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ADP : les raisons du changement soudain de situation pour le PDG Augustin de Romanet
Par Claire Bouleau le 19 mars 2024 à 19h00, avec une mise à jour le 20 mars 2024 à 10h40. Durée de lecture : 8 minutes. Pour les abonnés.
De façon inattendue, Le Monde a révélé que le directeur général d’Aéroports de Paris ne sera pas reconduit pour un mandat de cinq ans. Il est probable que Augustin de Romanet soit simplement prolongé pour gérer les Jeux Olympiques. Challenges analyse les raisons de ce changement soudain.
Le monde de l'entreprise a été secoué par une nouvelle inattendue. Le lundi 18 mars, Le Monde a révélé que le mandat d'Augustin de Romanet, PDG d'Aéroports de Paris, ne sera pas renouvelé pour cinq ans comme prévu. Cependant, il pourrait rester en poste jusqu'à la fin des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Cette décision a surpris tout le monde, car il était largement attendu qu'il soit reconduit pour un troisième mandat. Augustin de Romanet avait même officiellement annoncé sa candidature à sa propre succession le 15 février, en répondant avec humour à une question sur le sujet lors de la publication des résultats annuels de l'entreprise.
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Pourquoi le mercredi 20 mars a-t-il été choisi comme date importante ? C'est le jour où le conseil d'administration décidera de renouveler ou non le mandat d'administrateur d'Augustin de Romanet, lui permettant ainsi de rester à son poste ou non. Selon nos sources, il devrait voir son mandat renouvelé pour qu'il puisse rester en fonction pendant les Jeux Olympiques. Après la fermeture de la Bourse, l'État devrait annoncer officiellement qu'il ne sera pas reconduit en tant que PDG. L'assemblée générale du 21 mai devra ensuite confirmer le choix du futur dirigeant de l'entreprise.
« Un événement inattendu »
Au fil des semaines, le dirigeant très impliqué dans les rouages du pouvoir a sûrement perçu que la situation changeait. La date fatidique approchait, et l'Etat, détenteur de plus de la moitié des parts, restait silencieux. Comme Jean-Pierre Farandou, président de la SNCF, qui attend toujours de savoir ce qui lui réserve l'avenir alors que sa reconduction pour deux ans était initialement prévue en fin d'année, Augustin de Romanet a dû patienter longuement. Puis les événements se sont précipités juste avant la réunion du conseil.
En fin de compte, le PDG n'a eu le temps de prévenir que ses collaborateurs les plus proches avant que la nouvelle ne soit déjà divulguée par la presse. La plupart des employés ont appris, étonnés, la nouvelle à travers un article du Monde. Un observateur pense que c'est peut-être l'Etat qui a intentionnellement divulgué l'information afin d'empêcher que le renouvellement du mandat d'administrateur d'Augustin de Romanet le mercredi 20 mars ne soit interprété comme un succès et une reconduction de son poste de PDG.
En interne, les réactions sont fortes suite à cette nouvelle, avec un collaborateur décrivant la situation comme un choc. Personne ne parvient vraiment à comprendre. Malgré cela, les deux mandats de l'énarque ont été très fructueux pour son principal actionnaire : les dividendes ont doublé et la capitalisation a également augmenté depuis son arrivée. En 12 ans, Augustin de Romanet a transformé ADP en le deuxième groupe aéroportuaire mondial, en prenant des participations en Inde et en Turquie. Récemment, le 14 février, il a annoncé de très bons résultats annuels : en 2023, le chiffre d'affaires du groupe a augmenté de 17 %, le résultat opérationnel courant de 32 %, et le trafic de 20 %, avec 336 millions de passagers transportés. Selon l'administrateur Jacques Gounon, président de Getlink (anciennement Groupe Eurotunnel), le parcours sans faute d'Augustin de Romanet est tel que le conseil d'administration et les syndicats ne peuvent envisager qu'il ne soit pas reconduit dans ses fonctions.
Cela dépend entièrement du président de la République. Il est vrai que l'âge du chef (63 ans le 2 avril) pouvait être un obstacle, la limite étant fixée à 65 ans. Cependant, il aurait été tout à fait possible de le renouveler pour deux ans. De plus, certains observateurs soulignent que « Emmanuel Macron a maintenu Catherine Pégard à la tête de Versailles malgré son âge avancé ! ».
La deuxième hypothèse suggère qu'Augustin de Romanet aurait été trop médiatisé ces dernières semaines, enchaînant interviews et interventions sur les plateaux radio. Certains pensent que cela va à l'encontre des préférences d'Emmanuel Macron, qui préfère agir seul. Cependant, le PDG en était conscient. En janvier, lorsqu'on lui demandait ce qu'il faisait pour défendre son mandat, il répondait qu'il ne faisait strictement rien car il savait que tout dépendait du président de la République. Il craignait même que le fait de défendre son mandat ou de faire intervenir d'autres personnes puisse lui nuire.
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En plus de cela, un élément politique crucial entre en jeu. Deux mois après le réaménagement du gouvernement, il se peut qu'Emmanuel Macron ait fait des promesses à certains de ses anciens ministres comme Élisabeth Borne et Clément Beaune. Les experts se demandent qui pourrait être nommé, mais ils ne semblent pas convaincus. Il est possible que Macron n'ait pas encore trouvé la bonne personne pour remplacer Augustin de Romanet, préférant donc le prolonger jusqu'aux Jeux Olympiques. Cette décision serait stratégique pour la France, en raison de l'afflux de personnes à l'aéroport et du défi logistique que cela représente pour ADP.
Une période d'incertitude
Cependant, la décision prise pourrait ne pas être bénéfique pour l'entreprise qui est cotée en Bourse, envoyant ainsi un signal négatif au marché : elle se trouve dans une période d'incertitude, incapable de lancer de nouveaux projets. Selon un proche du dossier, il aurait été plus judicieux de prolonger le mandat d'Augustin de Romanet de deux ans, même s'il devait se terminer en décembre, afin de le remplacer par la suite. Dans ce contexte, la réunion du conseil d'administration s'annonce tendue. Pierre Cunéo, directeur senior des transports de Paris 2024, qui représentera l'Agence des participations de l'Etat, devra faire face à la réaction des administrateurs indépendants et des salariés, tous fidèles au patron. Certains ont interprété cette décision comme un acte de force de la part de l'Etat. Une personne en interne déplore le comportement de l'Etat, estimant qu'il agit comme s'il gérait une entreprise publique et non cotée en Bourse.
Augustin de Romanet se demande ce qu'il fera en septembre, une fois qu'il aura pris sa retraite. Il a exclu la possibilité de diriger une entreprise du CAC 40 en raison de son âge. Il a également catégoriquement refusé l'idée de prendre sa retraite, s'inspirant de son grand-père et de son père qui ont été maires de leur village dans le Perche jusqu'à un âge avancé. Actuellement président d'Europlace, administrateur de la RATP et de Scor, membre du Siècle et du Cercle de l'union interallié, passionné par la vie publique et avide de lectures, Augustin de Romanet s'apprête certainement à entamer un nouveau chapitre de sa carrière professionnelle.
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