Difficultés de l'entreprise.
Comment Legrand profite de l'essor de la transition énergétique
Par Nicolas Stiel
le 01.10.2023 à 09h00
Durée de lecture: 5 min
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Malgré la situation difficile dans le secteur de l'immobilier, l'entreprise française spécialisée dans la fabrication de matériel électrique continue à se développer. Elle mise sur les avancées technologiques telles que la robotique et la logistique, et bénéficie de la croissance du marché de la transition énergétique.
L'usine de Chabanais, située en Charente, contredit la croyance selon laquelle la France ne peut pas produire à bas prix, car elle vend 120 000 pièces par jour.
À l'usine Legrand de Chabanais, située en Charente, les prises électriques et les interrupteurs sont fabriqués à grande échelle. L'usine fonctionne en continu, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec des équipes travaillant en trois-huit. Contrairement aux idées reçues sur la mondialisation, cette usine prouve qu'il est possible de produire des biens bon marché en France. Depuis 2019, Legrand utilise une combinaison de robotique, d'amélioration continue du processus de production (lean manufacturing) et de logistique pour y parvenir. Les usines sont conçues pour produire à la fois de gros volumes (jusqu'à 15 millions d'unités par an) et un large éventail de références (2 000 à 3 000).
Selon le directeur général de la société, Benoît Coquart, cette situation complexe entraîne des dépenses élevées en termes d'approvisionnement et de production, mais elle constitue également un obstacle à l'entrée sur le marché. Un fabricant chinois privilégiera toujours la fabrication de cinq modèles de voitures électriques et leur vente à l'échelle mondiale plutôt que de produire 300 000 produits différents.
Grâce à la pandémie, Legrand domine le marché fragmenté de l'appareillage électrique, où chaque pays a ses propres normes d'ampérage et de voltage. Basée à Limoges, cette entreprise a réussi à prospérer malgré les fluctuations économiques, avec un chiffre d'affaires de 8,3 milliards d'euros l'an dernier et un bénéfice net de 1 milliard. Contrairement à de nombreuses autres entreprises françaises, Legrand a été épargnée par la crise sanitaire et a même bénéficié de la croissance du télétravail, de l'enseignement à distance, des jeux en réseau et des abonnements à Netflix. Malgré la crise immobilière, l'entreprise continue de progresser et a récemment revu à la hausse ses objectifs annuels, prévoyant désormais une croissance de 5 à 8% au lieu des 2 à 6% initialement prévus.
Aussi, il est important de noter le paradoxe complexe qui se présente dans le domaine de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne la nécessité de nouvelles infrastructures.
La demande croissante de thermostats connectés, de multiprises intelligentes, d'onduleurs, de bornes de recharge pour voitures électriques et d'armoires pour les centres de données contribue à la croissance de Legrand. Selon Benoît Coquart, en 2015, ces produits représentaient 18% de leur activité. Aujourd'hui, ils représentent un tiers de leur activité et devraient atteindre la moitié à moyen terme.
Depuis l'échec de l'OPA de Schneider Electric en 2001, l'entreprise Legrand a connu une forte expansion internationale. Avec 38 000 employés répartis dans 90 pays, l'Amérique du Nord représente désormais 41% de son chiffre d'affaires, tandis que la France ne contribue plus qu'à hauteur de 15%. Au cours des dix dernières années, Legrand a réalisé une soixantaine d'acquisitions, ciblant principalement des PME ou des ETI familiales parmi les 3 000 entreprises du secteur. En début d'année, l'entreprise a fait l'acquisition de Clamper, le leader brésilien des solutions basse tension pour les infrastructures photovoltaïques. Benoît Coquart souligne l'importance pour notre filiale de rencontrer régulièrement les dirigeants des sociétés cibles afin d'être contacté avant le banquier au moment de la vente.
De plus en plus connecté
Legrand, qui est réputé pour son expertise en matériel électrique, réalise environ 80% de ses revenus dans le domaine des bâtiments (tels que la sécurité, le contrôle de l'éclairage, la protection des circuits, la climatisation, le chauffage…). Bien que cette concentration dans les secteurs résidentiel et non résidentiel soit considérée comme une force, elle pourrait également être une faiblesse en cas de ralentissement du marché de la construction. Un analyste affirme que cela pourrait entraîner des difficultés pour l'entreprise. Contrairement à Schneider Electric, qui s'est diversifié dans les automatismes industriels et les logiciels volumineux, Legrand est resté concentré sur son cœur de métier.
Le groupe peut être fier de sa performance en bourse – le rendement de l'action, en incluant le dividende réinvesti, a augmenté de plus de 11% par an. Cependant, sa stratégie attentiste inquiète les marchés. Au cours des cinq dernières années, l'action de Legrand n'a augmenté que de 39%, tandis que celle de Schneider a bondi de 120%. La valeur totale de l'entreprise de Limoges (23,7 milliards d'euros) est actuellement près de quatre fois inférieure à celle de son concurrent.
Cependant, l'entreprise ne prévoit pas de changer de direction. Les éventuels problèmes rencontrés dans le secteur du bâtiment devraient être compensés par le succès fulgurant de la transition énergétique. La généralisation de l'intelligence artificielle et l'émergence de nouvelles applications telles que ChatGPT ont entraîné une demande croissante de produits numériques et d'appareils électriques dans le monde entier. Les pays développés devront accélérer le rythme des rénovations de bâtiments pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, voire le tripler. Quant aux pays émergents, ils doivent faire face à l'augmentation de la classe moyenne, qui demande des logements plus confortables et connectés. Toutes ces opportunités de croissance sont bénéfiques pour Legrand.
Legrand est une entreprise locale importante, étant la seule entreprise du CAC 40 avec Michelin et Airbus à avoir son siège en province. L'entreprise est discrète mais attachée à ses racines, elle est le premier employeur privé de Limoges avec 2 000 salariés. Cependant, les cadres de l'entreprise rencontrent des difficultés pour se déplacer en raison des retards récurrents du train Paris-Limoges. En novembre 2022, la SNCF avait annoncé la suppression de l'Intercités du matin vers Paris-Austerlitz en raison de travaux de rénovation sur la ligne, ce qui avait provoqué la colère de Benoît Coquart, directeur général de Legrand. Il avait remis en question l'intérêt de maintenir les équipes de l'entreprise à Limoges. Heureusement, la situation s'améliore, la SNCF est plus transparente et prévient à l'avance des éventuels retards. Legrand attend maintenant avec impatience 2026, date à laquelle le trajet entre Limoges et Paris devrait prendre 2h45, contre 3h20 actuellement.
Legrand, une entreprise spécialisée dans les solutions électriques.
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