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L'aviation : pourquoi la réduction des émissions de carbone est en retard pour prendre son envol
Par Agathe Beaujon le 11 novembre 2023 à 12h00 Lecture de 5 minutes Abonnés
Lorsqu'il s'agit de rendre le secteur aérien plus respectueux de l'environnement, il existe plusieurs solutions à envisager, telles que la taxation du kérosène, l'utilisation de carburants alternatifs ou encore la réduction du trafic. Cependant, toutes ces solutions rencontrent divers obstacles qui rendent leur mise en œuvre difficile. Jetons un coup d
Approvisionnement en carburant durable pour l'aviation (SAF). Les SAF produisent entre 70 et 90% de moins de gaz à effet de serre que le kérosène. Cependant, le problème est que leur prix est d'environ 5 000 dollars la tonne en Europe, contre 1 000 dollars pour le kérosène.
Le gouvernement a renoncé à mettre en place une taxe écologique sur les billets d'avion afin de financer la transition écologique. Cela montre que trouver la bonne solution pour réduire les émissions de carbone des avions est difficile. Malgré l'augmentation du trafic aérien et son impact sur le changement climatique, il est essentiel de surmonter ces difficultés rapidement.
L'industrie aéronautique se concentre principalement sur le développement de carburants alternatifs, qui ne sont pas encore largement disponibles. Pendant ce temps, les écologistes et de nombreux chercheurs insistent sur la nécessité de solutions plus strictes en matière de sobriété, mais qui sont difficiles à mettre en œuvre.
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Imposer des taxes sur le kérosène
La convention de Chicago de 1944 établit une interdiction de taxer le carburant des vols internationaux. À l'époque, l'objectif était de stimuler le développement du trafic aérien international. Pour modifier cette convention, il faudrait obtenir l'accord unanime des 191 États membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), ce qui est compliqué ! Toutefois, cette convention interdit principalement de taxer le carburant déjà présent dans l'avion à l'atterrissage. Le reste dépend des accords bilatéraux. Il serait donc théoriquement possible d'imposer des taxes sur le carburant des vols au départ, selon Jérôme du Boucher, membre de l'ONG européenne Transport & Environnement, qui milite également en faveur d'une taxation des vols intérieurs. En effet, aucune exemption n'est imposée pour le trafic aérien domestique. Les États-Unis, le Brésil, la Norvège et les Pays-Bas ont déjà adopté une fiscalité similaire.
Toutefois, en France, le gouvernement souhaite agir dans le cadre de l'Union européenne afin de prévenir une concurrence déloyale de la part de compagnies aériennes qui se ravitailleraient ailleurs (même si l'UE pourrait également interdire le ravitaillement par camion). Cependant, à Bruxelles, il n'y a aucun progrès. La Commission européenne a proposé une loi visant à établir une taxe minimale de 38 centimes par litre (comparée aux 60 centimes pour le diesel routier) sur les vols intra-européens, mais elle ne parvient pas à obtenir l'accord des Vingt-Sept : Chypre, Malte, la Grèce, l'Italie et l'Irlande s'y opposent.
Dans le domaine de l'aviation, il existe d'autres avantages fiscaux. Jérôme du Boucher souligne que, en France, seuls les vols nationaux sont soumis à la TVA, avec un taux réduit de 10% au lieu de 20%. Les vols intra-européens et internationaux, quant à eux, sont exemptés de taxes. Il estime que cela représente une perte de revenus de 4,7 milliards d'euros pour l'année 2022, dont 2,3 milliards d'euros d'exonérations de TVA et 1,9 milliard d'euros d'exonération de la taxe sur le kérosène. Cet argent pourrait être utilisé pour promouvoir la transition écologique.
Cependant, Paul Chiambaretto, directeur de la Chaire Pégase spécialisée en économie de l'aviation, souligne que c'est incorrect de dire que l'aviation n'est pas soumise à des taxes. En plus de la nouvelle taxe sur les aéroports prévue dans le Budget 2024 pour financer le rail, les compagnies aériennes paient également la "taxe Chirac" destinée à lutter contre le sida en Afrique, ainsi que des frais qui financent les infrastructures et la sécurité aéroportuaire, qui font partie des coûts engendrés.
Selon les observateurs, une solution de compromis pourrait consister à mettre en place une taxe progressive en fonction du nombre de vols par personne. Cela serait considéré comme un bon compromis entre une taxation uniforme et des quotas, tels que défendus par Jean-Marc Jancovici. Cependant, il serait important de s'assurer que les revenus de cette taxe soient utilisés pour faciliter la transition vers une aviation plus respectueuse de l'environnement, afin de ne pas entraver sa capacité à investir dans des initiatives écologiques.
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Les compagnies s'engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre en utilisant des carburants alternatifs (SAF) qui émettent entre 70 et 90% de moins que le kérosène tout au long de leur cycle de vie. Cependant, le problème est que cette filière est encore peu développée et que ces carburants coûtent environ 5 000 dollars la tonne en Europe, contre 1 000 dollars pour les carburants actuels, selon Paul Chiambaretto. Pour encourager leur utilisation, l'Union européenne prévoit une obligation d'utilisation de 6% en 2030 et de 70% en 2050. Air France, qui s'engage à en intégrer 10% d'ici 2030, estime que cela représentera un surcoût d'environ 1 milliard d'euros par an à cette date.
La question des conflits d'utilisation se pose également. Est-ce qu'il y aura suffisamment de biomasse et d'électricité renouvelable pour produire ces biocarburants ou carburants de synthèse, sans nuire à d'autres secteurs? Des décisions devront être prises et l'économiste estime que les SAF devraient être réservés aux vols long-courriers : "L'utilisation de l'hydrogène et de l'électricité fonctionnera pour les trajets courts, mais les SAF sont intéressants pour les vols long-courriers pour lesquels nous n'avons pas d'autres solutions techniques".
Actuellement, les avions modernes présentent des performances technologiques qui permettent de réduire leur consommation. Cependant, selon Aurélien Bigo, cette avancée est annulée par l'augmentation du trafic aérien. Cela démontre que, à moyen terme, les progrès technologiques ne seront pas suffisants pour réduire de manière significative les émissions.
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Les compagnies aériennes sont fortement mécontentes de la décision des Pays-Bas de réduire le nombre de créneaux de décollage et d'atterrissage à l'aéroport Schiphol, à Amsterdam. Cette mesure vise à diminuer le nombre de vols d'environ 12% dans le but de lutter contre le bruit et la pollution autour de la plateforme. La décision a été confirmée cet été en appel. Il s'agit du premier aéroport en Europe à prendre le risque de réduire le trafic, en plus d'interdire les vols de nuit, les jets privés et de renoncer à son projet d'agrandissement.
En France, il y a un débat sur l'interdiction des vols intérieurs lorsque des alternatives en train sont disponibles. Cette mesure pourrait également inspirer d'autres restrictions. Après avoir remis en question le projet de réaménagement de l'aéroport de Nantes, il a été discuté de limiter le nombre de vols à 56 000 par an lors d'une réunion des élus de la Métropole au début d'octobre. Cependant, il faut faire attention aux conséquences indésirables. Paul Chiambaretto met en garde contre le risque que les compagnies aériennes remplacent les vols courts par des vols long-courriers plus rentables, ce qui entraînerait une augmentation des émissions de carbone.
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