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Budget 2024 : Est-ce que les petites compagnies aériennes subventionnées par l'Etat sont encore rentables?
Par Claire Bouleau le 30.09.2023 à 14h00 Lecture 7 min. Abonnés
Lors de la révélation du budget 2024 de son ministère, le ministre des Transports, Clément Beaune, a attiré l'attention sur une partie peu connue de l'enveloppe consacrée au transport aérien. Challenges a mené une enquête sur les lignes d'aménagement du territoire, qui sont des vols subventionnés par l'État afin de désenclaver des zones mal desservies telles que Aurillac dans le Cantal ou Quimper dans le Finistère.
Deux appareils ATR appartenant à la compagnie Chalair sont présents à l'aéroport d
Le terme "Lignes d'aménagement du territoire" est vague et ne donne que peu d'indications. Le jeudi 28 septembre, lors de la présentation du budget 2024 des transports devant les médias, le ministre des Transports a mentionné rapidement ces vols subventionnés par l'Etat qui permettent de connecter des zones avec une faible desserte.
Avec une dotation annuelle de 25 millions d'euros, le montant peut sembler faible comparé au budget alloué à l'avion vert (300 millions d'euros) ou à la modernisation de la navigation aérienne (1 milliard), qui sont les deux principales dépenses de l'État dans ce secteur. Cependant, Clément Beaune n'a peut-être pas insisté sur ce point car le gouvernement n'est pas très à l'aise. À un moment où Emmanuel Macron a fait des vols intérieurs l'une de ses priorités et l'un des symboles de la loi Climat et résilience, en décidant de les interdire s'il existe une alternative en train de moins de 2h30, il n'est pas évident d'assumer que l'État subventionne en même temps neuf lignes domestiques.
Si le trajet en train prend moins de 2h30, les lignes aériennes seront interdites.
J'ai pris cet engagement.
C'est nous qui l'avons fait en premier. pic.twitter.com/hDYpz5Osms
– Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) le 23 mai 2023
Si une alternative en train de moins de 2h30 existe, il sera interdit d'utiliser les lignes aériennes. J'ai pris cet engagement. C'est nous qui l'avons fait en premier. pic.twitter.com/hDYpz5Osms
"La distance entre Paris et ces destinations est d'environ 6h30 en voiture."
Les trajets entre Paris et Aurillac, Brive, Castres, Le Puy, Quimper, Rodez, Tarbes, Brest-Ouessant et Limoges-Lyon sont soutenus par le gouvernement car ils répondent à cinq critères établis dans un décret de 2005 concernant les services publics.
Le terme "Lignes d'aménagement du territoire" est vague et suggère peu de choses. Le jeudi 28 septembre, lors de la présentation du budget 2024 des transports devant les médias, le ministre des Transports a brièvement mentionné ces vols subventionnés par l'État, car ils permettent de désenclaver des zones mal desservies.
Avec un budget annuel de 25 millions d'euros, l'enveloppe peut sembler relativement petite comparée aux 300 millions d'euros alloués à l'avion vert ou au milliard consacré à la modernisation de la navigation aérienne. Cependant, Clément Beaune n'a peut-être pas voulu s'attarder sur ce sujet car le gouvernement n'est pas très à l'aise. En effet, alors qu'Emmanuel Macron a fait des vols intérieurs l'un de ses objectifs et l'un des symboles de la loi Climat et résilience, en décidant de les interdire s'il existe une alternative en train de moins de 2h30, il n'est pas évident d'assumer que l'État subventionne neuf lignes domestiques en même temps.
Si un trajet en train de moins de 2h30 est disponible, les vols doivent être interdits.
J'ai pris cet engagement.
C'est nous qui avons pris l'initiative de le faire en premier. pic.twitter.com/hDYpz5Osms
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 23 mai 2023
Je tiens ma promesse d'interdire les vols lorsque le trajet en train est inférieur à 2h30. C'est nous qui avons pris l'initiative de le faire en premier. pic.twitter.com/hDYpz5Osms
"La distance en voiture entre Paris et ces différentes destinations varie de 6h30."
Les vols reliant Paris à Aurillac, Brive, Castres, Le Puy, Quimper, Rodez, Tarbes, Brest-Ouessant et Limoges-Lyon bénéficient du soutien de l'Etat car ils répondent à cinq critères établis par un décret de 2005. Ces critères garantissent le respect de l'obligation de service public, à savoir : un trafic annuel compris entre 10 000 et 150 000 passagers ; la liaison entre deux aéroports dont l'un ne dépasse pas un trafic total annuel de 1,5 million de passagers ; l'absence d'alternatives routières, ferroviaires ou maritimes de moins de 2h45 ; l'absence d'autres aéroports à proximité ; et la proposition d'un programme de vols comprenant au moins un aller-retour en début de journée et un aller-retour en fin de journée, pour au moins 220 jours par an.
Selon le sénateur Vincent Capo-Canellas (UDI), il y a plusieurs régions où le train ne peut pas être considéré comme une solution pour désenclaver les territoires, car les lignes sont anciennes, délabrées et le service est de qualité médiocre. En septembre 2019, il avait présidé un rapport qui soutenait l'idée que le transport aérien contribue au désenclavement et à la cohésion des territoires. Ce politique défend particulièrement l'idée que l'avion est un moyen approprié pour relier les zones où le train et la voiture nécessitent plus de 4 à 5 heures pour atteindre la capitale. Bruno Faure, président du département du Cantal, qui bénéficie de la ligne d'aménagement du territoire (LAT) Paris-Aurillac, partage le même point de vue : "Il nous faut 6h30 pour rejoindre Paris en voiture ou en train, et cela prend au moins 6 heures, voire sept ou huit heures."
Il est difficile de faire face aux écologistes et aux scientifiques qui demandent une réduction drastique du trafic aérien. Leur principal argument est que les lignes aériennes territoriales permettent aux acteurs économiques locaux de se rendre facilement dans la capitale ou de recevoir leurs clients internationaux. Vincent Capo-Canellas mentionne des entreprises qui exportent, comme le fabricant de textile Armor-Lux à Quimper ou la PME Matière près d'Aurillac, spécialisée dans la construction de ponts métalliques et d'ouvrages. Il ne faut pas non plus oublier les touristes qui souhaitent visiter ces régions de France, ainsi que les habitants de ces départements ruraux qui souhaitent se déplacer.
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Les tarifs des vols ne sont pas sur le point de diminuer.
Un déséquilibre financier précaire se pose avec les petits avions de 40 à 100 places utilisés pour ces vols, qui sont rarement pleins. Alain Battisti, le PDG de la compagnie régionale Chalair, qui exploite quatre lignes subventionnées, dont Paris-Aurillac et Paris-Castres depuis cet été, explique que leur taux de remplissage est d'environ 60 à 75%. Cependant, dans le secteur aérien, plus l'avion est petit, plus les coûts sont élevés. Par conséquent, ces lignes sont souvent déficitaires, d'où la nécessité d'une délégation de service public. Le principe est simple : après un appel d'offres, une compagnie aérienne est sélectionnée pour exploiter la ligne pendant quatre ans. En théorie, les subventions de l'État et des collectivités locales devraient suffire à couvrir le déficit annuel. Cependant, en pratique, la compagnie doit souvent combler ce déficit de sa propre poche.
La pandémie a eu un impact dévastateur sur l'équilibre financier précaire de nombreuses compagnies aériennes. Plusieurs d'entre elles ont même disparu pendant la période du Covid, comme celles qui opéraient les lignes reliant Paris Orly à Périgueux, Lannion ou Saint-Etienne. Même Air France, qui est pourtant une compagnie historique avec des ressources économiques solides, a décidé de mettre fin à cette activité à l'issue de la crise sanitaire, à l'exception de la Corse. Cette décision a été perçue comme un abandon par certains, qui ont alerté Clément Beaune sur le fait que cela entraînerait l'arrivée de petites compagnies régionales, voire exotiques, qui auraient du mal à réduire leurs coûts. Et effectivement, des compagnies comme Chalair, Amelia, Twin Jet et Finist'Air se sont manifestées.
Actuellement, la majorité des acteurs du marché sont de petites entreprises, à l'exception de la ligne Tarbes-Paris, qui est exploitée par la compagnie aérienne low-cost espagnole Volotea. La situation financière devient de plus en plus complexe, d'autant plus avec l'inflation qui sévit. "Lorsqu'Air France exploitait la ligne Paris-Aurillac, le déficit s'élevait à 17 millions d'euros sur une période de 4 ans", se rappelle Bruno Faure. "Aujourd'hui, pour le même service, il est passé à 25 millions d'euros." Après avoir déduit les subventions de l'État de 10,2 millions d'euros, l'aide de 1,9 million d'euros de la région et le soutien de la chambre de commerce, le département doit encore débourser entre 8,5 et 9 millions d'euros. Cela représente beaucoup trop par rapport au budget total annuel de 210 millions d'euros. Par conséquent, la décision a été prise de réduire le nombre de vols quotidiens.
Aussi, prenez également en compte le défi impossible du budget 2024.
Selon Alain Battisti de Chalair, le financement des lignes a tendance à diminuer alors que les coûts augmentent, ce qui signifie qu'il y a de moins en moins de lignes qui peuvent être financées. Cette tendance est observée dans toute l'Europe, où l'activité des avions régionaux a disparu en Allemagne et où la compagnie Flybe, qui proposait des vols avec entre 40 et 100 sièges, a cessé ses activités début 2023 en Angleterre.
En novembre, la ligne reliant Quimper à l'aéroport d'Orly en France sera interrompue et ne sera pas rétablie. D'autre part, le directeur général de Chalair a pris la décision de cesser d'exploiter la ligne entre La Rochelle/Poitiers et Lyon six mois avant la date prévue : le déficit était supérieur au financement disponible. Cette entreprise réalise les deux tiers de son chiffre d'affaires (34 millions d'euros en 2024) grâce à des lignes desservant des régions peu peuplées, avec un bénéfice net prévu de 400 000 euros. Le patron prévient que l'on ne peut pas s'enrichir avec ce système.
Avec une facture qui devient de plus en plus lourde et alors que les émissions de carbone de l'avion sont critiquées, est-ce que le train pourrait faire un retour en force sur ces trajets ? Alain Battisti pense que si c'était le cas, les lignes d'aménagement du territoire disparaîtraient automatiquement. Selon lui, le marché a toujours fait une sélection naturelle. Chaque fois que le train est arrivé, les lignes d'aménagement du territoire ont disparu. Il mentionne par exemple la ligne Agen-Orly qui a été abandonnée lorsque le TGV bordelais est arrivé.
"Le manque de revenus fiscaux dans le secteur aérien s'élève à 4,7 milliards d'euros."
Cependant, il est important que la SNCF, qui fait face à une dette énorme et à des investissements massifs, voit un avantage à investir dans ces régions éloignées. Bruno Faure, du côté du Cantal, ne croit pas que cela se produira. "Le Cantal compte 145 000 habitants, nous n'intéressons pas grand monde", déplore-t-il. Dans les années 75, il était plus rapide d'aller en train à Paris depuis Aurillac qu'aujourd'hui." Et que dire du projet de train de nuit Paris-Aurillac, mentionné dans le budget 2024? "On nous propose que le train de nuit arrive à Aurillac le samedi matin et reparte le dimanche soir, sauf pendant les vacances de la zone C, c'est-à-dire celle de Paris Versailles, où il y aura une fréquence quotidienne", se plaint l'élu. "C'est donc un service pour les Parisiens, pas pour les habitants du Cantal."
Secteur aérien
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