Jiang Qiong Er : l’artiste franco-chinoise qui réconcilie le yin et le yang à travers l’art et le design

Jiang Qiong Er, artiste et designer, explore l'harmonie entre les contrastes dans son exposition au Musée Guimet à Paris. En tant que franco-chinoise, elle cherche à allier le passé et le futur, la tradition et la technologie, tout en mettant en avant la culture chinoise avec habileté.

En Chine, le rouge ne représente pas seulement les symboles du régime communiste et de la répression. Dans la culture chinoise, le rouge est associé à la chance, à la prospérité et au bonheur. Depuis le début de cette année, le Musée national des arts asiatiques-Guimet à Paris a été décoré de cette couleur bienveillante. Sa façade a été enveloppée d'un grand voile de tulle qui lui donne une belle teinte rosée.

Des êtres imaginaires créés en collaboration avec l'intelligence artificielle

Douze "cavernes" rouges ont été placées là, et douze autres ont été montées sur le sommet. Devant chaque caverne apparaissent des créatures fantastiques. Toutes les deux heures, celles sur la façade prennent vie tour à tour et, trois fois par jour, celles de la rotonde apparaissent en même temps, de manière fraternelle.

L'exposition "L'Origine" est présentée au Musée Guimet. À l'extérieur du bâtiment, un voile de tulle rose a été installé, ainsi que douze grottes rouges contenant des créatures fantastiques. Cette installation a été réalisée par Frédéric Berthet.

Chaque sculpture représente une valeur importante pour Jiang Qiong Er, une artiste et designer franco-chinoise. Ces valeurs incluent la paix, la nature, le temps, la liberté, la bravoure, la sagesse, l'authenticité, la fraternité, l'inclusion, la bienveillance et la paix. Pour les créer, Jiang Qiong Er a utilisé l'intelligence artificielle, en combinant des éléments de créatures légendaires de différentes mythologies (chinoise, indienne, grecque, égyptienne, maya) jusqu'à obtenir le résultat souhaité.

Modèles de créatures conçus pour l'exposition L'Origine, présentée au Musée Guimet à Paris. En s'inspirant de différentes légendes mythologiques, Jiang Qiong Er a demandé à l'intelligence artificielle de les fusionner. Crédit photo: Bruno Levy pour Challenges.

Intitulée L’Origine, la transformation extérieure du musée n'est qu'une des cinq installations de l'exposition Gardiens du temps, créée par l'artiste pour célébrer à la fois "l'année franco-chinoise du tourisme culturel" et le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Jiang Qiong Er affirme que ce projet semblait impossible, mais il a pu être réalisé grâce à l'audace et à la bravoure de Yannick Lintz, présidente du Musée Guimet. Pendant un an, elle n'a jamais douté malgré les obstacles. Elle compare la réalisation de ce projet à avancer dans l'eau et rencontrer un gros rocher, qu'il faut embrasser pour le dépasser, en riant et semblant se moquer du proverbe qu'elle vient de créer.

À l'âge de 6 ans, elle a commencé à apprendre la peinture et la calligraphie auprès de maîtres chinois.

Les personnes qui ont veillé sur elle depuis sa naissance à Shanghai il y a 48 ans ont été très généreuses. En plus de ses talents artistiques, elles lui ont donné l'intelligence, la détermination et un enthousiasme contagieux pour la vie. Sa précocité dans le domaine artistique est remarquable. Elle est la petite-fille de Jiang Xuanyi, un peintre à l'huile renommé en Chine, et la fille de Xing Tonghe, l'architecte qui a conçu le Musée de Shanghai. Qiong Er a commencé à peindre dès l'âge de 2 ans.

Née en 1978, Jiang Qiong Er vient d'une famille d'artistes et a montré des talents artistiques dès son plus jeune âge. Elle a commencé à peindre à l'âge de 2 ans. Photo provenant d'une collection personnelle.

À l'âge de 6 ans, elle était membre d'une des dix "familles modèles" choisies par le gouvernement en Chine. Elle a reçu une formation des meilleurs maîtres dans deux domaines clés de l'éducation traditionnelle chinoise : la peinture à l'encre avec Cheng Shifa et la calligraphie avec Han Tianheng. Avant même d'atteindre l'âge adulte, elle était déjà reconnue comme une artiste talentueuse. Alors qu'elle n'avait pas encore terminé ses études d'art et de design à l'université Tongji, elle a décoré l'hôtel Grand Hyatt Shanghai et a ensuite fondé avec succès son propre studio.

Après avoir terminé ses études universitaires à l'âge de 23 ans, Qiong Er avait initialement prévu de poursuivre ses études à l'étranger, aux Etats-Unis. Cependant, après avoir fait un voyage en France avec un sac à dos, elle a ressenti un fort choc émotionnel qui l'a convaincue de rester dans le pays. Malgré ne pas parler un mot de français au départ, elle a décidé d'immerger dans la culture en s'inscrivant dans une faculté de lettres à Nice. Au début, elle se sentait perdue et ne comprenait rien, mais après six mois, elle a enfin compris sa première phrase en français. Un an plus tard, elle a été admise aux Arts Décoratifs où elle s'est spécialisée pendant deux ans en design et en architecture d'intérieur.

Après vingt ans, Jiang Qiong Er s'est mariée à un Français et a eu cinq enfants avec lui. Elle a obtenu la nationalité française. Elle partage son temps entre son appartement à Paris, le château Ad Francos qu'elle et son mari ont acheté près de Saint-Emilion, un grand loft à Shanghai et une maison de campagne au bord du lac Tai, sur la presqu'île de Dongshan.

Grâce à sa marque Shang Xia, elle redonne vie à l'artisanat chinois en combinant parfaitement ses connaissances des deux cultures. En novembre, elle a été chargée d'organiser et de mettre en scène un événement à Shanghai par le Comité Colbert, où les artisans de 17 maisons de luxe françaises ont pu échanger et partager leurs savoir-faire avec les artisans chinois.

Jiang Qiong Er est une figure majeure qui a joué un rôle essentiel dans la revitalisation de l'artisanat en Chine, qui avait été fortement touché par la Révolution culturelle. A travers sa marque de luxe Shang Xia, créée en partenariat avec Hermès en 2009, elle a contribué à la redécouverte de techniques anciennes telles que la laque "coquille d'œuf", le tissage de bambou et la porcelaine doucai. Que ce soit dans la création de services à thé, de meubles, de bijoux, de sacs ou de vêtements, ses magnifiques œuvres allient à la fois un savoir-faire traditionnel et un style contemporain.

La marque Shang Xia a créé une théière et une tasse qui mettent en valeur l'artisanat traditionnel, tel que le bambou tressé, en les combinant avec un design moderne. Ces créations sont le fruit d'un mélange entre tradition et modernité. Photo: Collection personnelle

"Mon objectif est de trouver un équilibre entre les éléments opposés, comme entre le passé et le futur, l'artisanat et la technologie, le yin et le yang", indique-t-elle. De nombreuses créations qu'elle a réalisées pour la marque Shang Xia font désormais partie des collections permanentes du British Museum et du Victoria and Albert Museum à Londres, ainsi que du Musée des arts décoratifs à Paris.

Une collection de meubles pour la marque Roche Bobois

Dans son appartement parisien situé rue de Tournon, elle a aménagé un espace qui ressemble à un petit musée où la plupart des œuvres sont de sa création. Sur les murs de l'escalier, on peut voir quelques-unes de ses peintures abstraites, un portrait de sa mère réalisé par son grand-père Jiang Xuanyi et une encre du célèbre peintre Zao Wou-ki. Bien qu'elle ne l'ait rencontré que quelques fois, elle l'admire profondément. Elle se souvient de ses mots : "Vous et moi, nous peignons des choses que nous ne voyons pas". Un tableau de la série Grottes attire particulièrement notre attention, réalisé avec les mêmes ocres que celles utilisées à Lascaux. Elle plaisante en disant : "Je les ai réalisées à la main, sans pinceau, comme il y a 20 000 ans".

Dans son appartement en duplex à Paris, il y a plusieurs de ses propres tableaux abstraits accrochés dans l'escalier, ainsi qu'un portrait de sa mère réalisé par son grand-père et une œuvre à l'encre du peintre Zao Wou-ki, qu'elle admire. Ces œuvres artistiques apportent une touche personnelle à son espace de vie.

Dans sa salle de séjour, à l'étage supérieur, on trouve les modèles de ses douze créatures mythologiques. Ses œuvres pour la marque Shang Xia – comme un service à thé en porcelaine et bambou tressé, une boîte en bois laqué rouge ou une paire de chaises en fibre de carbone inspirées des sièges de l'époque Ming – cohabitent avec la collection de meubles qu'elle a conçue cette année pour la marque Roche Bobois, appelée Bamboo Mood : un canapé, un paravent, des tables basses, un tapis.

Les couleurs principales de cette collection sont le rouge corail et le vert céladon, qui sont traditionnelles en Chine. Jiang Qiong Er explique que le bambou est l'une de ses plantes préférées car malgré son apparence fragile, il est en réalité très résistant. Elle décrit cette collection comme joyeuse, légère et facile d'accès, tout comme elle-même.

Œuvres artistiques inspirées par les grottes. L'artiste a utilisé des pigments provenant de Lascaux pour les créer, en les appliquant directement avec ses mains plutôt qu'avec un pinceau. Crédit: © Qiong Er Studio

Exposition Gardiens du temps, présentant les œuvres monumentales de l'artiste Jiang Qiong Er, est à découvrir jusqu'en février 2025 au Musée Guimet, situé au 6 place d'Iéna à Paris (XVIe arrondissement). L'exposition est ouverte tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h. Le tarif plein est de 13 euros. Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site guimet.fr.

Présent

Exposition "Gardiens du temps" par l'artiste Jiang Qiong Er. Visible jusqu'en février 2025 au Musée Guimet, situé au 6 place d'Iéna à Paris (XVIe). Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h. Le tarif plein est de 13 euros. Pour plus d'informations, visitez le site guimet.fr.

Bulletin

Obtenez les analyses et les contenus exclusifs de la rédaction directement dans votre boîte de réception.

Bulletins d

Profitez quotidiennement de l'essentiel de l'actualité.

Ressources pratiques pour nous

Les applications pour téléphone portable

La diffusion d'informations en

Votre publication disponible en format digital

Les plateformes appartenant

Magazine Sciences et Avenir

L'étude

Le passé historique

Retour en haut