Difficultés Société Secteur de la grande consommation
Dans la ville de Saint-Étienne, les habitants sont inquiets suite au rachat de leur principal employeur, le casino. Cette acquisition suscite des craintes quant aux conséquences possibles.
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Un reportage met en avant les inquiétudes de la ville de Saint-Etienne, qui est déjà confrontée à la pauvreté et aux scandales politiques. La principale source d'emploi privée de la ville, Casino, envisage de vendre ses grandes surfaces à Intermarché et Auchan. Face à cette situation, les employés et les habitants de Saint-Etienne se mobilisent.
Lors d'une manifestation à Saint-Étienne le 17 décembre 2023, les manifestants ont tenu des pancartes avec une image du PDG du groupe Casino, Jean-Charles Naouri, accompagnée du message "N'as-tu pas honte ?". Cette manifestation visait à exprimer leur préoccupation face à la dégradation de la situation commerciale du distributeur français.
Il est presque 10 heures ce dimanche 17 décembre devant le siège du groupe Casino à Saint-Étienne (Loire) et de plus en plus de manifestants se rassemblent pour soutenir les employés du groupe. Le bâtiment impressionnant en verre se trouve à quelques mètres de la gare et arbore toujours fièrement l'inscription "Forts & Verts" en référence à la couleur emblématique de la ville. Le slogan, qui est un jeu de mots avec l'anglais "Forever" (pour toujours en français), semble être dépassé. En ce mois de décembre 2023, l'avenir du groupe centenaire, qui est en procédure de sauvegarde, est très incertain.
Le groupe Casino, confronté à une énorme dette de 6,4 milliards d'euros, est sur le point d'être racheté par un consortium dirigé par l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky et le milliardaire français Marc Ladreit de Lacharrière. Cependant, avant cela, l'actionnaire majoritaire actuel, Jean-Charles Naouri, est en pourparlers exclusifs pour vendre la plupart de ses 320 supermarchés et hypermarchés à une alliance formée par Auchan et Intermarché, pour un montant de 1,35 milliard d'euros. Le PDG cherche à se débarrasser des principales sources de pertes de Casino.
Il y a une situation critique : le groupe va devoir utiliser 2 milliards d'euros de liquidités cette année, en raison de ses grandes surfaces qui ont maintenu des prix trop élevés pendant longtemps, malgré l'inflation alimentaire – jusqu'à 30 % plus cher que le leader Leclerc. Cette transaction réduira de moitié la valeur de la société mère de Monoprix et Franprix, qui représentera environ 3 % du marché. Cela aura de graves répercussions sociales.
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Tout d'abord, les employés qui ont été transférés d'une enseigne à une autre verront leurs conditions de travail changer. Par exemple, certains magasins Casino de ma ville ont été vendus au groupe Intermarché plus tôt cette année, selon le témoignage de Hassina Hamida, une employée de 52 ans travaillant dans un magasin de Grenoble. La moitié des salariés ont démissionné car les horaires et la rémunération étaient complètement différents. De plus, les employés travaillant dans la logistique ne savent pas s'ils seront encore utiles au sein d'un groupe qui se réduit.
Quel sera le devenir du siège historique de Casino ?
En particulier, le siège, qui compte près de 2 000 employés à Saint-Étienne, ne pourra pas maintenir sa taille actuelle après les ventes. Une cadre qui y travaille affirme qu'il n'aura plus de raison d'exister. Denis Olivennes, représentant de Daniel Kretinsky en France, s'est déjà engagé devant les syndicats à proposer un éventuel soutien social, laissant entrevoir la possibilité d'un Plan de sauvegarde de l'emploi.
Cependant, Casino, qui est le plus grand employeur privé de la région de la Loire avec 4 000 à 5 000 emplois, joue un rôle crucial pour Saint-Étienne. Lionel Boucher, un élu de l'opposition à la mairie, souligne l'importance de Casino en tant que lien indissociable avec la ville. Ali Eloued, délégué syndical CGT et employé d'un magasin local, ajoute que de nombreux hôtels, entreprises de nettoyage et fournisseurs locaux dépendent également de Casino. Un restaurateur des environs du siège de l'entreprise estime même que son chiffre d'affaires pourrait baisser de 30% si le siège venait à fermer, ce qui aurait un impact considérable sur le quartier des affaires en plein essor. Lionel Boucher ajoute que les liaisons directes en TGV entre Saint-Étienne et Paris sont déjà rares et que la SNCF pourrait remettre en question cette liaison si le siège de Casino était fermé. Cette situation survient également après l'abandon du projet d'autoroute A45 par Élisabeth Borne, qui aurait amélioré la connectivité entre Saint-Étienne et Lyon.
Le nouveau casino est un autre coup dur pour Saint-Etienne, comme le répètent les habitants de la ville lors de la manifestation. Celle-ci a déjà connu de nombreuses difficultés au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les mines de charbon ont décliné dans les années 1960, et l'entreprise Manufrance, emblématique de la ville avec ses 1 800 employés, a fermé ses portes en 1985.
Cette année, le campus de l'école de commerce EM Lyon (qui compte environ mille étudiants) a finalement été fermé, ainsi que le Mécacentre (qui compte cent soixante-dix-huit employés), un équipementier automobile.
A Casino, la crainte de la destruction sociale se répand, avec la possibilité de jusqu'à 2 000 suppressions d'emplois.
Selon Vincent Béal, un chercheur à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, le centre-ville de la ville rencontre d'importantes difficultés. Depuis les années 1980, il a perdu une grande partie de sa classe moyenne. Les personnes diplômées s'en vont, les familles déménagent vers les banlieues plus riches. Ce qui reste dans le centre-ville, ce sont principalement des personnes âgées et pauvres. En comparaison avec Grenoble, la métropole de Saint-Étienne, qui compte près de 400 000 habitants en région Auvergne-Rhône-Alpes, a un taux de pauvreté presque six points plus élevé, soit près de 20%, selon les données de l'Insee de 2020.
Suite à l'annonce des problèmes rencontrés par le groupe Casino au cours de l'année 2023, les employés se sont rassemblés à Saint-Étienne, lieu de naissance de l'entreprise. La photo a été prise le 22 juin 2023. Crédit: AFP / JEFF PACHOUD
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Le départ des dirigeants de Casino de son siège social pourrait contribuer à l'aggravation de la pauvreté et à la hausse du chômage, qui est déjà plus élevé que dans d'autres régions. Irène Breuil, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Saint-Etienne, exprime son inquiétude quant à la diminution de 21% des offres d'emploi entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023, tandis que les demandes d'emploi ont augmenté de 2,7%.
Un défi économique et culturel
La dirigeante de l'entreprise Kodev, spécialisée dans le linge de bain, garde un état d'esprit positif : "Il y a de nombreuses opportunités sur le territoire, notamment l'un des sites industriels de Safran". En novembre, la filiale de Cybergun, Verney-Carron, fabricant d'armes basé à Saint-Etienne, a remporté un contrat de 38 millions d'euros pour fournir des armes de petit calibre à l'Ukraine. Elizabeth Ducottet, à la tête de Thuasne, une entreprise familiale spécialisée dans les protections médicales, reste fidèle à sa ville : "Il est crucial de continuer à investir : nous avons une excellente université, une faculté de médecine et l'école des Mines". Proche de Lyon mais beaucoup moins chère, cette quatorzième ville de France demeure un territoire industriel avec des atouts majeurs.
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Cependant, l'enjeu pour Casino ne se limite pas à des questions économiques, mais est également d'ordre identitaire. De nombreux protestants portent l'écharpe verte de l'Association sportive de Saint-Étienne (ASSE), le club de football local qui est également confronté à de graves difficultés (voir encadré). Casino et le football sont étroitement liés et constituent le fondement de l'identité de Saint-Étienne. C'est grâce à Casino que l'ASSE a été créée et le fondateur de l'enseigne, Geoffroy Guichard, a donné son nom au stade. De nombreux manifestants, de tous âges, arborent le t-shirt distribué lors de la grande célébration des 125 ans de Casino, qui s'est tenue au stade en mai dernier.
Un groupe de travailleurs en grève de l'entreprise Casino participe à une protestation. Les protestants célèbrent les 125 ans du groupe ainsi que son fondateur Geoffroy Guichard. Crédit: AFP / OLIVIER CHASSIGNOLE
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« J'apprécie beaucoup Casino, qui m'a offert toutes les opportunités », témoigne un ancien employé de l'enseigne qui y a travaillé pendant 43 ans. Ce qui se passe actuellement me désole profondément. À Saint-Étienne, tout le monde connaît quelqu'un qui travaille chez Casino ; tout le monde a une épicerie du groupe à proximité de chez soi. « Ce qui renforce le lien entre Casino et Saint-Étienne, c'est la vision familiale de l'entreprise qu'avait Geoffroy Guichard », explique Olivier Londeix, historien et spécialiste de l'histoire du groupe. Il privilégiait l'embauche de personnes ayant déjà un membre de leur famille travaillant chez Casino. Les employés organisaient des spectacles avec leurs collègues. Il y avait une idée idéale derrière tout cela. L'esprit de famille persiste encore aujourd'hui. De nombreux panneaux lors des manifestations rendent hommage à la figure paternelle de Geoffroy Guichard, « le fondateur », tandis que Jean-Charles Naouri, « le fossoyeur », le repreneur du groupe en 1997, est critiqué.
La famille Guichard continue à se battre
Pour représenter la famille de Saint-Étienne, Xavier Kemlin, le petit-fils de Geoffroy Guichard, est venu avec son cousin Laurent Guichard. Celui qui lutte contre Jean-Charles Naouri depuis 1997 tient une pancarte : « Mon arrière-grand-père serait consterné ». Il a intenté une action collective contre le PDG actuel du groupe pour manipulation financière. Il explique : « L'objectif est de protéger ma famille. Plus de vingt membres se sont manifestés pour rejoindre notre cause ». Le descendant des Guichard a choisi Sophie Vermeille, une avocate qui est une ennemie déclarée de la direction de Casino et qui avait défendu Muddy Waters, le premier fonds spéculatif à avoir souligné le risque de surendettement de Casino.
Les syndicats, pour leur part, s'appuient plutôt sur les politiciens pour les soutenir. Ils ont eu une réunion avec le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et ils échangent régulièrement avec le député Quentin Bataillon de la Loire. Le député du parti Renaissance, qui envoie des messages textes à Bercy et Emmanuel Macron à ce sujet, exprime sa crainte d'une impression de déclassement qui pourrait conduire tous les chefs d'entreprise à croire que Saint-Étienne est condamné.
Dans la ville de Saint-Étienne, il n'y a plus de leader à la mairie. Quentin Bataillon doit prendre en charge certaines responsabilités qui incombent normalement au maire Gaël Perdriau. Ce dernier est accusé d'être impliqué dans un scandale de chantage à la sextape avec son ancien adjoint. Depuis plus d'un an, il est inaudible et ne prend plus la parole. Le 17 décembre, le maire fait une rare apparition publique lors d'une manifestation contre la fermeture du siège, qu'il juge inacceptable. Cependant, il quitte discrètement les lieux lorsque les manifestants demandent sa démission. Cette affaire donne l'impression que Saint-Étienne est une ville corrompue, déplore le politologue Vincent Béal.
La protestation prend fin devant l'hôtel de Ville, avec les chants de "Naouri, tu es fini, Casino est dans la rue". La porte-parole de Force Ouvrière de l'intersyndicale, Nathalie Devienne, prend la parole devant les manifestants. Elle déclare, la voix tremblante : "En 1997, nous avons accordé notre confiance au prétendu petit prince de la finance, Jean-Charles Naouri. Vingt-six ans plus tard, nous sommes ici". Irène Breuil de la CCI espère que les habitants de Saint-Étienne, grâce à leur histoire, sauront rebondir et trouver des solutions. Le destin des magasins semble être scellé, mais celui du siège social est encore incertain. La ville retient son souffle.
L'ASSE, un autre trésor menacé de disparition
Un autre célèbre monument de Saint-Etienne, l'ASSE, pourrait bientôt changer de propriétaire. En avril 2021, les deux coactionnaires, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, ont confié à KPMG, le géant de l'audit, un mandat de vente pour le club. Cependant, la relégation du club en Ligue 2 de football l'année suivante a compliqué cette affaire. Selon Bernard Lions, journaliste à L'Equipe et spécialiste des Verts, tous les bons joueurs tels que Denis Bouanga et Wesley Fofana ont été vendus. Sans les revenus du trading, les pertes atteindront 20 millions d'euros à la fin de la saison. On peut faire un parallèle avec le groupe Casino, qui a vendu ses participations les plus importantes à l'étranger, sans pour autant réussir à sortir du rouge.
Cependant, à quelques jours du début du mercato d'hiver, plusieurs candidats potentiels se positionnent pour résoudre le problème. Parmi eux, un groupe d'investisseurs franco-anglais, mené par Paulo Tavares, prévoit de rassembler environ cent millions d'euros, dont un tiers pour l'acquisition du club et le reste pour renforcer l'équipe et instaurer une nouvelle dynamique. Il semblerait même qu'une promesse d'achat ait été signée, mais les deux vendeurs, peu bavards, continuent de retarder les négociations. K.M.
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