Les crèches privées sont critiquées par la Cour des comptes pour l'inefficacité du crédit d'impôt famille. Dans un rapport sur l'accueil des jeunes enfants, les experts soulignent les conséquences négatives de cette déduction fiscale accordée aux entreprises qui mettent des places en crèche à la disposition de leurs employés, ce qui a entraîné une augmentation des coûts. De plus, le faible soutien financier des employeurs pour le financement des modes de garde est remis en question.
Le crédit d'impôt famille (CIFAM) a été critiqué pour son inefficacité depuis 2004. Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a qualifié ce dispositif de non fonctionnel. Lors de la publication du rapport sur la politique d'accueil du jeune enfant le 12 décembre, la Cour des comptes a recommandé la suppression de cette niche fiscale coûteuse et inefficace, rejoignant ainsi d'autres instances telles que l'Igas-IGF et la commission d'enquête parlementaire sur les crèches privées.
Mis en place en 2004, ce crédit d'impôt est attribué aux entreprises qui réservent des places en crèche privée. Il leur permet de récupérer 50% des frais d'accueil, dans la limite de 500 000 euros par an, et de les déduire de leur bénéfice imposable. En somme, cette réduction d'impôt couvre 75% du coût de la réservation de places en crèche, comme le soulignent les experts de la Cour des Comptes.
À l'origine, l'objectif de ce dispositif était de promouvoir la création de crèches, en particulier dans les petites communes qui manquent de places d'accueil, souvent situées en milieu rural. Cependant, après vingt ans, le constat est décevant : les établissements privés (notamment les crèches et les micro-crèches) se sont principalement développés dans les grandes villes, qui en ont moins besoin. De plus, le Crédit d'Impôt Familial (Cifam) profite surtout aux grands groupes qui ont les moyens de financer l'accueil des enfants de leurs salariés, même sans avoir recours au crédit d'impôt. Moins de 1 % des entreprises, malgré un million de salariés, utilisent ce dispositif.
Selon les auteurs du rapport, le crédit d'impôt famille crée des inégalités entre les familles en ce qui concerne l'accès aux modes de garde formels, en fonction de la taille et du secteur d'activité de l'entreprise où les parents travaillent. Le fait que certains salariés bénéficient de réservations de berceaux, qui leur donnent un avantage par rapport à d'autres familles, va à l'encontre du principe du libre choix du mode de garde et du service public de la petite enfance.
« Ce système ne peut pas être contrôlé »
Et ce n'est pas tout : « ce dispositif ne peut pas être contrôlé car il fonctionne de manière arbitraire et peut entraîner une augmentation des prix des réservations, au détriment des entreprises qui n'en bénéficient pas. » La Cour met en avant l'augmentation significative du coût de cette mesure pour les finances publiques. De 74 millions d'euros en 2014, les dépenses ont explosé pour atteindre 195 millions en 2023 (+ 164 %).
Changement dans les dépenses liées au crédit d'impôt famille sur la période de 2014 à 2023. Source: Cour des comptes basée sur les informations de la DGFIP.
Bien que cela représente une somme modeste par rapport aux 16 milliards de dépenses publiques prévues pour la petite enfance en 2022, cela suffit pour que la Cour des comptes souligne un possible abus de certains acteurs, qu'il convient d'arrêter d'ici 2028. Cela permettrait aux crèches privées de repenser leur modèle économique. Le rapport suggère plutôt d'utiliser ces fonds pour financer des places d'accueil dans les zones qui en ont le plus besoin.
Les entreprises ne sont pas très engagées dans le soutien à la parentalité
En dehors du Cifam, qui est utilisé par seulement quelques entreprises, les experts de la rue Cambon critiquent le faible engagement des employeurs dans le financement et le soutien actif de la parentalité de leurs employés. Bien que de plus en plus de sociétés mettent en place des mesures spécifiques (comme des horaires aménagés pour les jeunes parents, du télétravail, des congés supplémentaires…), les dirigeants investissent encore peu dans l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle de leurs collaborateurs. Les entreprises ne prennent en charge que moins de 3 % des dépenses totales du secteur de la petite enfance (18 milliards en 2022), alors qu'elles sont les premières à subir les conséquences de l'absence de solutions de garde pour leurs salariés.
Selon une enquête menée par l'institut Ipsos pour la Cour des comptes, moins de 1 % des entreprises pratiquant des horaires atypiques contribuent aux frais de garde des enfants de leurs employés, bien qu'elles y trouvent un intérêt. Pour ces entreprises, il serait important de négocier une contribution des employeurs au financement de l'accueil des enfants des salariés au niveau des entreprises ou des secteurs professionnels.
Selon une enquête récente, on constate que les mentalités évoluent et que la plupart des employeurs sont en faveur d'un prolongement des congés de maternité. En effet, 55 % des employeurs sont favorables à un prolongement d'un mois du congé de maternité, notamment 78 % des chefs d'entreprises de grandes entreprises. De plus, 44 % des employeurs sont en faveur d'un prolongement d'un mois du congé de paternité. De surcroît, 47 % des dirigeants sont même prêts à contribuer à une meilleure indemnisation des congés parentaux de leurs employés.
Plutôt que de construire de nouvelles crèches, la Cour des comptes propose de renforcer les congés parentaux. Cette approche vise à réduire la demande de places en allongeant le congé maternité et en améliorant l'indemnisation du congé parental. Ces mesures sont en accord avec les besoins des familles et tiennent compte de la baisse démographique ainsi que des difficultés dans le secteur des crèches. En prolongeant le congé maternité d'un mois, 35 000 places pourraient être libérées pour un coût de 350 millions d'euros par an, et en améliorant le congé parental, 70 000 places pourraient être libérées pour 360 millions d'euros par an. Ces chiffres sont bien inférieurs aux 3 milliards d'euros nécessaires pour créer 200 000 nouvelles places d'accueil d'ici 2030, comme promis par le gouvernement.
Privilégier le renforcement des congés parentaux au lieu de créer de nouvelles crèches.
Contrairement aux politiques familiales des dernières années qui ont mis l'accent sur l'augmentation rapide et coûteuse des places en crèches, la Cour des comptes propose une approche différente dans son rapport. Elle suggère de réduire la demande de places en prolongeant le congé maternité d'un mois et en augmentant l'indemnisation du congé parental (moins de 450 euros par mois) sur une période plus courte.
Les mesures proposées prennent en compte les besoins des familles, mais aussi tiennent compte des prévisions démographiques en baisse et de la crise de recrutement dans le secteur qui entrave l'ouverture de nouvelles places en crèche. En prolongeant le congé maternité d'un mois, il serait possible de libérer 35 000 places d'accueil pour un coût net de 350 millions d'euros par an. De même, en prolongeant le congé parental, 70 000 places pourraient être libérées pour 360 millions d'euros par an. Ces investissements sont bien plus abordables que les 3 milliards d'euros nécessaires pour créer les 200 000 places supplémentaires promises par le gouvernement d'ici 2030.
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