente encore plus rapidement que la demande. De nombreux projets ne seront pas menés à terme, il y aura une sélection naturelle."
Le groupe français, qui compte actuellement 115 employés et prévoit d'en avoir entre 250 et 300 dans un délai de 18 mois, dispose de solides arguments à mettre en avant. En tant que filiale d'ArianeGroup, le responsable des lanceurs Ariane, il bénéficie du soutien financier de sa maison-mère. Après avoir investi 40 millions d'euros, ArianeGroup vient d'approuver un nouvel investissement de 85 millions d'euros, portant ainsi les fonds engagés à 125 millions d'euros. Ce montant positionne MaiaSpace parmi les entreprises européennes les mieux financées de ce secteur, derrière la start-up allemande Isar Aerospace qui a levé 310 millions d'euros, mais devant toutes les autres, de l'entreprise britannique Orbex (100 millions de dollars) à l'entreprise allemande RFA.
Un avantage important de la maison-mère ArianeGroup est le moteur Prometheus. Développé en collaboration avec le CNES (l'agence spatiale française) et ArianeGroup, ce moteur puissant (100 tonnes de poussée) utilise de l'oxygène liquide et du méthane. Il est conçu pour être réutilisable et à bas coût, avec l'objectif d'un coût de production 10 fois plus faible que celui des moteurs Vulcain utilisés par Ariane 5.
MaiaSpace utilisera un total de quatre moteurs pour son lanceur : trois sur le premier étage et un sur le deuxième étage. Contrairement à la plupart de ses concurrents, l'entreprise a décidé de ne pas développer ses propres moteurs, ce qui lui évite des complications. Yohann Leroy souligne que le choix du moteur Prometheus, qui a été lancé bien avant la création de MaiaSpace et développé par un leader européen dans ce domaine, est un avantage significatif.
Sur le site d'ArianeGroup à Vernon (Eure), on peut trouver le démonstrateur d'étage réutilisable Themis. Cette image a été créditée à MaiaSpace.
Le moteur Prometheus a déjà effectué 13 essais à Vernon. ArianeGroup assure qu'ils sont en train de résoudre les problèmes liés à la chambre de combustion. Prometheus permettra de réaliser les premiers tests de réutilisation, à la manière de SpaceX, sur un prototype de premier étage réutilisable appelé Themis. Ce premier étage, développé par ArianeGroup et financé par l'ESA, sera envoyé à Kiruna (dans l'arctique suédois) courant 2024 pour effectuer des tests de récupération. Selon Antonin Ferri, directeur des programmes futurs d'ArianeGroup, il effectuera un "saut de puce", c'est-à-dire un décollage jusqu'à une centaine de mètres d'altitude, suivi d'une descente contrôlée et d'un atterrissage. Une deuxième version avec trois moteurs effectuera ensuite des tests plus avancés en Guyane.
MaiaSpace prévoit d'utiliser ces travaux pour développer la version réutilisable de son lanceur. Cependant, les premiers lancements, probablement les trois premiers tirs, seront effectués avec un lanceur consommable, car il est plus facile à mettre sur le marché dans les délais impartis. Une fois le premier vol réalisé, prévu pour fin 2025, l'objectif est d'atteindre une vitesse de croisière d'1 à 1,5 lancement par mois en cinq ans. Environ la moitié des lancements seront effectués avec la réutilisation du premier étage. MaiaSpace vise à obtenir une part de marché de 25% sur le marché "adressable" (à l'exclusion des lancements inaccessibles, tels que les satellites Starlink de SpaceX ou les projets chinois).
Pour réussir à se démarquer de ses concurrents, MaiaSpace devra non seulement réussir son premier vol et augmenter sa production. Le groupe devra également se distinguer lors de la future compétition de petits lanceurs organisée par l'ESA, connue sous le nom de "European Launcher Challenge". Ce concours, qui sera officiellement lancé en 2025, sélectionnera un ou plusieurs acteurs de l'industrie qui remporteront chacun 150 millions d'euros. De plus, ils auront la priorité sur les lancements institutionnels européens effectués par l'ESA ou la Commission européenne. "Remporter ce défi est essentiel, car le marché commercial seul ne suffit pas à assurer la viabilité d'un modèle économique", confirme Yohann Leroy.
Découvrez également les start-up françaises de l'aviation comme VoltAero et Aura Aero qui se démarquent dans la course vers une aviation plus respectueuse de l'environnement.
Le directeur de MaiaSpace souhaite que l'Europe fasse des choix concrets. Il ne veut pas que la compétition se transforme en une situation où tout le monde est gagnant à la fin, comme dans une émission de télévision "l'école des fans". Il espère qu'il n'y aura pas trop de gagnants, avec un maximum de deux, afin de maintenir la concurrence. Si on répartit le succès entre trop d'acteurs, il y a un risque que personne n'atteigne une taille critique.
Les récents problèmes rencontrés par les concurrents américains ont démontré la grande difficulté du segment des petits lanceurs. Virgin Orbit, qui utilisait un Boeing 747 pour lancer ses fusées, a fait faillite au printemps. Astra Space, valorisé à 2,1 milliards de dollars lors de son introduction en bourse en 2021, se trouve dans une situation très difficile. Même si Rocket Lab, le leader du secteur, a réalisé 10 lancements cette année, il n'est toujours pas rentable.
L'entreprise Arianespace
Accepter et avancer.
Centre de sélection de vos alertes d'informations préférées.
Nous avons pris note de vos préférences.
Si vous voulez changer vos intérêts, vous avez la possibilité de cliquer sur le lien Notifications qui se trouve en bas de toutes les pages du site à n'importe quel moment.
Quel type d'actualités vous intéresse, puisque vous vous êtes inscrit pour les recevoir en direct?
J'aimerais ne recevoir que les alertes d'actualités concernant les sujets suivants :