Obstacles en milieu professionnel
Le coût élevé des tickets restaurants
Par Jean-François Arnaud le 25.10.2023 à 06h30 Durée d'écoute : 7 minutes Abonnés
Ce système très apprécié par de nombreux employés est actuellement le sujet d'une bataille entre les restaurants et les opérateurs. Ces derniers ont été condamnés pour avoir participé à une entente illégale et attendent le verdict en appel qui pourrait leur coûter cher, en novembre.
Edenred est la société dominante sur le marché français des titres restaurants.
Peut-être que la niche fiscale et sociale à laquelle les Français sont le plus attachés, mais aussi celle qui suscite le plus de controverses, concerne les titres-restaurants. Plus de 5 millions de salariés utilisent ces titres dans 234 000 établissements et commerces agréés. Cette prime en nature est partagée à parts égales entre l'employeur et le salarié, et elle est exempte de cotisations sociales, patronales et d'impôt sur le revenu. « Le coût pour les pouvoirs publics s'élève à environ 1,5 milliard d'euros par an », admet Julien Tanguy, directeur financier d'Edenred, le leader de ce marché. Le système inventé par Jacques Borel dans les années 1960 a gagné encore plus de popularité pendant l'épidémie de Covid-19, lorsque le gouvernement a augmenté le plafond d'utilisation quotidienne des titres-restaurants et a élargi leur utilisation au paiement des courses alimentaires dans les grandes surfaces. Cependant, ces assouplissements ont progressivement été stoppés par la suite.
Cependant, de nombreux propriétaires de restaurants et leurs associations professionnelles s'opposent aux frais et commissions de 3 à 5 % imposés par les entreprises émettrices de titres-restaurants. Ces entreprises, Edenred, Swile-Bimpli, Sodexo et Up Coop, sont soit des entreprises historiques, soit elles ont repris les activités d'opérateurs plus anciens, et elles contrôlent 99 % du marché estimé à 7 milliards d'euros par an. En dehors de ces "Big Four", de nombreuses petites entreprises espèrent profiter de la généralisation des paiements par carte ou par smartphone pour s'impliquer dans ce marché. Cependant, la transition est lente, car 40 % des employés reçoivent encore leurs titres-restaurants sous forme de tickets papier, ce qui contrarie fortement l'Umih-restauration, le syndicat des professionnels. "Les entreprises sont perdues avec les deux systèmes", déplore Franck Chaumès, son président.
Xavier Denamur déclare que les émetteurs de titres restaurants sont nuisibles pour l'économie.
Surveillance des commissions
Dans le but de favoriser une concurrence saine entre les opérateurs et de protéger les restaurants contre les frais imposés par les puissants groupes qui dominent ce secteur lucratif, le gouvernement intervient dans cette affaire. En début octobre, la ministre déléguée chargée du Commerce, Olivia Grégoire, a demandé à l'Autorité de la concurrence de signaler d'éventuels "dysfonctionnements de marché prouvés" afin de décider d'une éventuelle limitation des commissions. L'Autorité de la concurrence, qui a rendu son avis le 16 octobre, ne recommande pas de plafonner les tarifs des groupes éditeurs de titres, mais souligne "l'existence de défaillances du marché" qui entravent l'arrivée de nouveaux opérateurs et permettent "l'augmentation continue des commissions". La ministre s'est immédiatement engagée à "lancer des consultations en vue de proposer des pistes de réforme d'ici la fin de l'année". Elle a également réaffirmé la suppression des tickets papier, une mesure gouvernementale réclamée depuis plus de dix ans. Cependant, la colère d'une grande partie des restaurateurs risque de prendre une tournure différente prochainement. En effet, la cour d'appel de Paris rendra une décision très attendue courant novembre. Il s'agira de confirmer ou non l'amende spectaculaire infligée aux éditeurs de titres-restaurants en 2019 par l'Autorité de la concurrence pour des pratiques anticoncurrentielles telles que l'échange d'informations sur leurs parts de marché respectives et le blocage du secteur en retardant l'adoption de moyens de paiement dématérialisés. À l'époque, les contrevenants avaient dû payer une somme de 414 millions d'euros, dont 157 millions pour Edenred et 126 millions pour Sodexo. Cependant, ils avaient également nié les pratiques qui leur étaient reprochées et avaient fait appel de cette sanction.
Les restaurateurs sont à l'affût de cette décision de l'Autorité de la concurrence. Si elle est confirmée, ce sera une opportunité pour plus de 200 000 restaurants en France de réclamer des compensations pour avoir été victimes de pratiques anticoncurrentielles de la part des émetteurs de titres-restaurants. Xavier Denamur, un restaurateur parisien de renom, estime avoir subi un préjudice de plus de 50 000 euros et a d'ailleurs décidé de faire grève des titres-restaurants en signe de protestation. Il n'est pas le seul à faire des calculs, car ces dernières semaines, des entreprises spécialisées contactent les restaurateurs français pour leur proposer de réclamer des compensations en leur nom, moyennant une commission de 30 à 50 % du montant obtenu. La société TransAtlantis, spécialisée dans la gestion des contentieux indemnitaires en Europe, promet d'accompagner tous les commerçants lésés par les pratiques anticoncurrentielles des émetteurs de titres-restaurants pour obtenir une indemnisation. Selon certains prestataires, la facture totale pourrait s'élever à plus de 600 millions d'euros pour les émetteurs, qui échapperaient toutefois aux demandes des nombreux restaurants ayant fait faillite depuis les infractions constatées par l'Autorité de la concurrence en 2019. Selon Xavier Denamur, les émetteurs n'avaient d'autre intention que de "gagner du temps" en espérant une diminution du nombre de plaignants.
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En 2022, la fermeture de 4 400 établissements (+ 120 % par rapport à 2021) a été causée par le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE), la pénurie de main-d'œuvre et l'augmentation importante des coûts. Edenred rejette fermement l'hypothèse selon laquelle on pourrait lui demander des dédommagements en justice pour des fautes qu'elle n'a pas commises, et c'est pourquoi elle a contesté la décision de l'Autorité de la concurrence. Julien Tanguy affirme que son entreprise n'a pas prévu de budget pour faire face à un tel risque juridique. Les sociétés émettrices affirment que les salariés sont très attachés à leurs titres-restaurants et que le gouvernement ne souhaite pas entraver le fonctionnement de ce dispositif. Elles soutiennent que cela permet aux établissements français de réaliser davantage de chiffre d'affaires, ce qui entraîne la création d'emplois et des retombées positives pour les finances publiques. Julien Tanguy promet que ce dispositif est bénéfique, rapportant plus qu'il ne coûte. Sa volonté de rassurer est motivée par le coût du doute, puisque l'action Edenred a perdu 10 euros en un mois, passant de 60 euros à 50 euros le 20 septembre.
La société Edenred.
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