Difficultés Société Protection
Une somme de 3,2 milliards d'euros d'aide militaire de la part de la France à l'Ukraine ? Un calcul plutôt curieux.
D'après un rapport rédigé par les députés Lionel Royer-Perreaut et Christophe Naegelen, l'aide militaire française à l'Ukraine s'élèverait à environ 3,2 milliards d'euros. Cependant, le problème réside dans la méthodologie utilisée par le gouvernement pour effectuer ce calcul, qui s'avère être très trompeuse. Voici donc les explications.
En juin 2022, on peut observer un canon Caesar en Ukraine.
On reproche souvent à la France d'être un mauvais élève de l'Occident en ce qui concerne le soutien militaire à l'Ukraine. Cette accusation est souvent associée aux estimations du Kiel Institute for the World Economy. Selon cet institut allemand, Paris n'aurait fourni que 530 millions d'euros d'équipements militaires à Kiev. Ce montant est très loin des 42,1 milliards des États-Unis, des 17,1 milliards de l'Allemagne, des 6,6 milliards d'euros du Royaume-Uni et des 3 milliards de la Pologne. D'après ce classement, la France serait même devancée par la Lituanie, qui aurait donné 710 millions d'euros.
Afin de rectifier cette image peu flatteuse de la France, Lionel Royer-Perreaut (du parti Renaissance) et Christophe Naegelen (du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) apportent une nouvelle perspective. Dans un rapport présenté le 8 novembre devant la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, ils partagent les résultats d'une "mission flash" durant laquelle ils ont rencontré une vingtaine de personnes à Paris, en Pologne et à Kiev. Selon ces rapporteurs, ils estiment que…
La France est souvent critiquée pour son soutien militaire insuffisant à l'Ukraine par rapport aux autres pays occidentaux. Cette accusation est souvent basée sur les estimations du Kiel Institute for the World Economy. Selon cet institut allemand, la France aurait seulement fourni 530 millions d'euros d'équipements militaires à Kiev, ce qui est bien loin des 42,1 milliards des Etats-Unis, des 17,1 milliards de l'Allemagne, des 6,6 milliards d'euros du Royaume-Uni et des 3 milliards de la Pologne. Selon ce classement, la France serait même devancée par la Lituanie, qui a donné 710 millions d'euros.
Lionel Royer-Perreaut (du parti Renaissance) et Christophe Naegelen (du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) ont décidé de rectifier cette image peu flatteuse de la France en lançant une bombe. Dans un rapport présenté le 8 novembre devant la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, publié après une "mission flash" qui les a amenés à rencontrer une vingtaine de personnes entre Paris, la Pologne et Kiev, les rédacteurs estiment que la France a réellement apporté un soutien militaire de 3,2 milliards d'euros à l'Ukraine. C'est six fois plus que le chiffre du Kiel Institute.
"Un manque de transparence nuisible"
Les deux personnes chargées de la rédaction du rapport affirment que le gouvernement n'a pas été assez transparent concernant l'aide apportée à l'Ukraine, en particulier au début de l'invasion russe. Ce manque de transparence a créé des doutes et a ouvert la porte à des classements internationaux peu fiables, en particulier celui du Kiel Institute. Le fait de rester silencieux et de ne pas communiquer clairement a eu des conséquences néfastes, car cela a donné une place disproportionnée aux classements médiocres voire biaisés, ce qui a affaibli l'image de notre pays. Pourtant, notre soutien militaire à l'Ukraine est solide et nous n'avons aucune raison d'en avoir honte, soulignent les rapporteurs.
Afin d'atteindre la somme de 3,2 milliards d'euros, les députés ont additionné différentes sources de financement. Cela inclut une estimation de la valeur des ventes d'équipement s'élevant à 1,7 milliard d'euros, le coût de la formation des soldats ukrainiens par les militaires français estimé à 300 millions d'euros, un fonds spécial de soutien à l'Ukraine de 200 millions d'euros qui permet à Kiev d'acheter du matériel français et d'être remboursé, ainsi que la contribution de la France à la Facilité européenne pour la paix (FEP), un instrument européen qui est alimenté à hauteur de 18 % par la France, ce qui représente environ 1 milliard d'euros.
Est-ce que ce nombre est plus crédible que celui du Kiel Institute ? Pas vraiment. Les experts remettent en question la méthodologie utilisée, qui est détaillée dans le rapport. Au lieu de calculer la valeur d'utilisation des équipements transférés à Kiev, les députés ont choisi de prendre en compte le coût budgétaire de leur remplacement pour évaluer les cessions de matériel.
Méthodologie partiale
Cette approche peut être pertinente lorsque les équipements sont remplacés à l'identique, comme c'est le cas pour les canons Caesar. Cependant, la plupart du temps, le calcul est complètement partial. Quelques exemples ? Un vieux VAB (véhicule de l'avant blindé) donné à l'Ukraine est évalué au même prix qu'un tout nouveau Griffon (coûtant au moins 1,5 million d'euros). Un véhicule de reconnaissance AMX 10RC, conçu dans les années 70 et dont la production a été arrêtée en 1994, est estimé au même prix qu'un Jaguar (coûtant entre 4 et 4,5 millions d'euros), le tout dernier véhicule de reconnaissance et de combat. Un vieux missile Milan (coûtant 7 000 euros pièce) est évalué au prix de son remplaçant Akeron MP (ex-MMP), qui coûte 193 000 euros l'unité selon un récent rapport de l'Ifri.
En appliquant cette méthode complexe, voire obscure, les ventes d'armes entre pays étrangers atteindraient des valeurs extrêmement élevées. Selon Léo Péria-Peigné, chercheur à l'Institut Français des relations internationales, en utilisant ce type de calculs, les F-16 d'occasion vendus par les Pays-Bas à l'Ukraine seraient estimés au même prix que le F-35 neuf. Cela représente entre 100 et 150 millions de dollars par avion, alors qu'un F-16 d'occasion se vend généralement entre 15 et 20 millions de dollars.
La Pologne a récemment transféré plus de 300 vieux chars soviétiques T72 à Kiev. Ce transfert pourrait être évalué en fonction du prix de leurs remplaçants, à savoir les chars coréens K2 et les chars américains Abrams. Si l'on prend en compte les 300 chars de ce type, cela représenterait une somme totale de 2,5 milliards de dollars.
Le gouvernement est à l'origine du calcul du coût des armements cédés à l'Ukraine par la France. La méthodologie utilisée est critiquable car certains de ces armements étaient en cours de retrait des forces et étaient déjà en train d'être remplacés, avec un financement prévu. Par exemple, les blindés AMX-10RC, les VAB et les missiles Milan font partie de cette catégorie. Il est donc trompeur d'inclure le coût de leur remplacement dans les calculs. De plus, si la France participe au financement de la Facilité européenne pour la paix, elle en bénéficiera également à hauteur de 500 millions d'euros.
Pourquoi avoir opté pour cette méthode de calcul alors ? Les deux députés n'hésitent pas à mentionner d'où vient la méthodologie. Les rapporteurs écrivent : "Le gouvernement estime que ce choix est le plus approprié et le moins sujet à interprétation." En d'autres termes, c'est bien le gouvernement, en particulier le ministère des Armées, qui a suggéré le mode de calcul, qui a été repris sans beaucoup de réflexion par les députés dans leur rapport.
Le rapport met en évidence d'autres sujets plus précis. Il indique que la France finance à hauteur de 18% les dons d'équipements de pays comme la Pologne à l'Ukraine, remboursés par la Facilité européenne pour la paix. Le rapport souligne également que de nombreux dons de l'Allemagne et des pays de l'Est reposaient sur des stocks de matériel soviétique que la France ne possédait pas, ce qui fausse les comparaisons. En revanche, la France a donné des équipements qui étaient en service dans ses propres armées, précise le rapport.
La situation en Ukraine et les discussions sur l'achat de Rafale.
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