La directive européenne CSRD ne devrait pas inquiéter les entreprises : 4 idées fausses pour clarifier ce nouveau reporting extra-financier
Alors que les premiers rapports de la CSRD seront publiés en 2025, les critiques contre cette directive européenne qui impose un nouveau reporting extra-financier à environ 50 000 entreprises européennes se font de plus en plus virulentes. Cependant, selon Camille Sztejnhorn, directrice impact ESG de Lefebvre Dalloz, ces inquiétudes sont basées sur des idées fausses largement exagérées. Elle assure que la CSRD est plus flexible, moins compliquée et plus utile qu'on ne le pense pour rassurer les PME et ETI.
La Directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) est critiquée pour sa complexité, son coût élevé, sa lourdeur bureaucratique et sa rigidité. Cette norme européenne, qui remplace la précédente déclaration de performance environnementale, impose désormais aux environ 50 000 entreprises européennes une nouvelle obligation de reporting extra-financier harmonisé.
Les entreprises les plus grandes et cotées devront présenter leurs premiers rapports en janvier 2025, basés sur les données de l'année 2024. Ensuite, ce sera au tour des ETI et enfin des PME cotées. La CSRD, négociée pendant de nombreuses années et votée lors de la précédente législature du Parlement européen, suscite actuellement de nombreuses inquiétudes, au point que Michel Barnier a évoqué la possibilité d'un "moratoire" lors de sa brève visite à Matignon.
"Ne vous inquiétez pas", affirme Camille Sztejnhorn, responsable de l'impact ESG chez Lefebvre Dalloz (du groupe Lefebvre Sarrut) et membre du C3D : de nombreuses inquiétudes des petites et moyennes entreprises reposent en réalité sur des malentendus ou des idées préconçues à dissiper. Nous faisons le point avec cette spécialiste qui vient de publier un guide numérique gratuit, "CSRD Essentials", rédigé notamment par Pascal Durand, rapporteur de la directive au Parlement européen.
Une idée fausse courante est que la CSRD est trop lourde et compliquée. Beaucoup d'entrepreneurs pensent que cette réglementation demande un nombre excessif de données aux entreprises concernées. En réalité, le texte prévoit 1 200 points de données possibles, mais il n'est pas nécessaire de remplir tous ces points. L'objectif des législateurs européens à l'origine de la CSRD était d'harmoniser les rapports financiers, et non d'ajouter une nouvelle obligation de reporting.
Par conséquent, les autorités législatives de l'Union européenne ont cherché à inclure un large éventail de données pour s'adapter à diverses entreprises. Cependant, aucune entreprise ne sera tenue de fournir toutes les données. En effet, le processus de mise en œuvre de la CSRD commence par une évaluation de l'impact.
Pour démarrer, une entreprise doit évaluer les facteurs environnementaux et sociaux qui ont le plus d'influence sur son activité, c'est ce qu'on appelle la double matérialité. Une fois qu'elle a identifié ces impacts importants, elle doit se concentrer uniquement sur les données pertinentes. Par exemple, une entreprise comme Lefebvre Sarrut (Dalloz), qui compte 2 500 employés et opère dans 8 pays européens avec un chiffre d'affaires de 555 millions d'euros, n'aura besoin de collecter que 480 points de données.
Il n'est pas nécessaire d'obtenir les données dès la première année. Les entreprises doivent simplement s'interroger et affirmer qu'elles ont tenté d'obtenir l'information, selon Camille Sztejnhorn.
Les entreprises concernées sont actuellement en train de passer par une période de transition de trois ans, leur laissant le temps de recueillir les informations nécessaires. Pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui devront publier leur rapport en 2026 concernant les données de 2025, cette période transitoire s'étend jusqu'en 2029. Camille Sztejnhorn souligne que la CSRD est en réalité plus flexible et progressive qu'on ne le pense, et résume en disant qu'il suffit de remplir progressivement ce qui nous concerne pour être conforme à la CSRD.
En ce qui concerne la vérification obligatoire de ces données, il s'agit actuellement d'une vérification avec une responsabilité limitée, moins rigoureuse que les vérifications financières. Une évaluation devra être réalisée en 2028 par la Commission européenne avant éventuellement d'être renforcée.
Une idée fausse courante est que la mise en conformité à la CSRD va être très coûteuse pour les entreprises. Les entreprises de taille intermédiaire et les petites entreprises s'inquiètent du coût que cela va représenter. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2022, les coûts de mise en œuvre de la CSRD pourraient varier de 40 000 à 320 000 euros, auxquels s'ajoutent les coûts d'audit annuels pouvant aller de 67 000 à 540 000 euros. Cependant, la Cour affirme que ces montants sont probablement surestimés, car ils sont basés sur la première proposition détaillée de l'Efrag, l'organisme chargé d'établir les normes de reporting de la CSRD.
Selon Camille Sztejnhorn, membre de l'European Association of Sustainability Professionals, une entreprise comme la leur dépense quelques dizaines de milliers d'euros pour la CSRD, sans avoir à renforcer spécifiquement son équipe. Elle souligne que grâce à son réseau européen, elle peut échanger avec d'autres professionnels du secteur sur les coûts potentiels des audits, qui pourraient être multipliés par deux ou quatre par rapport à la déclaration de performance environnementale actuelle.
Cependant, il est compliqué de distinguer entre les dépenses liées à la mise en œuvre de sa stratégie d'entreprise et les coûts associés à la CSRD, selon l'opinion de Camille Sztejnhorn. Elle souligne que l'analyse de la double matérialité est un outil utile pour déterminer les priorités stratégiques, mais ces informations sont également essentielles pour la CSRD. La question se pose alors de savoir si ces coûts doivent être attribués à la directive ou à la responsabilité sociale des entreprises. Il est donc important de considérer les choses sous différents angles : est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
Myth n°3: "SMEs will be impacted and do not have the means"
Camille Sztejnhorn regrets hearing the most misconceptions about SMEs. Their integration into the CSRD was extensively debated during the drafting of the directive. It was finally decided to only include listed SMEs, representing around 0.3% of French SMEs.
"Les petites et moyennes entreprises bénéficient d'une réduction des exigences en matière de responsabilité sociétale des entreprises. Cela vise à les protéger en limitant les demandes des grandes entreprises aux PME, afin qu'elles ne soient pas soumises à des exigences plus élevées que celles imposées aux PME cotées", explique Camille Sztejnhorn.
Il y a quelques jours, l'Efrag a récemment publié un guide pour les petites et moyennes entreprises qui souhaiteraient volontairement simplifier leur évaluation des émissions de gaz à effet de serre. L'objectif est de créer un référentiel standardisé pour faciliter les appels d'offres, en utilisant un nombre limité d'indicateurs pour les PME. Conformément à la CSRD, les grandes entreprises doivent évaluer leurs émissions de gaz à effet de serre indirectes (Scope 3) et peuvent demander à leurs fournisseurs, y compris les PME, de fournir leur bilan carbone. Cependant, elles ne peuvent pas les contraindre à le produire.
Une idée fausse est que la CSRD est inefficace en raison d'un délire bureaucratique, selon Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas. Certains estiment que les entreprises consacrent trop de temps et d'argent à remplir des rapports au lieu de mettre en œuvre des actions concrètes pour réduire leur empreinte carbone.
La Communication sur le Reporting en Développement Durable (CSRD) est un élément clé pour prendre des décisions, selon Camille Sztejnhorn. Elle explique que dresser la liste des sujets liés à l'environnement, au social et à la gouvernance (ESG), analyser leur évolution et évaluer leur impact sur l'activité de l'entreprise est une étape essentielle et passionnante. La CSRD devient ainsi un outil d'analyse stratégique indispensable, complémentaire aux outils traditionnels tels que le SWAT ou le PESTEL, qui ne prennent pas en compte les enjeux environnementaux.
Par exemple, grâce à l'exercice, Lefebvre Dalloz a pu découvrir de nouvelles priorités, telles que l'éthique de l'IA. Ce sujet n'avait pas été pris en compte par l'expert en droit avant l'analyse de double matérialité. Depuis lors, il est devenu un axe prioritaire, distinctif et porteur de valeur qui va au-delà de la simple responsabilité sociale des entreprises.
La directrice souligne l'importance de l'hygiène de l'entreprise pour une gestion efficace à court terme. Elle insiste sur la nécessité de savoir où se situe l'entreprise pour piloter efficacement, mettant en avant la compétitivité et la résilience des sociétés européennes. La CSRD oblige à passer en revue la chaîne de valeur de l'entreprise, ce qui peut aider à identifier les fournisseurs à risque face aux impacts du changement climatique.
En prenant cette position, la CSRD devient un élément stratégique. Camille Sztejnhorn affirme que malgré l'effort nécessaire, il est crucial et moins important que ce qui est souvent mentionné.
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