"Les relations internes et avec les actionnaires étaient devenues compliquées" : les raisons de la démission de Sabrina Soussan, PDG de Suez
Sabrina Soussan a dirigé le groupe de services environnementaux pendant seulement trois ans. Elle n'a pas réussi à s'entendre avec ses équipes ni avec ses trois actionnaires influents. De plus, elle n'a pas pu faire face à la pression de Veolia.
Elle n'a pas eu le temps de s'acclimater. En moins d'un an après son arrivée à la tête de Suez en février 2022, les rumeurs de départ de Sabrina Soussan se propageaient déjà à Paris. Le 9 décembre, son départ a été officiellement annoncé. Agée de 55 ans, la PDG a choisi de quitter le groupe le 31 janvier 2025 pour se consacrer à de nouveaux projets professionnels, selon le communiqué de l'entreprise spécialisée dans l'eau et les déchets. Avec un Veolia quatre fois plus important et des actionnaires impatients – Meridiam, Global Infrastructure Partners et la Caisse des dépôts – la tâche était ardue, presque impossible.
Sabrina Soussan, ancienne PDG de Dormakaba et de Siemens Mobility, rejoint une entreprise qui a subi des traumatismes récents. En août 2020, Veolia a lancé une offre publique d'achat sur son rival historique, récupérant ainsi ses activités les plus prestigieuses, principalement à l'étranger.
Le changement radical dans l'entreprise
Après la perte de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires suite à la scission de l'ancienne Lyonnaise des eaux, Suez se retrouve avec ses activités principalement concentrées en France. Les actionnaires envisagent d'abord de nommer Maximilien Pellegrini et Ana Giros, directeurs généraux délégués, à la tête de la nouvelle entité. Cependant, en raison de leur désaccord, ils décident finalement de chercher des dirigeants à l'extérieur de l'entreprise.
Après avoir obtenu son diplôme de l’Ecole nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique de Poitiers, Sabrina Soussan se retrouve critiquée par le secteur de l’eau et des déchets pour son manque d'expérience. On lui reproche de ne pas connaître les métiers, de ne pas avoir de contacts avec les collectivités et le monde politique français, et de passer trop de temps en Suisse où sa fille étudie. De plus, son salaire élevé – estimé à 3 millions d’euros par an – est critiqué comme étant supérieur à celui de la directrice générale de Veolia Estelle Brachlianoff, diplômée de Polytechnique.
Face aux critiques, Sabrina Soussan fait de son mieux pour rester positive. En septembre 2023, elle dévoile son plan stratégique et met l'accent sur l'innovation, avec une augmentation de 50 % du budget d'ici 2027. Elle affirme que les clients attendent de l'entreprise de la sobriété, une économie circulaire, une indépendance énergétique, la production d'énergie verte et locale, et une adaptation au changement climatique.
Une situation délicate
La dirigeante effectue trois importantes acquisitions dans le secteur des déchets en France, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. Elle finalise des contrats de plus d'1 milliard d'euros avec la ville de Manchester et récemment avec Toulouse. Dans le domaine de la gestion de l'eau, Suez conclut des accords en Chine et à Taïwan. En France, le groupe remporte les contrats pour les villes d'Auxerre et de Cannes.
Cependant, le groupe n'a pas réussi à obtenir le contrat de 4,3 milliards d'euros du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), qui était détenu depuis cent ans par Veolia. Malgré tous les efforts déployés par Suez dans cette compétition, la procédure de sélection a été entachée par un problème informatique mi-2023. La société a alors déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris, puis un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, mais en vain.
Installée à proximité de Dole dans le Jura, la station d'épuration gérée par Suez n'a pas obtenu le contrat du Syndicat des eaux d'Ile-de-France, d'une valeur de 4,3 milliards, malgré sa capacité à conclure des accords jusqu'en Chine. Photo : Jean Pierre Amet/MaxPPP
Est-ce que l'échec du Sedif a causé la perte de Sabrina Soussan ? Selon un proche, ce n'est pas le cas. Un expert du secteur pense que son départ est dû à un manque de stratégie : "Actuellement, le secteur de l'eau génère moins de revenus et celui des déchets est influencé par la conjoncture. Il aurait été judicieux de se tourner vers d'autres secteurs comme les services liés à l'énergie." Cependant, cette spécialisation est actuellement dominée par le géant Veolia.
Suez, actif dans environ 40 pays, a misé sur la croissance externe pour augmenter son chiffre d'affaires. En seulement deux ans, sa part à l'international a considérablement augmenté, passant de 15 % à 40 %. L'excédent brut d'exploitation a également augmenté pour atteindre 1,4 milliard d'euros. Cependant, la situation financière du groupe reste précaire. Malgré trois acquisitions dans le secteur des déchets, le résultat net est négatif, s'élevant à 117,3 millions d'euros. La dette du groupe a également augmenté, passant de 4,6 milliards d'euros en 2022 à 5,5 milliards d'euros.
Depuis plusieurs mois, Suez semble être en difficulté et en perte de repères. Sabrina Soussan s'est retrouvée seule, sans le soutien de Maximilien Pellegrini, Ana Giros et Thomas Devedjian. La relation entre la PDG et les équipes n'a pas fonctionné. Des tensions sont apparues en interne et avec les actionnaires. En août dernier, la PDG a dû se séparer de Frederick Jeske-Schoenhoven, directeur de la stratégie et des affaires publiques, mais cela n'a pas suffi à redresser la situation.
Selon les informations de La Lettre, Sabrina Soussan pourrait être remplacée, ce qui pourrait entraîner un changement d'actionnaire. Meridiam reprendrait alors les 19 % détenus par la Caisse des dépôts et deviendrait ainsi le principal actionnaire du groupe avec 58 % des parts.
Le fonds d'infrastructures a démenti une information concernant la présidence de l'entreprise à partir du 1er janvier 2025. Il est confirmé que le PDG de Meridiam, Thierry Déau, assumera temporairement ce rôle. Les actionnaires sont à la recherche d'un nouveau dirigeant qui pourrait prendre les commandes de l'entreprise au début du premier trimestre 2025.
Thierry Déau, le créateur et dirigeant de Meridiam, deviendra le PDG de Suez à partir de janvier, mais seulement de manière temporaire.
Parmi les candidats les plus susceptibles de prendre la tête de Suez, on retrouve Marie-Ange Debon, qui est à la tête de Keolis, Thierry Mallet, qui dirige Transdev, et Xavier Girre, le directeur financier d’EDF. Les deux premiers ont travaillé chez Suez par le passé, tandis que le troisième en est un administrateur. Ils ont tous une bonne connaissance des secteurs de l’eau et des déchets. Cependant, cela pourrait ne pas suffire pour rivaliser avec un Veolia très puissant.
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