Défis Société
Absence de règlementation, risques pour la santé… Derrière l'image attrayante de l'industrie prospère de la manucure
Dans un secteur en pleine croissance, il y a plus de 15 000 professionnels de la pose d'ongles enregistrés en France. Cependant, de nombreux professionnels choisissent de travailler en tant qu'indépendants sans suivi ou formation adéquats, que ce soit en termes de formations ou de produits utilisés.
Le 10 avril 2024, Tiphaine Le Merlus réalise des poses d'ongles artificiels à Tourcoing. Les travailleuses indépendantes exercent leur activité chez elles ou dans un local, ce qui réduit leurs charges fixes. Elles offrent des prix compétitifs et parfois ne déclarent pas tous leurs revenus.
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Tiphaine Le Merlus demande à Léa si elle aime le son qui ressemble à une sirène. Après deux heures de travail, Léa est très satisfaite du résultat : ses ongles sont limés en forme d'amande et décorés de liserés dorés, de fines paillettes et même de perles. La cliente est heureuse d'avoir choisi cette professionnelle des ongles pour s'occuper de ses mains. Elle exerce son métier dans une petite maison au rez-de-chaussée, en plein centre de Tourcoing (Nord).
Découvrez comment les prothésistes ongulaires perturbent l'industrie de la beauté en utilisant les réseaux sociaux et en se lançant en tant qu'auto-entrepreneurs.
Le métier de prothésiste ongulaire est en plein essor grâce à la popularité croissante des ongles artificiels personnalisés, qui transforment la pratique traditionnelle de la manucure. Selon la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie (Cnep), ce marché en plein essor génère environ 560 millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année.
Il est indéniable que le nail art est devenu populaire sur les réseaux sociaux, après avoir émergé dans les années 1980 aux États-Unis. Au lieu de simplement appliquer un vernis uni, les ongles sont maintenant décorés avec des extensions XXL, une multitude de couleurs ou de dégradés, et peuvent être ornés de strass de toutes sortes.
Les ongles sont devenus un élément de style populaire grâce aux produits semi-permanents fixés aux UV ou aux extensions en gel et résine. Certaines professionnelles deviennent même célèbres sur les réseaux sociaux, comme Alice Alacoque et son compte Instagram @onglesdepute, qui est très demandée malgré des tarifs élevés de plus de 100 euros par séance.
L'émergence de l'autoentreprise
Il est indéniable que ce secteur attire beaucoup de monde : plus de 15 000 prothésistes ongulaires exercent en France. Au cours des deux dernières années, environ 6 000 emplois ont été créés dans ce domaine, d'après la Cnep. La plupart de ces emplois sont occupés par des jeunes femmes qui, après avoir été au chômage, ont réussi une reconversion professionnelle.
Cependant, malgré ces chiffres positifs, il existe un manque important de réglementation. En effet, certaines esthéticiennes travaillent dans des instituts de beauté traditionnels ou au sein de réseaux spécialisés comme L'Onglerie, qui détient 6 % du marché français après avoir acquis le réseau By V en février. D'autres choisissent de se lancer en tant qu'auto-entrepreneurs.
Selon Angélique Gascoin, PDG de L'Onglerie, la popularité de cette tendance, qui existe depuis environ dix ans, a encore augmenté depuis l'épidémie de Covid. Les auto-entrepreneuses, qu'elles travaillent à domicile ou dans un local, bénéficient de peu de coûts fixes, offrent des prix compétitifs et parfois ne déclarent pas tous leurs revenus.
Il y a une absence de réglementation claire concernant les formations pour les praticiennes en pose d'ongles artificiels, car cette pratique n'est pas considérée comme un acte de soin esthétique nécessitant une qualification professionnelle. Le seul diplôme spécialisé dans le stylisme ongulaire est celui créé par L'Onglerie et reconnu au niveau national.
La plupart des nouvelles recrues dans le domaine de la beauté et de l'esthétique suivent des formations dispensées par des instituts, des marques ou des prothésistes, même sans obtenir de diplôme. Ces formations durent généralement de quatre à cinq jours et peuvent coûter entre 700 et 2 000 euros. Il est possible de financer ces formations avec le compte personnel de formation (CPF), à condition qu'elles soient labellisées Qualiopi. Cependant, il est important d'être vigilant car le secteur regorge d'offres plus ou moins sérieuses, parfois disponibles en ligne.
Il est important de faire attention à la qualité des produits utilisés pour la santé. Les gels, vernis acryliques et résines utilisés sur les ongles peuvent contenir des substances nocives. En 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a alerté sur le fait que sur 700 substances présentes dans ces produits, 60 sont considérées comme dangereuses car elles sont cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. Les risques incluent des allergies pour les clients et des problèmes de santé comme des maux de tête et des troubles respiratoires pour les professionnels qui les manipulent.
Le professeur Bertrand Richert, spécialiste des maladies des ongles et président du groupe Ongle de la Société Française de Dermatologie, exprime sa compassion pour les femmes qui passent leur journée à faire des manucures et inhalent des substances dangereuses, même en portant un masque. Il met en garde contre les dangers liés à l'utilisation de produits dont la composition n'est pas clairement indiquée, en mentionnant le cas de deux patientes ayant développé un cancer à cause de vernis achetés sur des sites chinois. Il souligne que ces produits bon marché ne respectent pas les normes européennes et peuvent être nocifs pour la santé. En 2021, la législation a interdit l'utilisation de monomères, des molécules susceptibles de provoquer des allergies.
Angélique Gascoin, propriétaire de L’Onglerie, a remarqué sur les réseaux sociaux un manque de connaissance dans le domaine de l'onglerie. Elle a constaté que des débutantes font la promotion de produits achetés sur des plateformes comme Amazon ou AliExpress, souvent en échange de réductions sur leurs achats. Gascoin souligne l'importance des fiches de sécurité obligatoires à transmettre aux autorités compétentes, telles que l'inspection du travail ou la médecine du travail. Elle mentionne également que de nombreuses personnes semblent sous-estimer la profession de prothésiste ongulaire, pensant que c'est un métier facile. Cependant, selon Gascoin, il s'agit d'un métier qui requiert des compétences spécifiques. Elle constate qu'actuellement, il y a deux personnes qui se lancent dans ce domaine pour trois qui ferment leur entreprise. Il est donc important de rappeler que ce métier est plus complexe qu'il n'y paraît.
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