Dès l'année 2028, nous n'utiliserons plus du tout de gaz » : ITA Moulding, un renouveau industriel grâce à la responsabilité sociale des entreprises
ENTRETIEN – En reprenant une entreprise en faillite pour créer ITA Moulding Process, Vincent Nassiet et Freddy Vandenbossche ont cherché à « améliorer les choses avec moins ». Cette philosophie a guidé leur redressement industriel, étroitement lié à un engagement fort envers la responsabilité sociale des entreprises qui leur permet aujourd'hui d'accéder à de nouveaux marchés.
Basée en Aveyron, ITA Moulding Process est une belle réussite dans le secteur industriel. Après la faillite de leur entreprise de fabrication de canapés, Vincent Nassiet et Freddy Vandenbossche ont décidé de reprendre l'entreprise en 2013, mais avec une approche différente. Les deux co-gérants, anciens employés de l'entreprise, ont choisi de se concentrer sur la fabrication de composants de sièges d'ameublement tels que la mousse et le bois moulés, abandonnant ainsi la production de canapés finis. Leur renaissance est étroitement liée à leur engagement à produire de manière plus efficace, en utilisant des ressources locales autant que possible. Au cours des 11 dernières années, leur approche en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) leur a permis d'explorer de nouveaux marchés, de faire face à la crise énergétique et d'améliorer leur processus de recrutement. Cette PME rentable a enregistré un bénéfice net de 37 400 euros en 2023 et prévoit de clôturer l'année 2024 avec un chiffre d'affaires d'environ 10 millions d'euros. Elle emploie actuellement environ soixante salariés. Nous avons rencontré le PDG de l'entreprise lors d'une journée "Je décarbone" organisée par le Comité stratégique de filière des nouveaux systèmes énergétiques à Toulouse au début du mois de décembre.
Schéma illustrant le processus de moulage ITA Crédit: Marie Sanchis/Challenges
Défis – Qu'est-ce qui a motivé le passage à une transition écologique chez ITA Moulding Process ?
Vincent Nassiet – Lorsque notre entreprise de fabrication de canapés a fait faillite en 2013, mon associé Freddy Vandenbossche et moi-même avons décidé de reprendre le flambeau. Cependant, nous voulions adopter une approche différente en nous concentrant sur la fabrication de mousse moulée et de bois moulé pour divers types de sièges. Nous ne produisons désormais que des composants pour des sièges d'ameublement, de spectacle, de train, de sport, etc. Nos produits sont utilisés, par exemple, pour les strapontins et les sièges de bureau du tribunal de Paris. Dès le début, notre objectif a été de faire mieux avec moins, une philosophie qui nous guide et qui a structuré notre démarche en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Plus concrètement, comment cela se manifeste-t-il dans votre entreprise ?
Notre approche de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) repose sur trois principes fondamentaux : la réduction des déchets, la diminution des émissions de gaz à effet de serre, et le partage de nos connaissances. Grâce à la technique de la mousse moulée, nous utilisons uniquement la quantité de matière strictement nécessaire, contrairement aux matelas qui sont généralement découpés à partir de grands blocs de mousse, générant ainsi plus de chutes. Nous avons réussi à réduire de moitié nos déchets de mousse, le reste étant broyé et vendu pour être utilisé comme garniture pour des poufs. Pour ce qui est du bois moulé, nous utilisons des déchets provenant de scieries situées dans un rayon de 100 km. L'éco-conception est un élément clé de notre démarche depuis déjà 10 ans. Malgré notre classification en tant que site Seveso, nous avons réussi à en sortir en optant pour des produits moins nocifs. Lorsque nous avons eu besoin d'un deuxième site à Hagetmau, nous avons préféré réaménager 8 000 m2 de bâtiments inutilisés appartenant à la mairie, plutôt que d'en construire de nouveaux.
D'ici 2028, notre entreprise prévoit de ne plus du tout utiliser de gaz. Comment envisagez-vous de réduire les émissions de carbone ? Nous bénéficions d'un accompagnement à chaque étape, ce qui est essentiel pour une petite entreprise comme la nôtre afin d'adopter la bonne approche. Pour réduire nos émissions, nous avons réalisé des audits énergétiques et des analyses de flux écologiques avec l'aide de la Région et de Bpifrance, et nous établissons notre bilan carbone avec Carbo… Nous avons commencé par mettre en place des projets que nous pouvions financer par nous-mêmes, comme le remplacement de toutes les ampoules par des LED. Nous avons également remplacé notre compresseur par une solution qui permet de réduire notre consommation de gaz de 30 %. D'ici 2028, nous prévoyons de ne plus du tout utiliser de gaz, en le remplaçant par de la biomasse, ce qui nous permettra d'économiser 500 tonnes d'équivalent CO2 par an.
En ce qui concerne notre approvisionnement en électricité, notre objectif est de devenir de plus en plus autonomes. Nous avons récemment acquis un terrain afin d'y installer des panneaux solaires qui nous permettront de réduire notre consommation électrique de 25 % d'ici 2025. Nous prévoyons également une deuxième phase qui nous permettra d'atteindre une réduction de 40 % d'ici 2028. Par ailleurs, nous envisageons de conclure un accord PPA avec un projet d'éoliennes situé à proximité. Nous sommes constamment à la recherche de solutions pour aller de l'avant dans notre démarche d'autonomie énergétique.
La résilience économique et l'exploration de nouveaux marchés
Est-ce que cet engagement a un impact sur la situation financière ?
Notre approche en matière de responsabilité sociale des entreprises nous ouvre de nouvelles opportunités. Sans elle, nous ne pourrions même pas pénétrer les marchés des entreprises de taille intermédiaire et des grands groupes. Depuis longtemps, nous avons mis en place des indicateurs de performance environnementaux tels que la quantité de déchets produite par personne ou la consommation d'énergie par personne dans l'entreprise, ce qui nous permet de répondre aux besoins de nos clients. Sans notre démarche axée sur la sobriété, nous aurions également eu beaucoup plus de difficultés à faire face à la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, sans pour autant connaître des difficultés économiques comme c'est le cas aujourd'hui. Enfin, notre engagement est devenu un pilier essentiel de notre image de marque en tant qu'employeur. Il est clair que pour recruter, il est nécessaire d'avoir un modèle économique durable, c'est-à-dire qui perdure dans le temps, qui soit résistant et qui cherche avant tout à réduire son impact environnemental.
Quel défi prévoyez-vous de relever prochainement ?
Nous avons décidé de nous aventurer sur un nouveau marché, celui de la construction. Nous avons mis au point un hourdis en bois à faible empreinte carbone, un produit innovant. Les hourdis sont des pièces préfabriquées utilisées pour remplir une dalle en béton, généralement en béton ou en plastique. Cependant, avec la réglementation RE2020, les professionnels du bâtiment doivent se tourner vers des solutions respectueuses de l'environnement, notre produit répond à ce besoin. Alors que nous n'avions aucune activité dans le secteur de la construction il y a cinq ans, c'est aujourd'hui notre domaine d'activité en plein essor. Nous avons investi 3 millions d'euros dans la construction d'un nouvel outil de production. La transition vers des produits à faible empreinte carbone est en train de devenir un modèle économique important pour notre entreprise.
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