Défis en entreprise
Le défi d'Apple pour se détacher de sa dépendance envers la production en Chine est difficile.
Sous l'influence de Pékin, la grande entreprise doit diminuer sa dépendance importante envers les fournisseurs locaux. En attendant que ses systèmes en Inde ou au Vietnam deviennent plus efficaces, elle fournit des garanties sur son troisième marché.
Le PDG d'Apple, Tim Cook, s'est rendu à Pékin le 19 octobre pour rencontrer Ding Xuexiang, le vice-Premier ministre chinois. Cette visite a été effectuée en urgence en raison de la menace potentielle d'interdiction de l'utilisation des iPhones par certaines agences gouvernementales chinoises.
Les employés du gouvernement ne sont plus autorisés à utiliser des smartphones de marques étrangères. Ce n'est pas une nouvelle déconvenue pour le constructeur chinois Huawei, qui est déjà victime de sanctions américaines. Maintenant, c'est au tour de la société américaine Apple de faire face à des mesures similaires en Chine.
Selon les informations du Wall Street Journal, une directive a été donnée au début du mois de septembre aux fonctionnaires chinois pour qu'ils respectent ces règles lors de leur travail au sein de certaines agences gouvernementales.
Découvrez comment Tim Cook a transformé Apple en seulement cinq ans.
Tout comme le gouvernement américain, le gouvernement chinois est préoccupé par les éventuelles failles et backdoors présentes dans les smartphones d'Apple, qui pourraient être exploitées par les agences de sécurité nationales. Même si l'interdiction a été ensuite démentie, cette tension a poussé le PDG d'Apple, Tim Cook, à effectuer une visite rapide en Chine mi-octobre, au cours de laquelle il a rencontré Ding Xuexiang, le vice-Premier ministre.
"Apple doit redoubler d'efforts"
Les informations négatives ne cessent de tomber chaque semaine. Les experts financiers ont été refroidis le 3 novembre dernier, lors de la divulgation des résultats du quatrième trimestre 2023. Selon les analystes interrogés par Bloomberg, les ventes en Chine étaient censées augmenter de 10%, mais elles ont en réalité baissé de 2,5%. Ce chiffre est loin d'être négligeable pour la célèbre entreprise de Cupertino car la Chine est son troisième marché et représente 19% de son chiffre d'affaires, après les Etats-Unis (45%) et l'Europe (25%).
Selon Sébastien Jean, directeur associé du programme géofinance et géoéconomie de l'Institut français des relations internationales (Ifri), Apple est un exemple frappant d'une entreprise qui a largement profité de sa chaîne de valeur en Chine pour connaître le succès. Cependant, aujourd'hui, l'entreprise se retrouve prise entre deux feux avec les tensions sino-américaines.
Malgré les difficultés rencontrées à cause des sanctions américaines, la société chinoise Huawei semble se remettre sur pied. Elle compte reconquérir des parts de marché dans le secteur des smartphones haut de gamme avec son dernier modèle, le Mate 60 Pro, qui dispose enfin d'une puce 5G fabriquée en Chine.
Selon Sandrine Zerbib, auteure de Dragon Tactics (Dunod) et ancienne responsable de la filiale chinoise d'adidas, Apple doit faire un effort supplémentaire pour réduire sa dépendance envers la Chine. Cependant, cela pose un véritable défi car les Chinois sont maintenant très compétents dans la production de grandes quantités de produits extrêmement complexes. Actuellement, ils sont inégalables dans ce domaine.
Une expansion progressive
Tim Cook, le PDG actuel d'Apple, en a une expérience personnelle. C'est lui qui a personnellement mis en place le réseau complexe de sous-traitants pour le géant américain. Bien qu'Apple n'emploie que 14 000 personnes directement en Chine, les experts estiment que le groupe fait travailler 1,5 million d'employés via ses sous-traitants. Ce chiffre impressionnant témoigne de l'importance de la Chine pour Apple, même si des efforts sont également faits à l'extérieur du pays.
En 2017, Apple a commencé à fabriquer des iPhones bon marché en Inde. Selon la banque JP Morgan, d'ici 2025, un quart de la production d'Apple pourrait provenir de ce pays, même s'il ne représente actuellement que moins de 5% de la production totale. Le Vietnam pourrait également devenir un acteur majeur dans la production d'accessoires tels que les écouteurs AirPods, ainsi que 20% des iPads et Apple Watch d'ici 2025.
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Yves Maitre, ancien PDG de l'entreprise taïwanaise HTC, affirme que malgré les tensions géopolitiques croissantes, il n'est pas surprenant de constater cette inertie. Selon lui, la diversification à l'étranger ne se résume pas simplement à la construction d'une usine, mais nécessite la mise en place d'un écosystème comprenant des fournisseurs de composants, des infrastructures efficaces telles que des routes et des ports, ainsi qu'une main-d'œuvre bien formée. Il est prévu qu'il faudra environ dix ans, si tout se déroule bien, pour que 30 à 40% de la production se fasse en dehors de la Chine.
Un dilemme éthique
Apple va devoir continuer de jongler entre deux problèmes, même si cela peut être difficile. Bien qu'il ne puisse pas quitter la Chine à court terme, il a réussi à réduire sa dépendance envers ses fournisseurs ces cinq dernières années. Peu connue du grand public, c'est l'entreprise chinoise Luxshare qui a le plus profité de cette stratégie, maintenant en charge de l'assemblage de nombreux Apple Watch et iPhones.
La société sous-traitante cotée a connu une croissance exponentielle de son chiffre d'affaires, passant de 2 milliards de dollars en 2016 à 31 milliards. Selon Paul Triolo, un expert en semi-conducteurs au Paulson Institute à Washington, Apple a réussi à augmenter le nombre de ses sous-traitants en Chine plutôt que de se diversifier à l'étranger. Il serait difficile de déplacer tout cet ensemble de partenaires à l'étranger.
Pendant ce temps, Apple est confronté depuis de nombreuses années au défi de concilier son éthique globale avec les compromis nécessaires pour rester en Chine. Un habitué du pays exprime son inquiétude quant aux pratiques douteuses auxquelles Apple semble se livrer pour rester dans les affaires.
En 2021, le journal New York Times a rapporté que le gouvernement chinois avait accès aux données stockées sur le cloud utilisé en Chine. Plus récemment, le Financial Times a déclaré qu'Apple avait restreint l'utilisation d'AirDrop par les grévistes de Foxconn pour empêcher l'organisation de leur mouvement de protestation.
Pourquoi la candidature de l'ancien dirigeant de Foxconn à la présidence de Taïwan suscite des inquiétudes.
Josh Hawley, un sénateur républicain, a exprimé sa préoccupation concernant la relation entre Apple et la Chine. Selon lui, lorsque les communistes chinois donnent des ordres à Apple, l'entreprise ne fait que demander à quelle hauteur elle doit sauter. Cette relation avec la Chine pose des problèmes tant sur le plan économique que moral. Jusqu'à présent, Tim Cook a réussi brillamment à éviter de nombreux obstacles, mais les défis à relever deviennent de plus en plus difficiles.
Le succès des iPhones d'Apple est étroitement lié à celui de Foxconn. La ville de Zhengzhou, située dans le centre de la Chine, est surnommée "iPhone City" en raison de l'usine gigantesque du fabricant taïwanais, qui produit 70% des smartphones du groupe et emploie 300 000 personnes. Cependant, le principal sous-traitant chinois du groupe américain voit sa position s'affaiblir progressivement. Apple a progressivement pris conscience des risques liés à sa dépendance à Foxconn et a décidé de diversifier ses partenaires. L'entreprise fait désormais appel à d'autres fabricants chinois tels que Goertek, Wingtech et Luxshare. De plus, Foxconn fait l'objet d'une enquête fiscale en Chine, ce qui est largement considéré comme une réponse à l'ambition politique de son fondateur, Terry Gou, qui se présente en tant que candidat indépendant à l'élection présidentielle de Taïwan en janvier prochain.
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