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Situation de crise dans le domaine maritime : au canal de Panama, le problème n'est pas lié à des tensions géopolitiques, mais à une question de gestion de l'eau.
Le canal de Suez est confronté à de fortes perturbations causées par les attaques des rebelles houthis yéménites, mais le deuxième canal le plus fréquenté au monde est confronté à une toute autre menace. Pour le canal de Panama, le principal danger est la pénurie d'eau.
Pendant que les grandes compagnies maritimes du monde entier prenaient des mesures pour protéger leurs navires transitant dans la mer Rouge, elles ont reçu une petite consolation en provenance du Panama. L'Autorité du canal a décidé d'augmenter le nombre de passages autorisés par jour de 22 à 24. C'est une petite récompense pour eux.
Évidemment, pour le trafic entre l'Asie et l'Europe, qui est menacé par les rebelles houthis au Yémen, le passage par le Panama n'est pas une alternative. Cependant, pour les navires porte-conteneurs qui approvisionnent la côte est des États-Unis depuis la "fabrique du monde", le Panama permet une économie de six jours par rapport au trajet via le canal de Suez. Maintenant que la route concurrente via le Moyen-Orient est peu sécurisée, les Panaméens devraient être satisfaits. Malgré cela…
Avoir à choisir entre le commerce et l'accès à l'eau potable est un dilemme auquel la voie d'eau du canal de Panama est confrontée depuis six mois. En effet, cette voie navigable, qui représente 3,5% du fret mondial et 40% du trafic de containers entre l'Asie et la côte est des États-Unis, est essentielle à la mondialisation. Cependant, il est également crucial de garantir l'accès à l'eau potable pour les quatre millions de Panaméens. Ce canal, qui est le seul à dépendre d'eau douce, voit passer chaque année 13 000 bateaux reliant l'Atlantique au Pacifique. Ce paradoxe est dû au choix des Américains d'avoir créé un lac artificiel situé à 27 mètres au-dessus du niveau de la mer, après l'échec du projet de Ferdinand de Lesseps de créer un canal à niveau, alimenté par l'eau de mer, similaire à celui de Suez. Afin de franchir le lac Gatun et parcourir les 80 kilomètres suivants, les bateaux doivent passer par un système de trois écluses qui consomment 200 000 m3 d'eau douce à chaque passage.
Bien que Panama soit le troisième pays le plus pluvieux au monde, il est également touché par la sécheresse. En raison de l'effet du courant El Nino, qui provoque un réchauffement de deux degrés des eaux du Pacifique, les précipitations ont diminué de 25% en 2023 par rapport à une année normale. Cela a entraîné une diminution du niveau du Lac Gatun de deux mètres en décembre, à la fin de la saison des pluies, ce qui nécessite la mise en place de restrictions supplémentaires. John Langman, responsable du service hydrologique du Canal, exprime sa préoccupation à ce sujet.
Selon John Langman, responsable du service hydrologique du Canal, nous avons enregistré une baisse de 25% des précipitations en 2023 par rapport à une année normale.
Tout a commencé en mai, lorsque la saison sèche s'est prolongée : les compagnies maritimes ont reçu l'avis de réduire de deux mètres le tirant d'eau de leurs navires. Selon CMA CGM, le troisième plus grand armateur du monde qui exploite des porte-conteneurs de 14 000 unités, cela a des conséquences énormes. Cela équivaut à une diminution de près de 20 000 tonnes de fret ! Certains concurrents préfèrent même décharger les conteneurs "en surpoids" à l'entrée du canal et les recharger à l'autre extrémité.
Le groupe CMA CGM, leader dans le domaine du transport maritime, continue de se développer dans le secteur de la logistique.
Selon "Catin" Vasquez, le canal de Panama, accompagné de la ligne de chemin de fer et de l'autoroute qui le longent, constitue un système intermodal efficace. Cependant, il omet de mentionner que chaque train transportant 110 conteneurs coûte environ 100 000 dollars, et qu'il en faut parfois jusqu'à dix pour transporter le surplus de marchandises. De plus, les gros navires doivent payer un péage d'un million de dollars. En conséquence, les armateurs envisagent d'augmenter les tarifs de jusqu'à 10% pour compenser ces coûts supplémentaires. Cependant, cela ne semble pas inquiéter l'administrateur, qui est convaincu de la compétitivité du canal, d'autant plus que la navigation dans la mer Rouge est devenue risquée.
Malgré les restrictions de tirant d'eau à Panama, il a été nécessaire de réduire le nombre de transits. En juillet, la moyenne est passée de 36 à 32, puis à 24 en novembre et à 22 en décembre. Cependant, en janvier 2024, le nombre de transits est revenu à 24, tel que prévu par l'ACP. Les "abonnés" tels que CMA CGM sont prioritaires, mais ceux qui arrivent sans réservation et doivent doubler la file d'attente pour traverser l'isthme (70 bateaux à la fin du mois de décembre) doivent faire attention. Pour ces personnes imprévoyantes, Vasquez, partisan de la loi du marché, a mis en place des "prix dynamiques" sous forme de vente aux enchères de créneaux immédiatement disponibles. L'administrateur se réjouit qu'un navire ayant une cargaison de pétrole liquéfié d'une valeur de 150 millions de dollars ait enchéri plus de deux millions de dollars pour passer en express, espérant ainsi limiter à 200 millions de dollars la perte de revenus de l'ACP.
Selon l'ingénieur Jorge Quijano, qui a précédé la personne actuelle dans son poste, il est moins optimiste quant à la situation. Il pense que les restrictions pourraient entraîner une perte de revenus d'un milliard de dollars, sur un budget total de 4,8 milliards de dollars, dont la moitié est reversée à l'Etat de Panama. Malgré cela, lorsqu'il a quitté son poste à l'automne 2019, il avait mis en garde son successeur sur le problème majeur de l'eau. Il avait également abordé cette question avec tous les candidats à l'élection présidentielle de Panama quelques mois plus tôt.
L'ex-administrateur se souvient d'une année de sécheresse en 2017, où les besoins en eau ont été accrus par l'élargissement du canal avec ses nouvelles écluses. À cette époque, il a demandé au président en fonction, Juan Carlos Varela, de mettre à jour une ancienne étude afin de créer un barrage sur le rio Indio, dans une zone peu peuplée et située à seulement huit kilomètres du canal. Cette mesure permettrait de récupérer suffisamment d'eau pour permettre le passage de douze bateaux supplémentaires par jour, ce qui est exactement la quantité d'eau potable que le canal de Panama perd pour approvisionner la ville.
Après cinq ans et un changement de président, aucune décision n'a été prise, même si l'investissement d'environ un milliard de dollars serait facilement rentabilisé. Selon Quijano, il faut un homme d'État pour prendre de telles décisions, qui seraient bénéfiques tant pour l'économie mondiale que pour les populations. Malheureusement, nous n'avons que des politiciens. Ces mêmes politiciens se retrouveront en mai prochain pour l'élection présidentielle, avec toujours des files d'attente et des tarifs variables pour les armateurs. Pendant ce temps, les Panaméens continuent de souffrir d'un manque d'eau potable.
"Panama" est le titre du texte.
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