L’addiction aux écrans : un défi de santé pour les entreprises et les individus

Difficultés Compagnie Bien-être

Les plateformes comme YouTube, Instagram et TikTok contribuent à l'addiction aux écrans, qui est un problème majeur de notre époque.

Problèmes de comportement, stress, actes suicidaires… En réponse à des conséquences préoccupantes, en particulier chez les jeunes, les autorités cherchent à promouvoir l'utilisation responsable du numérique. Les grandes plateformes comme Facebook et Tinder sont appelées à assumer leurs responsabilités.

À l'hôpital Jean-Verdier de Bondy, en région parisienne, Sylvie Dieu Osika mène seule une lutte. En 2019, cette pédiatre a ouvert la première consultation en France pour aider les enfants exposés aux écrans. Chaque lundi matin, elle reçoit des parents inquiets de voir leurs enfants absorbés par la lumière bleue depuis leur plus jeune âge. Ces enfants passent déjà plusieurs heures par jour devant YouTube Kids, la version pour enfants de la plateforme de vidéos, ce qui peut avoir des conséquences sur leur développement. Selon Sylvie Dieu Osika, des problèmes tels que des retards de langage, des troubles du sommeil et des difficultés à gérer la frustration sont de plus en plus fréquents chez ces enfants.

Découvrez également comment Teleperformance, une entreprise française, utilise la modération des réseaux sociaux comme un atout stratégique.

En collaboration avec d'autres spécialistes de la pédiatrie, Sylvie Dieu Osika s'est impliquée dans la sensibilisation des autorités à la reconnaissance des problèmes liés à l'utilisation excessive des écrans comme une question de santé publique. Elle a ainsi créé un groupe pour combattre la surexposition aux écrans et mettre en garde les parents sur les dangers encore méconnus. Elle déplore le fait que les parents pensent agir de manière correcte, et ne leur en tiennent pas rigueur. La liste d'attente de son cabinet reflète le désespoir des médecins face à ce phénomène, qui a longtemps été négligé par les autorités. Elle constate un manque de formation dans ce domaine.

Inquiétude, tristesse ou difficulté à dormir

Cependant, il y a un signe d'espoir avec une nouvelle initiative politique. Lors d'une conférence de presse le 16 janvier dernier, le président Emmanuel Macron a exprimé son souhait de mettre l'accent sur l'utilisation appropriée des écrans pour le gouvernement. En effet, les écrans sont souvent mentionnés dans les discours de l'Elysée, où ils sont blâmés pour être à l'origine de nombreux problèmes chez les jeunes : des émeutes de l'été dernier à la suite de la mort du jeune Naël au cyberharcèlement observé dans les cours de récréation. Ce sujet intéresse même l'épouse du président, Brigitte Macron, qui s'est impliquée en tant qu'ambassadrice en mobilisant ses réseaux.

Un groupe de dix experts, comprenant des spécialistes en neurologie et en psychiatrie, a été chargé d'examiner en profondeur ce sujet. Sous la direction de l'addictologue Amine Benyamina et de la neurologue Servane Mouton, ce comité doit parvenir à un accord scientifique et proposer des mesures pour lutter contre l'abus d'écrans. Le gouvernement est ouvert à toutes les solutions possibles. Les recommandations de ce comité seront présentées fin mars, mais il sera difficile de trouver un consensus aussi rapidement.

Les chercheurs ont des opinions divergentes en fonction de leur formation. Selon le professeur Marc Auriacombe, addictologue à l'hôpital de Bordeaux, la recherche sur les troubles liés aux écrans n'est pas encore fixée. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'a pas encore reconnu ces troubles. Ils ont été inclus dans la liste des addictions sans substance du DSM-5, mais cela ne constitue pas un diagnostic officiel. De même, les troubles du comportement liés aux réseaux sociaux ne sont pas encore pleinement reconnus.

Découvrez comment les plateformes en ligne contribuent à propager des idées sexistes à travers la société.

Les conséquences de l'utilisation des écrans sur la santé ont été étudiées depuis environ dix ans. En Asie, ce sujet est pris très au sérieux, en particulier en Chine où de nombreuses études ont confirmé le lien entre l'utilisation de plateformes comme TikTok ou Instagram et l'apparition de problèmes tels que l'anxiété, la dépression et les troubles du sommeil. Des chercheurs de l'université de Changsha, dans la province de Hunan, ont récemment évalué le niveau de dépendance des étudiants à leurs réseaux sociaux. Une étude menée en 2022 auprès de 1 539 étudiants chinois a montré que la plupart d'entre eux répondaient aux critères du DSM pour définir un comportement addictif.

Les plateformes ont une responsabilité envers leurs utilisateurs, notamment en ce qui concerne le phénomène du FOMO, ou la peur de manquer un événement sur les réseaux sociaux, qui affecte particulièrement les jeunes. Ce symptôme est bien connu des adolescents qui passent compulsivement du temps à consulter les publications sur les réseaux sociaux sans en retirer de satisfaction. Selon le professeur Marc Auriacombe, il ne s'agit pas simplement de passer trop de temps sur son téléphone, mais plutôt de jeunes qui ressentent une perte de contrôle. Cette sensation peut entraîner une grande détresse chez les personnes les plus vulnérables, pouvant conduire à des troubles alimentaires, des obsessions ou des tentatives de suicide.

Également à lire: Meta fait face à une plainte de consommateurs en Europe concernant la publicité ciblée.

Pendant longtemps, les réseaux sociaux ont ignoré la question de la santé mentale des adolescents en laissant planer un certain flou. Cependant, les révélations de Frances Haugen, une lanceuse d’alerte et ancienne employée de Facebook, ont mis en lumière le fait que Facebook était conscient du problème. Lors de son audition au Sénat en 2021, Haugen a révélé que Facebook avait mené des études sur le rôle d’Instagram dans le développement de troubles mentaux chez les adolescents, en particulier la dysmorphophobie, qui est l'obsession de son apparence physique. Des documents internes ont confirmé que Facebook contribuait à détériorer la relation qu'un tiers des adolescentes avaient avec leur corps, comme l'a admis l'entreprise dans une diapositive de 2019 récupérée par la lanceuse d'alerte.

Le concept de "bien-être numérique" est de plus en plus important. Récemment, Mark Zuckerberg s'est excusé devant le Sénat américain pour le rôle de Facebook dans le mal-être des adolescents et de leurs familles. Il a reconnu lors d'une audience publique en janvier avoir contribué à ces pathologies. Cela souligne la responsabilité croissante des plateformes en ligne.

D'après Instagram, des actions ont été prises pour empêcher ces problèmes. La plateforme encourage maintenant les jeunes à limiter leur temps d'écran au quotidien. Les utilisateurs peuvent activer une option pour se rappeler de faire des pauses. Cette approche est adoptée par la plupart des grandes entreprises du secteur internet, qui mettent la responsabilité de la durée d'utilisation des écrans sur l'utilisateur. Les fabricants de smartphones se tournent vers les applications de "bien-être numérique" (comme le mode "Chut" ou l'option "Lever la tête") pour éviter les poursuites judiciaires qui se multiplient aux Etats-Unis.

En 2024, les premiers procès pourraient avoir un impact significatif. Récemment, Match, l'entreprise derrière les applications de rencontre Tinder, Hinge et OkCupid, a été poursuivie en justice pour avoir créé une dépendance au "swipe" chez ses utilisateurs. Ce geste consiste à faire glisser les profils de droite à gauche sur l'écran, et fait partie des tactiques invisibles, appelées "dark patterns", qui incitent les utilisateurs à rester accrochés à leurs téléphones le plus longtemps possible. Six anciens clients ont déposé une action collective pour dénoncer ces fonctionnalités addictives qui ressemblent à celles d'un jeu.

D'après Karl Pineau, qui enseigne et fait de la recherche à l'Ecole de design de Nantes, ces caractéristiques reposent sur un système de gratification aléatoire. L'utilisateur est incertain si le prochain contenu sera intéressant, ce qui le pousse à continuer à utiliser l'application. C'est une stratégie visant à retenir l'attention des utilisateurs et à les inciter à passer le plus de temps possible sur ces applications. Selon Jean Cattan, secrétaire général du Conseil national du Numérique, le modèle économique de ces applications repose sur l'attention des utilisateurs. L'objectif est de les rendre dépendants pour pouvoir vendre de la publicité.

Également à lire: Les réseaux sociaux sont incapables de modérer efficacement la domination masculine.

Les méthodes utilisées par TikTok sont actuellement sous enquête à Bruxelles, suite à l'adoption du Digital Services Act (DSA) qui impose aux plateformes de protéger les utilisateurs contre les risques potentiels pour leur bien-être physique et mental. Les plateformes doivent prendre des mesures pour éviter que les utilisateurs ne développent des comportements addictifs et doivent effectuer des audits réguliers. Une enquête a été ouverte le 19 février contre TikTok pour non-respect de ces obligations. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a critiqué le caractère "addictif" de TikTok, qui retient les utilisateurs dans une boucle infinie de vidéos sur un même thème, pouvant conduire à une perte de contrôle voire à une overdose.

La Chine tente de trouver le juste équilibre en matière de législation.

Malgré les poursuites en Europe et les attaques aux États-Unis, TikTok semble ignorer les problèmes. Cependant, en Chine, les jeunes sont strictement contrôlés sur leur temps d'écran. Depuis octobre dernier, le gouvernement chinois cherche à interdire aux moins de 18 ans l'accès aux réseaux sociaux entre 22 heures et 6 heures du matin. Une limite de 90 minutes par jour a été fixée pour les jeux vidéo, encourageant les adolescents à limiter leur temps de jeu.

Les mesures prises par l'administration chinoise responsable du cyberespace (CAC) n'ont pas toutes été mises en place, mais un nouveau règlement sur la protection des jeunes a été mis en vigueur le 1er janvier. Ce règlement impose des contrôles aux fabricants, qui doivent installer un logiciel de protection du réseau pour les mineurs avant la sortie des produits de l'usine. Cette action montre une volonté forte de résoudre le problème, alors que la Chine interdit déjà certains jeux.

Même s'ils ne sont pas spécifiquement mentionnés, les autorités ciblent les produits et services qui créent une dépendance. Ils pourront être soumis à des amendes atteignant jusqu'à 1 million de yuans (128 000 euros). En décembre dernier, l'annonce de ces mesures a provoqué une baisse des actions des grandes entreprises technologiques chinoises, telles que Tencent et NetEase. Cela a conduit le Conseil des affaires d'État chinois à assouplir cette législation.

Réseaux sociaux populaires: Facebook, Instagram et Youtube.

Approuver et poursuivre

Zone où vous pouvez définir vos préférences pour les alertes d'informations.

Nous avons pris note de vos choix.

Si vous voulez changer les sujets qui vous intéressent, il vous suffit de cliquer sur le lien Notifications situé en bas de toutes les pages du site.

Vous avez souscrit pour recevoir des informations en temps réel, quels sujets vous intéressent?

Je voudrais ne recevoir que les alertes d'information concernant les sujets suivants :

Retour en haut