L'entreprise MaiaSpace accélère le développement de sa fusée réutilisable
ARTICLE – À Vernon, dans le département de l'Eure, la jeune entreprise française travaille intensément sur son lanceur sur le vaste site boisé de sa maison mère, ArianeGroup. Son objectif : réaliser un premier vol en 2026.
Cette forêt dense est remplie de fougères endommagées par le froid et d'odeurs persistantes de sol humide. On peine à croire que ces 300 hectares de chênes, de châtaigniers et de bouleaux près de Vernon (Eure) abritent l'un des projets les plus importants de l'industrie spatiale européenne. Après avoir emprunté une route cahoteuse et passé des barrières de sécurité, le visiteur arrive devant le bâtiment A37. Cet immense atelier, construit dans les années 1970, avait été utilisé pour la fabrication de parties des fusées Ariane 1 à 4, puis des moteurs Vulcain d'Ariane 5. Aujourd'hui, c'est la future fusée réutilisable Maia qui prend forme peu à peu dans le hangar, où sont entreposés des réservoirs en attente de tests et des éléments du premier étage.
Le niveau supérieur de la fusée Maia sera récupéré depuis une barge située dans l'océan Atlantique. Crédit: MaiaSpace
La jeune entreprise est en retard de cinq ans par rapport à ses concurrents (RFA et Isar Aerospace en Allemagne, Rocket Lab et Relativity Space aux États-Unis, PLD en Espagne) et doit donc agir rapidement. Le PDG, Yohann Leroy, ancien directeur technique d'Eutelsat, explique que leur stratégie consiste à fabriquer des prototypes rapidement, les tester, parfois les casser, jusqu'à ce qu'ils parviennent à un produit finalisé.
Présentation à proximité. Un modèle de deuxième étage appelé Quasimodo est en train de passer ses tests sur l'un des bancs d'essai hautement sécurisés du site. Il sera bientôt remplacé par un autre engin, Quasi-parfait. Jérôme Vila, directeur de programme chez MaiaSpace, plaisante en disant que le troisième prototype sera l'étage final et pourrait s'appeler "Plus que parfait".
Le modèle initial du deuxième étage nommé Quasimodo. Crédit attribué à MaiaSpace.
Plus performant que Vega-C
Un peu plus loin, le processus de séparation entre le premier et le deuxième étage est testé sur un autre banc d'essai appelé "tire-bouchon". L'objectif est de vérifier que la séparation se fera de manière fluide, sans causer de dommages au fuselage ou au moteur Prometheus. Selon Jérôme Vila, il n'y a pas de marge d'erreur, car la distance entre les deux étages est très courte.
Sites de tests pour la séparation des étages. Crédit: MaiaSpace
Ensuite, on atteint enfin la zone du troisième étage appelé "kick stage", nommé Colibri, qui a été testé en pleine forêt, entouré de bâtiments en béton qui ressemblent à un village utilisé pour l'entraînement des forces spéciales. Ce troisième étage, qui est facultatif, va permettre d'augmenter la capacité de charge de Maia. Jusqu'à la fin de l'année 2023, la start-up avait annoncé une capacité maximale de 2,5 tonnes, mais elle a été augmentée à 4 tonnes en orbite basse. Cela représente une charge utile plus élevée que celle du lanceur italien Vega-C.
MaiaSpace prévoit de proposer deux types de lanceurs pour conquérir un marché annuel d'une valeur d'un milliard d'euros. Le premier type sera réutilisable et pourra mettre en orbite des satellites pesant jusqu'à 500 kg, tandis que le second type sera jetable et pourra transporter une charge utile allant jusqu'à 4 tonnes. Selon Yohann Leroy, cette stratégie permettra à MaiaSpace de couvrir un marché plus vaste que celui de ses concurrents, avec un potentiel de revenus annuels de 1 milliard d'euros.
La cible de MaiaSpace est multiple, comprenant les projets de constellations de satellites, les petits satellites commerciaux et le marché institutionnel européen. Pour attirer ce dernier secteur, représentant potentiellement 25 % de son activité, la start-up vise à remporter le European Launcher Challenge, une compétition organisée par l’Agence spatiale européenne (ESA) en novembre 2023. Les gagnants de ce défi se verront offrir des opportunités de lancement pour des charges institutionnelles européennes.
Des scientifiques allemands se sont installés à Vernon, un endroit important pour l'industrie spatiale en France. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce lieu a accueilli le Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA), qui réunit des chercheurs français et 150 experts allemands du missile V2, recrutés par l'armée française. Ces experts et leur famille résident dans une cité spécialement construite pour eux, appelée le Buschdorf. Le site de Vernon, qui a été acquis par Snecma puis Safran, a contribué au développement des premières fusées-sondes françaises, Véronique et Vesta, ainsi qu'au projet du lanceur Diamant. Il a également travaillé sur plusieurs générations de moteurs-fusées pour les fusées Ariane, notamment Viking, Vulcain, HM7 et Vinci.
Sur ce vaste site, qui est classé Seveso seuil haut, MaiaSpace bénéficie de nombreux avantages : les moteurs Prometheus sont assemblés à proximité par ArianeGroup. Les bancs de test pour les étages, qui sont presque uniques en Europe, se trouvent à moins d'un kilomètre. Yohann Leroy indique que c'est probablement ici que MaiaSpace installera sa future usine, la Maia Factory, qui lui permettra d'atteindre une cadence de 20 lancements par an d'ici 2031-2032. Cela représente le double de la cadence prévue pour le lanceur lourd Ariane 6.
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