La nomination du successeur de Philippe Brassac, directeur général du Crédit Agricole SA, sera décidée lors de la réunion du conseil d'administration de la banque verte le mardi 17 décembre. Le nouveau patron devra faire face à des défis majeurs liés à la gouvernance, au développement en Italie et à la diversification.
Six personnes en lice, trois finalistes, un gagnant. Ce mardi 17 décembre, le conseil d'administration du Crédit Agricole SA choisira le remplaçant de Philippe Brassac, qui était directeur général depuis 2015. Le processus de recrutement semble être traditionnel, avec l'aide du cabinet de chasse de tête de Brigitte Lemercier qui a été engagé officiellement l'été dernier. Cependant, dès le départ, la banque verte a seulement considéré des candidats internes – principalement masculins – pour diriger la holding cotée du groupe mutualiste, valorisée à 39,9 milliards d'euros.
Parmi les trois finalistes pour le poste de directeur général adjoint en charge des activités « banque universelle » du groupe, Olivier Gavalda, âgé de 61 ans, est considéré comme le favori. Même s'il ne pourrait effectuer que quatre des cinq années d'un mandat complet en raison de son passé en tant que patron de la caisse Ile-de-France, il semble avoir le soutien de l'interne. En effet, selon une source anonyme, sa proximité avec Philippe Brassac, directeur général de CASA depuis 2015, est un atout pour lui. Les changements de dirigeants tous les cinq ans ont été une pratique courante dans le groupe, mais Gavalda incarne la continuité et la stabilité.
En face de lui se trouvent Gérald Grégoire, qui est directeur général adjoint responsable du service client et du développement, et Stéphane Priami, âgé de 59 ans, qui est DGA en charge des produits spécialisés et DG des secteurs Finance Personnelle et Mobilité. Ces deux personnes ont émergé grâce à un programme de formation interne à la banque qui repère les talents dès le début et les fait évoluer au sein de différentes entités du groupe afin de former ses cadres et ses dirigeants. Chacun a occupé un poste de direction dans une caisse régionale et au sein de CASA, et tous deux sont maintenant DGA.
Enjeux en Italie
Quels sont les défis qui attendent le futur dirigeant du Crédit agricole une fois qu'ils auront été révélés ? Le premier dossier délicat sur la table est l'affaire italienne Banco BPM, dont CASA est le principal actionnaire. Unicredit, la deuxième plus grande banque d'Italie dirigée par Andrea Orcel, un amateur de grosses affaires, a montré un intérêt pour cette banque italienne. En réponse, CASA a augmenté sa participation au capital, passant de 10 à 15 % ces derniers jours. Selon un analyste bien informé, ils adoptent une attitude agressive pour protéger leurs intérêts, étroitement liés à Unicredit et Banco BPM grâce à des partenariats et des participations. En renforçant leur position dans Banco BPM, ils se donnent plus de poids dans les négociations.
Quelle serait la meilleure stratégie pour le nouveau chef de la banque verte ? Il pourrait choisir de renforcer et étendre les partenariats existants, notamment entre Unicredit et Amundi d'une part, et entre CASA et Banco BPM via une filiale de crédit à la consommation, Agos Ducato. Il pourrait également envisager d'acquérir un réseau d'agences supplémentaire, que Unicredit sera contraint de vendre pour se conformer à la réglementation, suggère Jérôme Legras, associé-gérant et directeur de la recherche chez Axiom Alternative Investments.
Une priorité importante pour le nouveau dirigeant de CASA sera de moderniser le réseau de banques de détail du groupe, ce qui est également un sujet politiquement sensible. Selon Nicolas Taufflieb, expert en services financiers chez Kearney, les caisses régionales du Crédit agricole sont nettement plus petites que celles de BPCE, à l'exception des caisses d'Ile de France. En 2024, le bilan moyen d'une banque régionale BPCE (hors caisses d'Ile de France) est de 30,7 milliards d'euros, contre 21,5 milliards pour les caisses du Crédit agricole. De plus, dix d'entre elles sont plus petites que la plus petite des caisses de BPCE, ce qui pose des problèmes de productivité et de coûts.
La responsabilité de cette tâche ne relève pas entièrement du nouveau directeur. En 2001, CASA a été créée dans le but de développer le Crédit Agricole à l'échelle internationale et de diversifier ses offres vers l'assurance, la gestion d'actifs et la banque d'investissement. Nicolas Taufflieb reconnaît que la structure cotée est contrôlée à 55 % par les caisses régionales, qui sont les principaux acteurs régionaux et non CASA. Modifier les caisses régionales implique de toucher aux emplois et aux territoires de chaque directeur. C'est une mission délicate, mais la situation ne peut être ignorée, selon le consultant. Surtout lorsque la contribution des caisses au résultat du groupe a chuté de 36,9 % au troisième trimestre pour atteindre 371 millions d'euros, et que leur coût du risque est en augmentation.
L'objectif du nouveau directeur général sera de tirer pleinement parti des atouts de la banque, qui repose sur son modèle de banque universelle, présente dans différents domaines tels que la bancassurance, la banque privée, la banque de financement et la gestion d'actifs, afin de renforcer sa position en tant que deuxième plus grande banque française. Selon Jérôme Legras, d'Axiom, les opportunités sont nombreuses, notamment en renforçant sa présence en Italie et en Pologne, en développant des partenariats dans les domaines de l'assurance et du crédit à la consommation, en soutenant Amundi dans sa volonté de devenir un acteur majeur à l'échelle mondiale dans la gestion d'actifs, ainsi qu'en consolidant sa place dans le secteur du leasing automobile. Il convient également de mentionner la filiale LCL, qui a su redresser sa situation depuis les difficultés rencontrées dans les années 1990, avec une croissance des revenus de 3 % cette année, un exploit remarquable dans un secteur où les revenus sont souvent stables voire en baisse.
Le nouveau dirigeant devra également réfléchir à comment aborder les récentes innovations et diversifications du groupe : son expansion dans le secteur de la santé, avec l'acquisition d'établissements pour personnes âgées dépendantes, et dans les énergies renouvelables, avec ses investissements dans les installations de panneaux solaires.
Un autre expert souligne que le nouveau dirigeant a eu de la chance de trouver une maison bien organisée. Lorsqu'il est arrivé en 2015, Philippe Brassac a hérité d'une organisation déchirée par des conflits internes entre la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA) et CASA, sa récente entité cotée en bourse.
Projet "ROC"
La banque CASA, dirigée par un gestionnaire imprudent, avait pris des risques en investissant de manière incohérente en Grèce et au Portugal, et en acquérant à un prix exorbitant ses premières agences en Italie. Cette décision lui avait coûté 15 milliards d'euros en pleine crise de la zone euro. Les caisses régionales, inquiètes et en colère, avaient dû intervenir pour sauver la situation. Malgré une ambiance tendue, Philippe Brassac a réussi à rétablir la confiance entre CASA et les caisses régionales, selon Nicolas Taufflieb de Kearney. Son plus grand succès a été l'amélioration de la gouvernance grâce au projet "ROC" (réorganisation de l'organe central), qui a permis aux caisses régionales de reprendre le contrôle sur CASA. Il appartenait maintenant à son successeur de maintenir l'harmonie entre les deux entités.
Le futur dirigeant prendra officiellement les commandes en mai 2025, lors de la réunion annuelle du groupe. D'ici là, Philippe Brassac a déclaré qu'il pourra aider le nouveau DG à prendre ses fonctions en toute tranquillité. Le salaire du nouveau DG sera similaire à celui de son prédécesseur : 2,45 millions d'euros en 2022 et 2,6 millions en 2023. Cela se situe dans la fourchette basse des rémunérations des grands banquiers européens.
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