Difficultés Société
Restauration collective : la manière dont Derichebourg nettoie les cuisines d'Elior
Écrit par Jean-François Arnaud le 12 novembre 2023 à 11h00 Lecture de 6 minutes. Abonnés
En avril, le groupe familial a repris le contrôle de la société de restauration collective qui se trouvait dans une situation critique. Ils ont commencé le processus de redressement en se concentrant sur trois priorités : renégocier les contrats, réduire les dépenses et encourager les employés.
La cantine Elior située au centre international de Valbonne, dans les Alpes-Maritimes, a connu des changements en 2019 lorsque le groupe a décidé de se concentrer sur la restauration collective et de vendre sa filiale Areas. Cependant, les fonds provenant de cette vente n'ont pas été utilisés pour redresser la situation. Cette décision a eu des conséquences très graves pour l'entreprise lors de la crise sanitaire.
Il s'agit d'une entreprise qui passe souvent inaperçue, mais qui est sollicitée quotidiennement. Il s'agit de la personne qui s'occupe de la cantine de l'école primaire, de l'employé qui distribue les repas dans les chambres d'hôpital, du chef cuisinier qui prépare des plats pour 800 personnes dans une cuisine centrale…
Elior est une entreprise de grande envergure, comptant 100 000 employés et servant plus de 3 millions de repas par jour dans plus de 20 000 restaurants. Malgré sa taille imposante, elle présente des performances financières médiocres, avec un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros.
Toujours impacté par les conséquences du Covid et de l'inflation, Elior continue de subir des difficultés financières. Cependant, l'entreprise observe une reprise progressive de son activité.
En 2022, ce groupe fondé par Robert Zolade et Francis Markus il y a trente ans à partir d'une branche d'Accor a enregistré des pertes de 48 millions d'euros, ce qui est légèrement mieux que l'année précédente où le déficit s'élevait à 64 millions. C'est une situation catastrophique pour l'entreprise qui n'a jamais connu de profits exceptionnels. Les banquiers et les créanciers se posent maintenant la question de savoir s'ils doivent continuer à faire confiance à un groupe qui s'enfonce inévitablement. La possibilité d'une faillite pure et simple est imminente.
Les restaurants collectifs sont confrontés à plusieurs problèmes, notamment la conjoncture économique, les changements économiques et leur positionnement très exposé. Un analyste financier explique que ces groupes de restauration collective font face à des contraintes de plus en plus importantes, telles que l'augmentation des coûts des matières premières (+ 25% en vingt-quatre mois) et des salaires (+ 15%), ainsi que des exigences croissantes en matière de qualité et de sécurité. Cependant, ils ont du mal à faire supporter ces charges aux politiques, qui sont incapables de demander des augmentations des tarifs de cantine à leurs utilisateurs et des hausses d'impôts à leurs contribuables.
Sodexo et Compass, qui sont des concurrents de Elior et occupent respectivement la première et troisième place en France, ont choisi de se protéger en diversifiant leurs activités, en se positionnant sur des segments plus haut de gamme et en réduisant leur dépendance vis-à-vis des marchés publics français, tels que les écoles, les hôpitaux et les prisons. En revanche, Elior a fait le choix de se recentrer sur la restauration collective en vendant en 2019 sa filiale Areas, spécialisée dans les concessions des gares et des aéroports, au fonds PAI Partners.
La vente de cette entreprise n'a pas abouti à une transformation. Les fonds obtenus, d'une valeur de 1,6 milliard d'euros, ont été utilisés pour réduire la dette de l'entreprise et ont également été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachat d'actions. Par conséquent, lorsque la crise sanitaire est survenue, Elior s'est retrouvé dans une situation extrêmement difficile.
Selon les informations fournies par la société, Elior a enregistré un chiffre d'affaires de 4,45 milliards d'euros en 2022, mais a également subi des pertes de 48 millions d'euros. De plus, la société a accumulé une dette de 1,2 milliard d'euros. Elior compte actuellement 100 000 salariés.
De plus, lorsque le reste de l'économie s'est redressé après l'épidémie, le groupe a été affecté par l'augmentation du télétravail. Selon Julien Thomas, analyste financier de la société de Bourse Mid Cap Partners, le fait de travailler un jour par semaine à domicile, comme c'est pratiqué dans de nombreux bureaux, entraîne une baisse de 20% de l'activité pour la cantine, tout en maintenant une partie des coûts.
En raison d'une dette énorme de 1,2 milliard d'euros et de près de 200 millions de contrats déficitaires, l'entreprise est en très mauvaise santé financière. En Bourse, l'action a connu une chute considérable, passant de plus de 25 euros en 2017 à 3 euros en 2021, pour atteindre aujourd'hui 1,70 euro ! Un analyste remarque que l'augmentation des taux d'intérêt fait craindre le poids de la dette.
L'année précédente, lorsque la peur s'installe, il est même envisagé de vendre par parties, soit par pays soit par marché. À moins qu'un entrepreneur courageux ne tente de renverser la situation. "Nous avions des activités similaires dans le secteur de la santé et nous en discutions depuis longtemps", explique Boris Derichebourg, le PDG de Derichebourg Multiservices (avec un chiffre d'affaires de 940 millions d'euros et 36 000 employés).
Selon l'analyste Julien Thomas, cette alliance est rassurante car Derichebourg a déjà réussi à intégrer Penauille avec succès en 2007. Le management de Derichebourg, y compris le père et les fils Derichebourg, est réputé pour sa pragmatisme et sa gestion rigoureuse.
Une nouvelle façon de faire les choses
La finalisation de l'opération en avril 2023 en est une preuve. Sur le plan juridique, Elior a officiellement racheté Derichebourg Multiservices, tandis que le Groupe Derichebourg, la société mère, a acquis 48% d'Elior. Malgré la taille importante de la cible, un montant minimal en espèces est nécessaire. "Nous voulions nous développer", admet Boris Derichebourg. "Donc, si nous ne pouvions pas donner de l'argent, nous devions donner de nous-mêmes."
Une course contre le temps commence. Il est nécessaire de renégocier les contrats, encourager les employés et diminuer les dépenses. Un expert révèle que les contrats avec l'administration pénitentiaire et l'armée italienne doivent être rapidement révisés. Boris Derichebourg et son père Daniel, qui est maintenant président du groupe Elior, visitent les cuisines centrales à travers la France.
On peut également mentionner que Elior a l'intention d'acheter les activités multiservices de Derichebourg.
La première mesure consiste à regrouper les sièges sociaux. Chaque région n'aura qu'un seul siège social. A Paris, Elior est demandé de quitter ses bureaux luxueux à La Défense, qui lui coûtent 10 millions d'euros de loyer par an, pour des bureaux plus modestes chez Derichebourg à Créteil (Val-de-Marne). De plus, les contrats de location de voitures sont résiliés et l'entreprise achète ses propres véhicules, ce qui est moins cher à long terme.
Ils rendent la situation encore plus difficile en supprimant des postes hiérarchiques et en interdisant le télétravail pour les employés administratifs. Selon Boris Derichebourg, il est important d'être cohérent, car le télétravail de nos clients a déjà causé des problèmes, et il est également essentiel de mobiliser tous les employés, afin de ne pas laisser nos collègues sur le terrain travailler tous les jours à 7 heures du matin pendant que les employés de bureau restent chez eux.
Il introduit une culture nouvelle, encourage l'initiative, l'expérience pratique et les économies. La Bourse est optimiste quant à la possibilité que les chiffres financiers annoncés le 22 novembre ne soient pas suivis d'un autre avertissement sur les résultats. Pour Boris Derichebourg, il n'y a aucun doute: "Nous allons réussir, car nous n'avons pas d'autre option!"
Il n'existe aucune image publique de Daniel Derichebourg, âgé de 70 ans, qui est le président du groupe du même nom, avec ses deux fils: Thomas, âgé de 47 ans, qui est le directeur de la branche environnement (qui génère 4,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires), et Boris, âgé de 45 ans, qui est le président de l'activité multiservices (qui a fusionné avec Elior, dont il est devenu le directeur des opérations et le président pour la France, et qui génère 4,4 milliards d'euros). Ces hommes d'affaires singuliers et discrets, dont le nom de famille est visible sur des milliers de camions poubelles en France, sont à la fois des héritiers et des autodidactes. Ils n'ont pas suivi d'études supérieures. Thomas a été un acteur plutôt sollicité au théâtre et au cinéma pendant environ dix ans avant de rejoindre l'entreprise fondée par son grand-père Guy, qui était ferrailleur dans les années 1950 et qui a été incroyablement développée par son père. Boris, de même, était un ancien pilote automobile. Ils sont des hommes de terrain, familiers du monde politique et des grandes entreprises industrielles, et "ils ne craignent pas les métiers difficiles et les environnements hostiles", selon un banquier.
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