Est-il possible qu'une nouvelle affaire similaire à celle de Kerviel se produise dix-sept ans plus tard ?
Suite au scandale impliquant Jérôme Kerviel, qui a secoué les banques d'investissement à la fin des années 2000, une série documentaire détaille le fonctionnement risqué qui a failli causer la faillite de la Société Générale. Depuis lors, les établissements financiers ont mis en place des règles strictes pour éviter de telles situations.
Jérôme Kerviel porte toujours un regard tourmenté lorsqu'il se souvient du jour où il a réalisé son premier coup financier. En tant que trader à la Société générale, il avait pris des risques en pariant secrètement sur la baisse des marchés, accumulant des pertes qui le tourmentaient. Le 7 juillet 2005, les attaques terroristes à Londres ont provoqué l'effondrement des marchés, permettant à Kerviel d'encaisser plusieurs millions. Malgré l'ambiance festive sur le "floor", le trader a ressenti un vertige en se demandant s'il pouvait s'en sortir aussi facilement grâce à un coup de chance. Il a été choqué de voir ses collègues célébrer un attentat. Son chef lui a rappelé de ne pas laisser ses émotions interférer avec son travail et de se concentrer sur sa tâche dans la salle des marchés.
La mentalité axée sur l'argent à tout prix et la prise de risque excessive pour augmenter les profits a profondément marqué le secteur financier, jusqu'à ce que le PDG de la banque française dénonce en janvier 2008 une fraude massive ayant entraîné une perte de 4,9 milliards d'euros pour la Société générale. Dix-sept ans plus tard, un documentaire réalisé par Fred Garson soulève les questions suivantes : les banques prennent-elles toujours autant de risques ? Ont-elles adapté leurs pratiques pour éviter un nouveau scandale comme l'affaire Kerviel ?
Une série documentaire a été réalisée sur l'affaire Kerviel pour explorer le scandale financier qui a eu lieu à l'époque et les risques potentiels qui persistent encore aujourd'hui. Cette série met en lumière les événements de l'époque et souligne l'importance de rester vigilant face aux risques financiers actuels.
"L'affaire Kerviel n'est pas seulement une affaire de fraude, souligne un ancien responsable des marchés de la Générale. C'est un mélange dangereux de plusieurs facteurs." Tout d'abord, il y a le trader malhonnête qui prend secrètement des risques pour la banque jusqu'à 50 milliards d'euros. Ensuite, le PDG de la banque, Daniel Bouton, informe le gouverneur de la Banque de France, qui lui donne trois jours pour se débarrasser de ces positions. "Malheureusement, un krach financier se produit en Asie au même moment", explique l'ancien trader. Daniel Bouton est contraint de liquider ses positions malgré tout. Cette combinaison d'événements a entraîné des pertes dix fois plus importantes pour la Générale. Les chances que cela se reproduise sont minces.
Les pratiques des traders ont été régulées suite à la crise financière de 2008, avec l'Union européenne renforçant les contrôles sur les établissements financiers. La BCE a désormais le pouvoir d'inspecter et de sanctionner ces établissements en collaboration avec un régulateur européen. L'ACPR, régulateur français, met en place des mesures de contrôle des risques dans les banques et effectue régulièrement des vérifications pour s'assurer de leur conformité.
Face à la pression, les institutions financières ont mis en place des départements spécialisés dans la détection des transactions suspectes. Selon Julien Maldonato, expert en finance chez Deloitte, ces institutions dépensent chaque année plusieurs dizaines de millions d'euros pour maintenir et mettre à jour leurs systèmes de contrôle informatiques.
Pour limiter l'autonomie des traders, la Société générale a mis en place des changements dans le processus de prise de décision afin de favoriser le travail en équipe. Les traders sont désormais obligés de prendre des jours de congé consécutifs pour confier leur portefeuille à leurs collègues, afin d'éviter les situations comme celle de Kerviel qui n'avait pas pris de congé pendant un an pour cacher ses opérations. Ils travaillent désormais en binôme minimum par dossier et client pour éviter les comportements individuels risqués. Des réunions sont organisées en début et fin de journée où les traders rendent des comptes à leurs superviseurs, et ces échanges sont consignés dans des mémos partagés. Les transactions suspectes sont détectées rapidement par les systèmes et signalées aux équipes de contrôle. L'organisation des bureaux a également été revue pour mélanger les vendeurs et les équipes de contrôle des risques sur de grands plateaux.
Dans les institutions financières, il y a des règles strictes qui sont suivies de près, selon un ancien trader de BNP Paribas. Les traders font l'objet d'une surveillance étroite et l'utilisation des téléphones portables est interdite en salle de marché, même pour communiquer avec les clients. Les conversations téléphoniques professionnelles sont enregistrées. Il est fréquent que l'utilisation de WhatsApp soit interdite et chaque document imprimé est traçable par les services de contrôle et de conformité. De plus, le télétravail n'est pas autorisé pour ces professionnels qui gèrent des millions de transactions chaque jour.
Les nouvelles technologies permettent une détection précoce des prises de risque en surveillant l'ensemble de la chaîne de valeur. Les systèmes informatiques utilisés pour le traitement des ordres sont désormais plus performants et rapides. Par exemple, il était possible d'oublier de déclarer une opération de 100 millions d'euros dans les années 2000, mais aujourd'hui, cela serait détecté et actualisé dans la journée grâce à des logiciels de traitement des ordres améliorés par l'intelligence artificielle.
Il fut un temps où les codes d'accès étaient écrits sur des post-it collés à côté de l'écran et où les transactions étaient enregistrées manuellement dans des fichiers Excel mal gérés, mais cela semble être du passé. Un signe de haute technologie, adopté par certaines banques : des logiciels peuvent maintenant déterminer, en analysant la fréquence des touches tapées sur un clavier, si l'utilisateur de l'ordinateur est bien le propriétaire de la session.
Aujourd'hui, en 2020, les actions frauduleuses de Jérôme Kerviel semblent très peu professionnelles. Selon un financier, il a mis en place une entité fictive nommée « Jean-Pierre Mustier Financial Partners », en référence au directeur de la banque de financement de la Générale. Cela montre à quel point les contrôles étaient laxistes.
Des sanctions plus sévères
Il est impossible d'éliminer complètement les risques. Les récents problèmes ont été constatés dans les imposants gratte-ciel de la City. Selon Nicolas Darbo, associé chez Accuracy, les banques y sont soumises à des règles moins strictes depuis le Brexit, et les volumes de transactions à Londres sont bien plus importants qu'à Paris ou Francfort. Un récent incident impliquant Travis Klein, trader sur les métaux et produits en vrac de la banque d'investissement australienne Macquarie à Londres, a mis en lumière une dissimulation de pertes de 72 millions d'euros à travers plus de 400 transactions fictives entre 2020 et 2022. Cette affaire a coûté près de 55 millions d'euros à l'établissement et a entraîné une amende de 15 millions d'euros de la part du régulateur anglais, la FCA. Ce dernier est sous pression pour se réformer, suite à un rapport récent de parlementaires britanniques le qualifiant d'« incompétent » et appelant à une refonte majeure du système.
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