Captage et stockage du CO2 : une solution incontournable ou un prétexte à prolonger les énergies fossiles ?

Le processus de captage et de stockage du CO2, appelé technologie CCS, est un sujet de controverse en raison de son potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Certains le considèrent comme une solution indispensable pour la transition énergétique, tandis que d'autres craignent qu'il ne serve à prolonger l'utilisation des énergies fossiles.

Le lundi 30 septembre, plus de deux cents personnes se sont réunies au Cercle national des armées à Paris, représentant des entreprises telles que EDF, Engie, TotalEnergies, Schneider Electric, Air Liquide, Lafarge, Arcelor Mittal, et d'autres encore. La réunion portait sur la présentation du rapport de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) concernant la capture, le transport et le stockage du CO2. Même si le sujet n'était pas particulièrement attractif, la capture et le stockage du carbone (CCS) est devenu un sujet important à l'échelle mondiale.

Avant le rendez-vous à Paris, la Norvège a lancé le premier service commercial de transport et de stockage de carbone, en partenariat avec les entreprises Equinor, Shell et TotalEnergies, près de Bergen, appelé Northern Lights. En octobre, le Royaume-Uni a alloué 26 milliards d'euros de subventions sur 25 ans pour promouvoir les solutions de CCS. Cette technologie consiste à capturer le CO2 à la sortie des usines, à le liquéfier, à le transporter, puis à le stocker de manière permanente dans des formations géologiques terrestres ou sous-marines. Bien que le captage de CO2 ne soit pas une nouveauté, les grandes entreprises pétrolières injectent du gaz dans des failles depuis plus de 50 ans pour augmenter la pression des forages afin de récupérer plus de pétrole.

Le bassin de Lacq est choisi comme site pilote par TotalEnergies pour tester le CCS. Ce processus vise à capturer le gaz émis par une installation industrielle, le nettoyer et le purifier pour en extraire le CO2. Ensuite, le CO2 est transporté par camions, trains ou canalisations vers des centres de liquéfaction. Une fois là-bas, le CO2 est injecté dans des réservoirs sédimentaires ou dans d'anciens gisements d'hydrocarbures terrestres ou sous-marins.

Le bassin de Lacq est un site important pour TotalEnergies.

Le captage et stockage du CO2 (CSC) implique la collecte du gaz provenant d'une installation industrielle, suivi de son nettoyage et de sa purification pour en extraire le dioxyde de carbone. Ensuite, le CO2 est transporté par camions, trains ou pipelines vers des installations de liquéfaction. Le dioxyde de carbone est ensuite injecté dans des bassins sédimentaires ou dans d'anciens gisements de pétrole ou de gaz, qu'ils soient terrestres ou sous-marins.

Le "greenwashing" du CCS en question ?

Aujourd'hui, l'engouement pour le CCS ne concerne plus tant les hydrocarbures que la décarbonation. Les experts du Giec sont catégoriques : les solutions traditionnelles pour atteindre la neutralité carbone – comme le recours aux énergies renouvelables, à l'énergie nucléaire, l'électrification des usages, ainsi que les politiques d'efficacité énergétique et de sobriété – ne suffisent pas à atteindre les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre (-55 % d'ici 2030 par rapport à 1990, -90 % d'ici 2050). Le CCS, dont les investissements mondiaux ont quintuplé pour atteindre 11,3 milliards de dollars au cours des deux dernières années (source Bloomberg NEF), est-il la clé manquante de la transition énergétique ou est-ce un cas de "greenwashing" comme l'a suggéré le chef de Greenpeace Norvège, Frode Pleym ?

Il y a un débat sur l'utilisation de la technologie. Certains groupes comme les Amis de la Terre la voient comme une solution inefficace qui ne fait que prolonger l'utilisation des combustibles fossiles. Cependant, de nombreux experts considèrent que la capture et stockage du carbone (CCS) est essentielle pour la réindustrialisation. Selon Tina Bru, ancienne ministre norvégienne du Pétrole et de l’Energie, il est impossible de maintenir nos industries en Europe sans le CCS. Actuellement, le captage ne représente que 0,1 % des émissions mondiales de CO2, soit 50,5 millions de tonnes. Cependant, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, l'Agence internationale de l'énergie estime que sa capacité devrait être plus de vingt fois supérieure (1,3 milliard de tonnes par an) à partir de 2030.

Une opportunité pour les entreprises pétrolières

Le système de capture et de stockage du CO2 (CCS) implique divers acteurs. En premier lieu, il y a les industries émettrices de CO2 dont les processus de production sont difficiles à rendre écologiques (comme la production de ciment, d'engrais, d'acier, de chaux…). Ensuite, il y a les entreprises de transport de gaz telles que GRT Gaz en France, filiale d'Engie, ou Air Liquide. Enfin, on retrouve les compagnies pétrolières qui possèdent les pipelines et les champs pétrolifères épuisés pour le stockage du CO2. TotalEnergies, par exemple, est capable de mener des études géologiques, de transporter du gaz liquéfié et de forer des puits en mer, des compétences essentielles pour cette technologie.

En Norvège, un consortium composé d'une entreprise française, Equinor et Shell, a signé des contrats avec trois grandes sociétés européennes (Yara, Orsted et Heidelberg Materials) pour stocker 1,5 million de tonnes de CO2 par an (5 millions dans un second temps) dans un aquifère salin en mer du Nord, à une profondeur de 2 600 mètres, à partir de l'année prochaine. La première phase du projet est majoritairement financée par Oslo, à hauteur de 80 %, pour un montant d'environ 500 millions d'euros.

Le marché du CCS, encore en développement, est actuellement dépendant des subventions gouvernementales. L'objectif est de réduire cette dépendance dans le futur. Le coût du captage et du stockage du CO2, actuellement entre 150 et 200 euros par tonne, est plus élevé que le coût du carbone, qui est d'environ 70 euros par tonne. Grâce aux économies d'échelle et aux avancées technologiques, comme le solvant développé par l'IFPEN permettant une réduction de 30% de la consommation d'énergie par rapport aux méthodes classiques, le coût du CCS devrait diminuer tandis que le prix du CO2, soumis à des normes plus strictes, devrait augmenter. Selon un expert du secteur, ces tendances devraient se croiser dans les cinq à dix prochaines années.

Lafarge a pris l'initiative en annonçant un plan d'investissements de 2,15 milliards d'euros dans le captage et le stockage du CO2 d'ici 2030. Selon le directeur décarbonation Thomas de Charette, les nouvelles réglementations imposent aux entreprises de produire un ciment à faible empreinte carbone, sous peine de ne plus pouvoir le vendre sur le marché. Tous les acteurs de l'industrie ne font pas preuve du même niveau de proactivité. Selon Raphaël Huyghe, responsable du programme captage & stockage de CO2 à l'IFPEN, certains industriels attendent que les infrastructures de transport nécessaires soient en place avant d'investir dans ce domaine.

Le Centre canadien sur les sciences (CCS) est confronté au dilemme de la poule et de l'œuf. Selon Tim Heijn, directeur de Northern Lights, le paysage changera si la technologie est déployée à grande échelle. Pour cela, il est nécessaire d'augmenter le nombre d'émetteurs. Afin d'obtenir des volumes plus importants et de réduire leurs coûts, les entreprises industrielles se regroupent en clusters. Par exemple, Lafarge s'est associée à ses concurrents Heidelberg et Lhoist, ainsi qu'au transporteur GRT Gaz, pour développer un terminal de CO2 dans le port de Nantes Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).

Le prix élevé des options alternatives

D'ici 2050, le CCS pourrait jouer un rôle important dans l'atteinte des objectifs Net Zéro de la planète, représentant 14 % selon Bloomberg NEF. Olivier Perrin, expert en énergie chez Deloitte, estime que cela nécessiterait un investissement de 1 000 milliards de dollars, mais pour le moment, nous sommes loin de ce chiffre. Le principal défi du CCS sera de convaincre la société de son utilité. La question se pose donc : est-il vraiment nécessaire d'investir dans cette technologie ?

Guillaume Lenoir, responsable principal des projets de réduction des émissions de carbone chez Yara, met en avant la complexité et le coût plus élevé des solutions alternatives. Il prend l'exemple du projet d'électrolyseur développé par Yara en collaboration avec Lhyfe au Havre. Pour ce projet, il faut négocier avec RTE (le gestionnaire du réseau de transport d'électricité) pour obtenir un câble électrique et de la capacité disponible. En termes de réduction des émissions de CO2, les subventions nécessaires pour les électrolyseurs sont quatre à cinq fois plus élevées que celles des projets de captage.

Lola Vallejo, qui est la directrice du programme climat de l'Iddri, affirme que l'utilisation de la technologie CCS sera nécessaire dans le futur. Cependant, il est important de déterminer dans quelles mesures et dans quel but elle sera utilisée. Le captage du CO2 peut être une solution efficace pour réduire les émissions des industries qui dépendent du charbon ou du gaz. Cependant, il ne faut pas voir cela comme une autorisation pour construire de nouvelles installations utilisant des énergies fossiles, car cela aurait un impact négatif sur le climat.

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