Défis en entreprise
Visite dans l'entreprise Isar Aerospace, une société allemande qui aspire à devenir le SpaceX européen.
ARTICLE. Isar Aerospace, la start-up européenne qui a réussi à lever le plus de fonds (310 millions d'euros) dans le secteur des microlanceurs, fabrique ses fusées Spectrum dans une usine de pointe située en périphérie de Munich. Nous avons eu l'opportunité de visiter cette usine exclusive avant le premier vol prévu l'année prochaine depuis Andoya, en Norvège.
L'usine de la société Isar Aerospace, située à Ottobrunn, à proximité de Munich.
Le chauffeur de taxi se tourne vers moi. « Vous êtes sûr que c'est bien ici ? ». À gauche, il y a un grossiste en fruits et légumes. À droite, un parc recouvert de neige, situé au milieu de la zone industrielle d'Ottobrunn, près de Munich. Enfin, derrière un portail, je peux apercevoir un grand bâtiment : le siège d'Isar Aerospace. Il est difficile de croire que ce site discret est l'une des usines spatiales les plus avancées d'Europe. Cependant, c'est bien ici que la start-up allemande, fondée en 2018 par d'anciens étudiants de l'université technique de Munich, fabrique son microlanceur Spectrum, qui doit décoller début 2024 depuis Andoya (Norvège).
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À l'intérieur de la porte sécurisée, l'usine fonctionne à sa capacité maximale. Sept imprimantes 3D, qui ont été nommées en l'honneur d'astronautes célèbres (Armstrong, Aldrin, Collins), sont utilisées pour fabriquer des composants de moteurs. Des robots Kuka, considérés comme les meilleurs robots industriels fabriqués en Allemagne, fonctionnent en continu pendant 24 heures pour usiner des pièces complexes.
Une photo montre l'une des imprimantes 3D de la société Isar Aerospace, créditée à Florian Fechter.
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À quelques mètres de là, se trouve un autoclave immense, qui ressemble à un four et mesure 26 mètres de long. Cet autoclave est utilisé pour finaliser les fuselages en composites. La partie supérieure et les étages du premier lanceur Spectrum sont déjà terminés, ainsi que la plupart de ses dix moteurs, qui sont actuellement en cours de tests à Kiruna, en Suède. Josef Fleischmann, directeur technique et cofondateur du groupe, explique que l'objectif est d'envoyer les éléments du lanceur en Norvège avant Noël.
Les quatre premiers vols sont tous réservés.
L'objectif est clair : effectuer un premier vol avec le lanceur Spectrum (capacité de 1 000 kg en orbite basse) dans les prochains mois, depuis le tout nouveau site de lancement norvégien sur l'île d'Andoya. Si la société ne se fait pas devancer par une autre entreprise allemande, RFA, qui est également en compétition avec son mini-lanceur One, Isar Aerospace pourrait devenir la première start-up européenne à réussir un lancement orbital.
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Cependant, le groupe n'est pas prêt à se stresser avec des délais. « Avant de donner le feu vert pour le premier vol, je veux être certain que nous avons suffisamment de chances de réussite », déclare Josef Fleischmann. Nous effectuerons tous les tests nécessaires à Andoya afin de maximiser nos chances de réussite. Cependant, il est important de souligner que ce sera un vol de test, il y a donc toujours un risque d'échec. »
L'établissement d'Isar Aerospace situé à Ottobrunn compte plus de 150 employés. Crédit: Isar Aerospace
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Isar a déjà réussi à briser toutes les règles du secteur spatial européen, même si la tâche la plus difficile reste à venir. Alors que les autres entreprises ont du mal à rassembler quelques dizaines de millions d'euros, ce groupe allemand a réussi à lever un total de 310 millions d'euros, dont 155 millions en mars dernier, un montant sans précédent en Europe.
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Dans un contexte où il est difficile d'obtenir des contrats solides, la société allemande a réussi à signer des contrats de lancement avec Airbus Defence & Space, l'entreprise italienne D-Orbit, ainsi qu'avec l'ESA et le DLR (l'agence spatiale allemande). Alexandre Dalloneau, vice-président responsable des lancements au sein de cette société allemande et ancien employé d'Arianespace, affirme que les quatre premiers lancements sont déjà complets. En parallèle, Isar a également développé son propre moteur, Aquila, au cours des cinq dernières années, et mène actuellement une campagne de tests intensive sur ce moteur.
Illustration d'un artiste représentant le lanceur Spectrum sur sa plateforme de lancement Crédit: Isar Aerospace
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Isar s'est fortement inspiré de SpaceX pour réussir ce développement rapide. Comme le lanceur Falcon 9, le lanceur Spectrum est équipé de dix moteurs, dont neuf sont situés sur le premier étage et un sur le deuxième.
De la même manière que le géant d'Hawthorne en Californie, Isar, conseillé par l'ancien employé de SpaceX Bulent Altan, mise également sur une intégration verticale avancée. Josef Fleischmann explique que la majeure partie des composants de leurs lanceurs sont produits en interne, soit environ 80%. Cette approche leur permet d'avoir un contrôle total sur leurs technologies et d'être extrêmement rapides : ils produisent actuellement un moteur par semaine, et peuvent passer à un moteur tous les deux jours et demi si nécessaire.
Le centre d'Ottobrunn, qui est plein à craquer, comprend un laboratoire dédié aux matériaux, un atelier de câblage et des postes de soudure. Isar fabrique même ses propres équipements électroniques, tels que les unités de contrôle avionique (ACU), qu'il a réussi à réduire en taille et à standardiser afin qu'il n'y en ait qu'un seul type dans tout le lanceur (réservoir, moteurs, etc.). Des tests de résistance sur les réservoirs sont réalisés à l'extérieur, sur des bancs d'essais recouverts de bâches. L'atmosphère est studieuse mais détendue : dans le coin des soudeurs, une enceinte diffuse une playlist variée, allant de "Mr Boombastic" de Shaggy au bien connu "I believe I can fly" de R. Kelly.
Aussi, il est important de noter que la victoire dans le domaine spatial peut être trompeuse.
Daniel Metzler et Josef Fleischmann, les personnes qui ont fondé Isar Aerospace, se tiennent devant le moteur Aquila. Crédit: Iar Aerospace
Ch
Après son premier vol, Isar se prépare à une augmentation rapide de ses activités. Selon Alexandre Dalloneau, l'objectif pour les premières années est d'effectuer progressivement 20 lancements par an, dont 10 depuis Andoya et 10 depuis Kourou. L'idée est ensuite d'augmenter ce nombre à 40 lancements par an d'ici la fin de la décennie.
Selon le groupe, ils ne sont pas inquiets de la concurrence des lanceurs lourds tels que le Falcon 9 ou Ariane 6, qui peuvent lancer de nombreux petits satellites grâce à leurs services de covoiturage. Alexandre Dalloneau affirme que de nombreux clients ne sont pas satisfaits des lancements en covoiturage, car ils préfèrent être placés sur une orbite spécifique et ne pas avoir à attendre d'autres passagers.
Est-ce que le lancement de Spectrum aura lieu à Kourou fin 2025 ? Contrairement à son concurrent RFA, qui prévoit un tir inaugural au deuxième trimestre 2024 depuis SaxaVord en Écosse, Isar ne donne pas de date précise. Une porte-parole indique simplement que cela se fera dès que possible en 2024. Le premier vol de Spectrum, tout comme celui du lanceur One de RFA, a été reporté à plusieurs reprises. À l'origine, il était prévu pour fin 2021, ce qui signifie qu'il a plus de deux ans de retard.
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Dans le meilleur des cas, Isar prévoit de réaliser deux lancements en 2024 depuis la Norvège, ainsi qu'un possible premier tir depuis la Guyane au troisième trimestre 2025. Grâce à ses levées de fonds successives, la société est financée jusqu'au troisième vol. Cependant, elle devra encore trouver des financements pour la suite. Isar et son directeur financier, David Kownator, ont déjà démontré leurs compétences en la matière.
Les entreprises SpaceX et Arianespace.
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