Défis Société
Les potentiels ministres de gauche spécialisés en finances
Par Esther Attias et Grégoire Pinson
Publié le 02.09.2024 à 21h00, dernière mise à jour le 03.09.2024 à 15h00
Durée de lecture: 9 minutes
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Certains professionnels de la finance ont montré de l'intérêt pour les affaires publiques, que ce soit de manière directe ou indirecte. Leur approche est en harmonie avec les marchés financiers, ce qui rassure les membres de la droite tout en provenant de la gauche.
Alors que les différents candidats au poste de Premier ministre sont envisagés et discutés, les critères pour choisir le candidat idéal deviennent de plus en plus complexes – ce qui est une conséquence logique de la situation politique actuelle. L'objectif est de trouver quelqu'un qui puisse plaire à la droite et au centre tout en étant acceptable pour la gauche et rassurant pour les marchés financiers. Il faut également qu'il soit prêt à endosser le rôle de bouc émissaire en cas d'alliance des factions de l'Assemblée qui voteraient une motion de censure. Face à l'inquiétude croissante des Français, certains acteurs financiers ont montré un intérêt direct ou indirect pour les affaires publiques. Ces personnes, expertes en économie, chefs d'entreprise, familiarisées avec les logiques du marché et du monde du travail, apaisent la droite mais sont également appréciées par la gauche, ou ont des idées compatibles avec certains courants du Nouveau Front Populaire. Analyse détaillée de ces potentiels candidats au poste de ministre.
Pascal Demurger, le directeur général de la MAIF, un groupe mutualiste, est connu pour son engagement en faveur d'une société plus juste et respectueuse de l'environnement. Il est proche de Laurent Berger, ancien secrétaire général de la CFDT, et partage les préoccupations des écologistes concernant le changement climatique. Pour témoigner de son engagement, il a réussi à obtenir que le groupe mutualiste de Niort reverse 10 % de ses bénéfices annuels à des projets de solidarité climatique et de préservation de la biodiversité depuis 2023. En plus de cela, il co-préside Impact France, un nouveau mouvement patronal qui se veut être le "Medef des entreprises engagées". Il défend des idées novatrices telles que la conditionnalité des aides publiques aux entreprises en fonction de critères sociaux ou environnementaux, ainsi que l'augmentation du pouvoir des salariés dans les conseils d'administration. Son nom a été évoqué comme possible futur ministre, mais il affirme n'avoir jamais été contacté à ce sujet, se disant simplement "heureux et flatté".
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Stéphane Boujnah, le dirigeant de l'entreprise Euronext, est reconnu pour sa stature imposante, son énergie dynamique et son caractère entreprenant. Anciennement associé à la gauche politique, il a été cofondateur de SOS Racisme et membre du Parti Socialiste jusqu'en 2013. Issu d'une famille ouvrière tunisienne, il est devenu avocat puis banquier d'affaires, travaillant notamment pour Dominique Strauss-Kahn entre 1997 et 1999. À la tête d'Euronext – qui gère les marchés boursiers de Paris et Amsterdam – il a réussi à en faire un leader du secteur en acquérant les bourses italiennes, irlandaises, portugaises, belges, norvégiennes, etc. Soucieux de promouvoir "l'autonomie stratégique de l'Europe" sur le plan financier, il pose régulièrement pour des photos avec les drapeaux européen et français en arrière-plan. Proche d'Emmanuel Macron depuis 2017, il n'oublie pas pour autant ses convictions de gauche. En tant que vice-président de Prométhée Education, une organisation offrant du mentorat aux personnes défavorisées, il est associé idéologiquement à Carole Delga, Bernard Cazeneuve et Karim Bouamrane.
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En juin dernier, il a écrit un article dans Les Echos avec la signature de soixante-treize chefs d'entreprise, critiquant de manière ambiguë "les partisans de la fermeture et du repli". Il s'agit en fait d'un appel implicite au refus de soutenir ni le Rassemblement national ni le Nouveau Front Populaire, allié au parti d'extrême gauche Les Insoumis.
Eric Lombard a été reconduit à la direction de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en janvier 2023, avec le soutien unanime des commissions des Finances du Sénat et de l'Assemblée. Cette décision a été prise malgré les divisions politiques au Parlement. Eric Lombard, âgé de 68 ans, a su rassembler grâce à son expérience variée, allant des cabinets ministériels à l'univers de la finance chez BNP Paribas et Generali, avant de revenir au secteur public à la CDC. Ses actions pour revitaliser les centres-villes, financer des maisons de retraite et travailler en étroite collaboration avec les élus locaux ont permis de désamorcer les critiques à son encontre. De plus, son soutien à l'intervention de l'État dans l'économie pendant la période de la COVID en mettant en place des prêts garantis par l'État a montré son engagement envers le bien-être économique du pays.
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Pour ceux qui pensent qu'Eric Lombard est trop proche du président de la République, il peut leur rappeler les critiques qu'il a exprimées sur la réforme des retraites menée trop rapidement. Après avoir travaillé aux côtés de Michel Rocard pendant de nombreuses années, il peut également se vanter d'avoir côtoyé des figures du Parti socialiste comme Alain Richard et Michel Sapin. Son parcours politique solide pourrait lui permettre d'éviter une motion de censure, du moins pour quelques mois.
Nicolas Théry est un ancien dirigeant de la banque Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Il possède une solide expérience en finance et a également été syndicaliste. Il a travaillé dans les cabinets ministériels de Dominique Strauss-Kahn, Florence Parly et Laurent Fabius avant de rejoindre Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, pour la conseiller sur les questions économiques en raison de ses convictions.
Depuis qu'il occupe le poste de président du réseau mutualiste Crédit Mutuel Alliance Fédérale en 2014, cet originaire du Nord a accompli de grandes réussites. Il a réussi à mettre fin au conflit de quatorze ans qui opposait les branches bretonne et alsacienne du Crédit Mutuel, ce qui nuisait à la dynamique globale de l'établissement financier. De plus, il a amélioré l'efficacité et la rentabilité de la banque. Sous sa direction, la banque est devenue une "entreprise à mission", une caractéristique rare pour une banque de cette envergure. Elle est également devenue une pionnière dans les initiatives liées à la finance verte et à la protection de l'environnement. Contrairement aux autres dirigeants de banques, il refuse les bonus, les variables et les stock-options en plus de sa rémunération fixe, affirmant que le travail est une contribution collective et que c'est en s'inscrivant dans cet espace que l'individu se réalise. Cependant, son principal obstacle est son positionnement politique trop marqué à gauche et son esprit trop libre pour s'adapter au style de gouvernance très autoritaire du président.
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Matthieu Pigasse, ancien chef de Lazard et actuellement associé gérant chez Centerview, est un auteur engagé contre les inégalités croissantes et les lacunes des politiques publiques pour y remédier. En plus de ses activités dans la finance, il est également un homme de médias, possédant Le Monde, Radio Nova, Les Inrockuptibles et la société de production Mediawan qui produit des films et des émissions telles que C dans l'air. Proche des Insoumis et réputé pour être un banquier de gauche, il conseille Jean-Luc Mélenchon ainsi que des dirigeants de pays socialistes comme le président brésilien Lula, l'Argentine et le Venezuela sur les questions de dette souveraine. Il est également un soutien du Nouveau Front Populaire, appelant à voter pour éviter le retour de l'extrême droite.
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