Difficultés Société
Boissons alcoolisées : les raisons pour lesquelles Diageo et la société de luxe LVMH mettent fin à leur partenariat. Par Jean-François Arnaud le 21.10.2023 à midi. Temps de lecture de 4 minutes. Pour les abonnés.
Les deux grandes entreprises, ayant des objectifs différents, l'une ciblant le grand public et l'autre se spécialisant dans le luxe, décident d'annuler leur accord de distribution en France qui avait été établi il y a trente ans. De plus, Diageo envisage de vendre ses 34% d'actions de Moët Hennessy.
Moët Hennessy et Diageo ont décidé de se séparer après une collaboration de plus de 30 ans.
En règle générale, les relations amoureuses se terminent mal. Même lorsque celles-ci ont été accompagnées de nombreux verres de champagne de qualité. Après une trentaine d'années de vie ensemble, c'est la fin d'une collaboration de longue date entre le leader mondial du secteur du luxe et celui des boissons spiritueuses. Ces deux géants possèdent des marques aussi célèbres que lucratives.
L'entreprise française LVMH, qui détient des actions dans Challenges, et l'entreprise britannique Diageo ont été liées depuis le début des années 1990. Cela s'est produit lorsque Bernard Arnault a perturbé la fusion entre Guinness et GrandMet, qui a finalement donné naissance à Diageo en 1997. Cette OPA audacieuse a été largement commentée par les chroniqueurs financiers pendant de nombreux mois. Suite à cette bataille transmanche, le nouveau Diageo et LVMH de Bernard Arnault ont finalement convenu de créer une entreprise commune, Moët Hennessy-Diageo (MHD), afin de distribuer leurs marques d'alcool en France. C'est ce que rappelle un analyste financier.
Dans le monde de l'apéritif, les géants Pernod-Ricard et Moët-Hennessy s'affrontent.
Une possible nouvelle association?
Cette entreprise commune vendait plusieurs marques renommées de whiskies, vodkas, rhums, cognacs et champagnes, comme Johnnie Walker, J&B, Gordon's ou Smirnoff du côté de Diageo, et Dom Pérignon, Veuve Clicquot, Krug ou encore Hennessy du côté de LVMH. Cependant, Diageo a récemment décidé de prendre son envol. "À partir de mars 2024, Diageo reprendra progressivement la gestion d'une partie de son portefeuille en direct", a annoncé Laure Baume, PDG de Moët Hennessy Diageo France. Néanmoins, Moët Hennessy et Diageo restent engagés dans un partenariat à long terme au sein de MHD, qui continuera de distribuer le portefeuille de Moët Hennessy ainsi que certaines des marques les plus emblématiques de Diageo sur le marché français.
Les deux associés n'ont pas voulu donner plus de détails, mais la majorité des concurrents et clients de MHD estiment que cette entreprise ne pourra pas survivre sans les marques de Diageo dans son portefeuille.
Le métier de distribution, qui fait partie intégrante du secteur des spiritueux, est à la fois logistique et commercial. Cependant, il nécessite beaucoup de main-d'œuvre et génère peu de profits. Selon l'un des principaux acteurs du secteur, les distributeurs ont souvent un rôle subalterne. Ils doivent mettre en place la stratégie commerciale et marketing décidée par le producteur, qui lui-même décide de ses bénéfices. Pour compenser cette situation, les différents acteurs cherchent à gérer le plus grand nombre de marques possible afin de réduire leurs coûts.
Une fois que Diageo a annoncé son retrait de MHD, il y a eu des spéculations sur une possible nouvelle alliance. Géraud de la Noue, directeur général de Campari France, l'un des principaux distributeurs français, a souligné que "les marques que Diageo retire de sa joint-venture avec Moët Hennessy ne correspondent pas à notre stratégie". Selon le média spécialisé V&S News, il se pourrait que l'entreprise britannique envisage de racheter une société de distribution déjà existante.
En tant qu'intermédiaire, cette entreprise de distribution fournit des cafés, des hôtels et des restaurants ainsi que des grandes surfaces, qui les revendent ensuite aux consommateurs. Cependant, étant donné qu'elle perd certaines de ses marques les plus lucratives, MHD ne peut que décliner.
Une transaction de 20 milliards de dollars
Il est possible de s'inquiéter pour les 300 employés qui pourraient perdre leur emploi, mais depuis un certain temps déjà, l'alliance entre LVMH et Diageo était en difficulté, remarque un concurrent. Les deux cultures sont complètement différentes : les Anglais sont précis et méthodiques, tandis que les Français sont plus intéressés par les résultats que par les processus. De plus, les deux groupes avaient des opinions divergentes sur plusieurs sujets. Diageo possède des marques populaires de grande consommation, notamment ses whiskies vendus en grande quantité dans les supermarchés, tandis que Moët Hennessy valorise ses marques comme des maisons de luxe.
Les résultats des ventes de LVMH au cours du troisième trimestre ne sont pas satisfaisants.
Un exemple frappant de cette dispute est l'action en justice engagée par Diageo contre son associé LVMH en 2020. En plus de leur participation commune dans le secteur de la distribution, l'entreprise britannique détient une part de 34% dans Moët Hennessy, la branche de vins et spiritueux de LVMH. Cependant, Diageo n'a pas accepté les mesures imposées par le géant du luxe pendant la pandémie de Covid, qui consistaient à réduire volontairement les dividendes. Les Anglais ont alors réclamé 181 millions d'euros à LVMH.
La résolution du conflit entre les deux groupes a été conclue de manière confidentielle, mais ils continuent de se surveiller mutuellement de part et d'autre de la Manche. Un expert prévoit bientôt la vente de la participation de Diageo, qu'il estime à "au moins 20 milliards d'euros, que le groupe peut demander à tout moment à LVMH en vertu d'accords signés il y a longtemps." Un autre se réjouit de cette possibilité : "Certes, la somme est importante et les taux d'intérêt sont élevés, mais LVMH n'aura aucun problème à trouver les fonds et à les rembourser en deux ans". Qui se plaindrait d'une séparation, même si elle est coûteuse, si cela met fin à un mariage instable ?
Le groupe LVMH
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