Le cri d’alarme du patron du spatial français: l’industrie aéronautique en danger face à la concurrence mondiale de SpaceX

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"Nous allons tous mourir": l'avertissement urgent du chef de l'industrie spatiale française

Par Vincent Lamigeon le 29.03.2024 à 06h30, avec une mise à jour à 10h55

Durée de lecture: 6 minutes

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Lors d'une conférence sur l'espace, Philippe Baptiste, le président du Cnes, a mis en garde contre le fait que l'industrie spatiale française et européenne est en retard par rapport à SpaceX et à la concurrence mondiale. Il a insisté sur le fait que si des mesures ne sont pas prises rapidement, cela pourrait avoir des conséquences graves pour le secteur spatial.

En participant au séminaire Perspectives spatiales, Philippe Baptiste, président du Cnes, a exprimé une préoccupation majeure concernant l'industrie spatiale européenne, principalement française. Il a souligné la nécessité d'agir rapidement pour adapter l'industrie aux changements et réduire les coûts afin de garantir sa pérennité.

La conquête de l'espace est désormais dominée par des entrepreneurs.

Après sa visite au salon Satellite de Washington, Philippe Baptiste a été témoin de la domination du New Space américain. SpaceX prévoit de réaliser 144 lancements en 2024, tandis qu'Ariane 6 n'en prévoit que deux. Malgré un carnet de commandes solide (30 lancements), le lanceur européen devra faire face à la concurrence de la fusée géante de SpaceX, Starship, qui est devenue un enjeu majeur selon le PDG d'Arianespace, Stéphane Israël.

La concurrence de SpaceX sur le marché des satellites met Airbus et Thales en difficulté. SpaceX a déjà lancé 6 011 satellites de sa constellation Starlink, ce qui a bouleversé les opérateurs satellites traditionnels. En attendant de trouver une solution, ces derniers ont suspendu la plupart de leurs projets d'acquisition de satellites, ce qui met en difficulté les fabricants européens du secteur, Airbus Space Systems et Thales Alenia Space. Airbus est basé à Toulouse, tandis que Thales Alenia Space a des implantations à Cannes et à Toulouse.

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Les conséquences commencent à se faire ressentir : TAS va supprimer 1 300 emplois, dont 1 000 en France, qui seront réaffectés à d'autres activités de Thales. De son côté, Airbus Space Systems, également en difficulté, a changé de dirigeant le 1er mars, avec le départ de Jean-Marc Nasr au profit d'Alain Fauré. Hervé Derrey, le PDG de Thales Alenia Space, a souligné lors du séminaire Perspectives spatiales que la situation économique du secteur est critique, avec des menaces sur l'emploi. La France est confrontée à un risque de perte de compétitivité en raison d'une concurrence étrangère très forte.

Selon Philippe Baptiste, la filière européenne ne réagit pas assez rapidement face au problème du coût élevé d'Ariane 6. Il estime que l'industrie européenne est trop confortable dans sa situation actuelle et qu'un changement radical est nécessaire. Il cite l'exemple de la start-up américaine Intuitive Machines, qui a réussi le premier atterrissage lunaire avec un module développé en quelques années pour 120 millions de dollars, y compris le coût de lancement. Philippe Baptiste se demande pourquoi l'Europe ne peut pas réaliser de tels exploits.

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Philippe Baptiste exprime sa préoccupation quant au manque d'efforts du Vieux continent pour rester compétitif. Il souligne que sur le projet Ariane 6, les coûts sont trop élevés et que l'acquisition de la deuxième tranche de lanceurs est compromise en raison de difficultés à réduire les coûts chez les sous-traitants européens. Selon lui, il manque ainsi 40 millions d'euros de réductions de coûts.

Le groupe MT Aerospace, filiale d'OHB, est l'un des responsables de la situation critique d'Ariane 6. Le PDG de Safran, Olivier Andriès, a également souligné ce problème en décembre dernier. Il a expliqué que le développement d'Ariane 6 a été affecté par un mode de fonctionnement hybride en 2014, où les industriels ont pris le contrôle du projet tandis que les Etats membres de l'ESA ont maintenu le principe du retour géographique. Cela signifie qu'un Etat reçoit une charge industrielle proportionnelle à son investissement. Cependant, aujourd'hui, les sous-traitants ont été imposés à ArianeGroup par leurs pays respectifs, et ces partenaires se retranchent derrière le retour géographique pour éviter de faire des efforts en termes de compétitivité.

Le PDG de Safran a mentionné MT Aerospace (OHB), Beyond Gravity (ex-RUAG) et GKN Aerospace Sweden comme étant parmi les entreprises en difficulté. Il les a surnommées les "Magnificent Seven" (les Sept mercenaires) car elles demandaient des augmentations de prix exorbitantes pour 2022 afin de compenser l'inflation. L'ESA a été sollicitée pour imposer des réductions de coûts, mais certains pays, comme l'Allemagne, ont exprimé des réticences. Cela montre une Europe divisée face à la concurrence croissante de SpaceX, ce qui met à mal l'industrie spatiale européenne.

Organisme spatial européen Société Arianespace Centre national d'études spatiales

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