Airbus défend l’avenir de l’aéronautique face aux défis environnementaux

Difficultés Société Industrie aérospatiale

Guillaume Faury, le PDG d'Airbus, exprime son désespoir face aux propos de Jean-Marc Jancovici, qui affirme qu'il est désormais acceptable de prendre seulement quatre vols dans sa vie. Faury trouve cette idée décourageante et inquiétante.

Le PDG d'Airbus refuse de blâmer l'industrie aéronautique pour la crise climatique. Il aborde des sujets tels que la honte de voler, les carburants durables et l'empreinte carbone des avions et des trains dans une longue interview, quelques jours avant le salon aéronautique de Dubaï.

Le 17 octobre 2023, Guillaume Faury, qui occupe le poste de président exécutif chez Airbus, s'est exprimé à Paris.

Est-ce que les préoccupations environnementales des passagers menacent l'aviation ? Jusqu'à présent, la "honte de voler" ne semble pas avoir d'impact sur les chiffres des constructeurs d'avions. À quelques jours de l'ouverture du salon de Dubaï, Airbus a même annoncé de bons résultats pour les neuf premiers mois de l'année : 1 280 commandes depuis le début de l'année, un objectif de 720 livraisons d'appareils d'ici 2023, et un résultat opérationnel prévu de 6 milliards d'euros pour l'exercice.

Le phénomène du "flight shaming" suscite des interrogations quant à l'envie des jeunes de prendre l'avion et de travailler dans le secteur de l'aéronautique.

Lors d'une interview exclusive accordée à Challenges, Guillaume Faury, le dirigeant de l'entreprise aéronautique, aborde plusieurs sujets tels que la réduction des émissions de carbone dans le secteur, le débat sur le choix entre le train et l'avion, les carburants durables, ainsi que la proposition de l'ingénieur Jean-Marc Jancovici concernant la limitation des vols à quatre par personne dans une vie. Il souligne clairement que le secteur aéronautique est déterminé à faire sa part dans la lutte contre le changement climatique, mais refuse d'être désigné comme le seul responsable de cette crise.

Quelle est votre réaction face à la proposition de Jean-Marc Jancovici de limiter à quatre le nombre de vols dans une vie ?

Guillaume Faury – C'est décourageant. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce qu'on va interdire aux générations futures de voyager sur Terre ? Cela n'a aucun sens ! Évoquer une mesure aussi extrême, c'est adopter une vision du futur basée sur le passé. Bien sûr, jusqu'à présent, l'aviation a été responsable de l'émission de carbone en raison de l'utilisation du kérosène. Mais nous travaillons activement pour rendre l'aviation plus écologique. Cela prend du temps, c'est ce qui est frustrant. Mais nous avons une feuille de route pour y parvenir.

Cependant, est-il justifié de prendre des mesures radicales en situation d'urgence ?

Certains proposent la décroissance ou l'extinction de l'éclairage. Selon moi, cela entraînerait un chaos total. Cela favoriserait l'émergence d'un monde encore plus conflictuel, avec une augmentation des conflits régionaux, voire mondiaux.

On a beaucoup parlé du phénomène du "Flygskam", qui est la honte de prendre l'avion, et qui a commencé en Suède il y a quelques années. Est-ce que cela représente une menace pour Airbus ?

Le "Flygskam" a un aspect positif : il nous pousse à réfléchir, à remettre en question nos habitudes de voyage. Cependant, c'est aussi une position extrême, caricaturale et très minoritaire, principalement présente en Europe. Lorsqu'on visite d'autres pays, les problèmes urgents à résoudre sont souvent très différents. En général, on n'entend pas beaucoup parler du "Flygskam" dans les pays en développement. À quelques exceptions près, l'avion est plutôt bien accueilli et attendu, plutôt que rejeté.

Peut-on observer une augmentation du trafic aérien dans les statistiques ?

Nous avons récemment révisé légèrement à la baisse nos prévisions de croissance du trafic aérien, en tenant compte des problématiques environnementales et de l'augmentation du prix des carburants. Cependant, si l'on examine l'évolution prévue du trafic aérien au niveau mondial, on constate une croissance très importante. En résumé, il y aura environ 40 000 avions à livrer au cours des 20 prochaines années, ce qui représente un doublement de la flotte actuelle.

Est-il possible que les autorités prennent de plus en plus de mesures restrictives sur le trafic, comme à l'aéroport de Schiphol aux Pays-Bas ?

À Schiphol, la question ne concerne pas seulement le carbone. Si l'on évalue l'impact du carbone, il faudrait réaliser une étude approfondie. Je n'en ai pas connaissance, mais j'ai le sentiment qu'elle ne conclurait pas à une amélioration. En effet, les personnes qui ont besoin et envie de voyager disposent de nombreuses solutions alternatives.

Est-ce que la transition du secteur vers la décarbonation se fait suffisamment rapidement ? Votre avion fonctionnant à l'hydrogène est prévu pour 2035, mais l'urgence climatique est actuelle…

Je suis plutôt d'accord. Je pense que la société dans son ensemble aurait pu commencer à prendre en compte le problème de la transition climatique il y a 30 ou 50 ans, lorsque les informations pertinentes étaient probablement déjà disponibles. Maintenant, nous sommes dans une course contre la montre.

Le succès de la loi américaine sur la réduction de l'inflation

Comment peut-on accélérer le processus ?

Il existe de nombreuses mesures à prendre : établir rapidement des règlements clairs sur les vols utilisant l'hydrogène, encourager le développement de carburants d'aviation durables (SAF). Je fais partie des individus qui s'efforcent de perturber le système afin de produire des SAF plus rapidement.

Est-ce que l'obligation européenne de mettre en place 6% de SAF d'ici 2030 n'est pas suffisante ? Je suis d'avis qu'un objectif de 10% d'ici 2030 aurait pu être atteint de manière réaliste.

Est-ce nécessaire de fournir des subventions massives aux carburants d'aviation durables (SAF) comme aux États-Unis ?

Aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act (IRA) a été mis en place pour offrir de nombreuses incitations financières aux SAF ainsi qu'à l'hydrogène vert afin de résoudre le problème de la courbe d'apprentissage, qui rend le début de ces alternatives très coûteux. Il reste à voir si les États-Unis pourront maintenir ces subventions à long terme. Quoi qu'il en soit, cette initiative américaine a entraîné une augmentation spectaculaire des investissements. Elle fonctionne.

Certains prétendent que les carburants aéronautiques durables (SAF) ne sont qu'un stratagème de communication pour perpétuer les méthodes traditionnelles de l'aviation.

C'est incorrect. Cela me rappelle les débats sur les véhicules électriques : il y a dix ans, les gens soutenaient que les voitures électriques étaient une illusion, qu'il n'existait pas de solution viable à grande échelle. Nous assistons à la même évolution. Selon moi, l'industrie des SAF est en train de prendre son envol et rien ne peut l'arrêter.

Il est possible de gérer la question du coût des carburants durables.

Cependant, il est vrai que ces carburants sont actuellement plus chers.

Comme pour toute nouvelle technologie, les coûts initiaux sont élevés. Par exemple, les voitures électriques étaient beaucoup plus chères que les voitures à essence, mais on observe une réduction progressive de cet écart de prix. Je suis convaincu que la question du coût des carburants durables est gérable. Ce qui pose réellement problème, c'est la distorsion de concurrence entre les compagnies européennes qui utilisent des carburants durables et leurs concurrents étrangers qui n'en utilisent pas du tout. Comment pouvons-nous éviter que les premières soient pénalisées ?

Est-ce que les passagers seront disposés à dépenser davantage pour un billet d'avion neutre en carbone ? C'est une question intéressante. Ce qui est observé actuellement est très contradictoire. Beaucoup de personnes affirment être prêtes à payer plus cher pour voler de manière écologique, mais lorsqu'on leur présente des solutions qui sont peut-être encore imparfaites et peu claires, très peu d'entre elles les choisissent. Je pense que nous ne sommes pas encore certains du prix que les gens sont prêts à payer pour voler de manière neutre en carbone.

Le directeur général de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), Jean-Pierre Farandou, propose de taxer les avions pour financer les trains. Comment réagissez-vous à cette opposition entre le train vertueux et l'avion polluant ?

Cette vision est trop simpliste et binaire. Tout d'abord, il est important de souligner que le train et l'avion ne desservent pas les mêmes destinations. En Europe, les avions parcourent en moyenne 1 700 km, tandis que les trains parcourent entre 200 et 300 km. De plus, un grand nombre de liaisons ne sont disponibles que par avion. Si l'on considère des régions moins peuplées et où l'infrastructure ferroviaire n'est pas développée, il est évident que l'avion est le moyen de transport idéal, et souvent le seul disponible.

La construction d'une infrastructure ferroviaire est extrêmement coûteuse et a un impact négatif sur l'environnement. Il est important de souligner que cela prend beaucoup de temps, nécessite des investissements importants et entraîne des dommages à la faune, à la flore, aux sous-sols et aux eaux. De plus, chaque kilomètre de ligne construite génère environ 8 000 tonnes de carbone. Il faudra donc environ 25 à 30 ans, voire plus, pour compenser cette empreinte carbone causée par la construction de l'infrastructure.

Est-ce une bonne idée d'arrêter les vols intérieurs lorsque les trains mettent moins de 2h30 pour faire le trajet ? À mon avis, cela ne semble pas efficace. Cette décision a été prise de manière dogmatique, sans étude d'impact sérieuse. Il serait préférable de laisser les choses se faire naturellement : si les trains offrent de bonnes connexions concurrentielles aux lignes aériennes, elles se développeront d'elles-mêmes. C'est ce qui s'est passé avec le trajet Paris-Marseille, par exemple.

Est-ce que vous êtes en train de respecter les délais pour lancer votre avion à hydrogène en 2035 ?

Oui, nous restons sur la date de 2035. Nous rencontrons des problèmes chaque jour, mais c'est normal dans cette phase de recherche et cela correspond toujours à notre objectif de 2035. Quelle sera l'architecture utilisée ? Nous ne sommes pas encore en mesure de répondre. Les décisions concernant l'architecture seront prises en 2025-2026.

Beaucoup de personnes ne comprennent pas pourquoi le kérosène n'est pas soumis à des taxes. Comment peut-on justifier cela en 2023 ?

Il est incorrect de dire qu'il n'y a pas de taxe sur le kérosène. En réalité, l'Europe impose déjà des taxes sur le kérosène à travers le système d'échange de quotas d'émission (ETS) de l'Union européenne. Cela s'appelle une taxe carbone, mais elle équivaut effectivement à une taxe sur le kérosène. Il est également important de souligner que l'aviation est soumise à de nombreuses taxes de différentes manières, tandis que le transport ferroviaire est fortement subventionné par l'argent public. Les citoyens qui ne voyagent pas en train financent les billets de train de ceux qui voyagent, ce qui n'est pas le cas pour l'avion. Ensuite, faut-il taxer le carburant ou non ? Il est nécessaire d'avoir un système de taxation global pour assurer une concurrence équitable entre les acteurs, sinon cela deviendra le chaos.

"L'industrie aéronautique est encore au stade préliminaire de son développement."

Est-ce que la question environnementale rend plus difficile le recrutement chez Airbus ?

Si l'on observe les sondages en France, on constate que depuis 14 ans, Airbus est l'entreprise la plus recherchée par les étudiants en école d'ingénieurs, loin devant les autres. L'industrie aéronautique continue d'exercer une forte attraction. Airbus continue d'exercer une forte attraction.

Est-ce que certaines personnes ne viennent pas à cause de la mauvaise réputation de l'avion ?

Il est possible, mais cela reste un phénomène rare. Ceux qui sont fermement opposés à l'avion expriment leur opinion de manière très intense et bruyante. Les médias et les réseaux sociaux amplifient grandement leur voix. Cependant, la majorité des gens aujourd'hui déclare : "Nous voulons continuer à voyager en avion, mais de manière écologique."

Est-ce que vous vous attendez à recevoir de grandes commandes lors du salon de Dubaï qui se déroule du 13 au 17 novembre?

Avant même le salon de Dubaï, nous avons déjà enregistré plus de 1 200 commandes depuis le début de l'année. Malgré le fait que nos carnets de commandes sont déjà bien remplis et que les dates de livraison sont très éloignées, les compagnies continuent d'investir. Je suis convaincu que l'aviation n'en est qu'à ses débuts.

Dans ce tableau, nous pouvons observer trois avions : l'Airbus A320, un autre avion de la compagnie Airbus et un avion de la compagnie Boeing.

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