Défis Société
Cas Altice : les étranges constructions associées à un prestataire français
Par David Bensoussan le 25.03.2024 à 16h47, mis à jour le 26.03.2024 à 11h15
Durée d'écoute : 7 minutes
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La cession de ERT Technologies à Altice a été très avantageuse pour Armando Pereira, collaborateur proche de Patrick Drahi, qui est déjà sous le coup de la justice. Selon des informations financières, certains de ses proches comme les Vauthier, une famille originaire des Vosges liée à Altice, ont également bénéficié de cette transaction.
En octobre 2018, Alain Vauthier, Armando Pereira et Patrick Drahi étaient présents lors de l'ouverture du campus parisien d'Altice.
Le parquet national financier français a décidé d'enquêter sur les activités du propriétaire de SFR, Altice. Selon Bloomberg, une enquête préliminaire pour corruption a été ouverte en septembre 2023. Cette enquête fait suite à une autre ouverte au Portugal contre Armando Pereira, cofondateur d'Altice aux côtés de Patrick Drahi, et classé 71e fortune du classement Challenges. Armando Pereira est suspecté d'avoir mis en place un système de sous-traitants qui auraient surfacturé leurs services à Altice, détournant ainsi d'importantes sommes d'argent au profit de lui-même et de ses proches.
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En France, le PNF pourrait examiner le cas de l'entreprise ERT Technologies, qui compte 1 419 employés et a réalisé un chiffre d'affaires de 423 millions d'euros en 2022. Cette société se spécialise dans l'installation et la maintenance des réseaux de câbles et de fibre optique. Présente également au Portugal, ERT Technologies était l'un des principaux sous-traitants d'Altice avant d'être rachetée par le groupe de Patrick Drahi entre 2016 et 2018. Cette acquisition complexe, réalisée à travers une série de holdings, a été bénéfique pour Armando Pereira et la famille Vauthier, peu connue mais étroitement liée au géant des télécommunications.
La connexion vosgienne
ERT Technologies a été fondée officiellement en 2000 par un groupe de personnes proches d'Armando Pereira, avant la création d'Altice deux ans plus tard. Cette entreprise est devenue rapidement le principal client d'ERT, qui est basée en partie dans les Vosges, où Armando Pereira a débuté sa carrière. Initialement détenue par deux holdings luxembourgeoises, ERT a été confrontée à des problèmes fiscaux au début des années 2010. Armando Pereira a finalement révélé qu'il était l'un des actionnaires d'ERT, aux côtés des fondateurs officiels. Un nouveau montage opaque a alors été mis en place, impliquant Alain Vauthier qui a été nommé président d'ERT et de plusieurs sociétés liées à celle-ci.
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Âgé de 72 ans, cet ancien pharmacien originaire des Vosges a investi dans l'immobilier et le commerce, mais n'est pas un expert en télécommunications. Il est proche d'Armando Pereira, avec qui il partage une passion pour les rallyes automobiles. Les deux amis participaient régulièrement à des courses ensemble. Alain Vauthier est également impliqué dans le club de football de l'AS Nancy Lorraine. Son fils François, diplômé de l'Ecole de management de Grenoble, a travaillé pendant près de dix ans chez Altice, occupant notamment des postes dans le contrôle financier. Il a été nommé directeur financier du groupe en France à seulement 34 ans, de 2016 à 2019. Armando Pereira considérait François comme son propre fils.
En 2015, Alain Vauthier et Armando Pereira concluent un accord de fiducie, permettant à Pereira de confier temporairement ses parts secrètes dans ERT à Vauthier via sa société de portefeuille PV International Partners. Cette société détient 55 % des actions d'ERT ainsi que d'autres participations dans des fournisseurs étrangers. L'année suivante, Altice décide d'acquérir ce nouvel ensemble renommé Parilis par Pereira. Le groupe commence par racheter 51 % des actions pour 158 millions d'euros en octobre 2016 et obtient une option sur les actions restantes.
PV International Partners, dirigé par Vauthier, reste temporairement actionnaire minoritaire de Parilis à hauteur de 49 %. Cependant, cette opération n'est pas mentionnée dans les comptes d'Altice comme une transaction avec des "entreprises liées", malgré le fait qu'Armando Pereira soit directeur opérationnel en Europe à ce moment-là. Les groupes cotés ont l'obligation de faire état de telles transactions. En avril 2018, Altice rachète finalement les 49 % restants pour 156 millions. En 2020, la "fiducie" entre Vauthier et Pereira est résolue, ce qui permet à ce dernier de toucher une somme importante.
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Armando Pereira ne manque pas de partager ses gains avec ses proches, dont Alain Vauthier. Même s'il n'était pas parmi les associés d'origine d'ERT, il a été récompensé pour son travail. Avant le rachat par Altice, le pharmacien vosgien a créé sa propre société holding Gabcia et a transféré la propriété à son fils François. Les documents de la société, basée au Luxembourg, montrent qu'en avril 2016, Gabcia a acheté 67 actions d'ERT pour 349 000 euros, représentant 11,7 % du capital. En août 2018, alors que François Vauthier était directeur financier d'Altice France, Gabcia a revendu ces actions au géant des télécoms pour 24,8 millions d'euros, réalisant ainsi une importante plus-value qui sera payée en plusieurs versements de 2018 à 2023.
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Gabcia a prêté 3,2 millions à la société civile immobilière FLG Gestion, fondée par Alain Vauthier en 2016. Selon les documents officiels, la SCI est devenue propriétaire d'un chalet de luxe à La Clusaz, en Haute-Savoie, d'une valeur similaire à l'avance octroyée. Alain Vauthier a depuis abandonné tous ses postes liés à ERT, fermé la société Gabcia en 2021 et transféré la propriété de FLG Gestion à son fils François, qui a quitté Altice. Lorsqu'interrogé sur ces arrangements, François a répondu par SMS qu'il n'avait personnellement tiré aucun profit ni acheté quoi que ce soit à La Clusaz.
Il explique qu'au moment où ERT a été racheté, il occupait le poste de directeur financier de la filiale en France, se concentrant sur les résultats financiers organiques, et n'avait aucun rôle dans les acquisitions, qui étaient gérées et validées au siège mondial du groupe du début à la fin. De son côté, l'avocat d'Armando Pereira, Jean Tamalet du cabinet King & Spalding, déclare que son client est prêt à coopérer pleinement avec l'enquête menée par le parquet national financier.
Altice est une entreprise spécialisée dans les télécommunications.
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