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Une visite chez Isar Aerospace, une entreprise allemande qui aspire à devenir le SpaceX de l'Europe. Par Vincent Lamigeon, publié le 22 décembre 2023 à 15h00. Durée d'écoute : 7 minutes. Pour les abonnés.
ARTICLE. Isar Aerospace, la start-up européenne la plus soutenue financièrement dans le domaine des microlanceurs (avec un financement de 310 millions d'euros), fabrique ses fusées Spectrum dans une usine hautement moderne située dans la périphérie de Munich. Nous avons eu l'opportunité de faire une visite exclusive avant le premier vol prévu l'année prochaine depuis Andoya en Norvège.
L'usine de l'entreprise Isar Aerospace située à Ottobrunn, à proximité de Munich.
Le chauffeur de taxi se tourne vers moi. "Êtes-vous certain que c'est bien ici ?" À ma gauche, il y a un grossiste en fruits et légumes. À ma droite, un parc enneigé, isolé au milieu de la zone industrielle d'Ottobrunn, près de Munich. Après avoir passé un portail, un grand bâtiment apparaît enfin : le siège d'Isar Aerospace. Difficile de croire que ce site discret est en réalité l'une des usines spatiales les plus avancées d'Europe. C'est pourtant ici que la start-up allemande, créée en 2018 par d'anciens étudiants de l'université technique de Munich, fabrique son lanceur miniature Spectrum, qui est prévu pour décoller début 2024 depuis Andoya, en Norvège.
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À l'intérieur de la porte sécurisée et robuste, l'usine fonctionne à son maximum. Sept imprimantes 3D, qui ont été nommées d'après des astronautes célèbres tels que Armstrong, Aldrin et Collins, fabriquent des composants de moteurs. Des robots Kuka, qui sont considérés comme étant les meilleurs robots industriels fabriqués en Allemagne, travaillent sans relâche pendant 24 heures sur 24 pour usiner des pièces complexes.
Une des machines d'impression 3D fabriquées par Isar Aerospace Crédit: Florian Fechter / Isar Aerospace
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À quelques mètres de là, se trouve un énorme autoclave qui mesure 26 mètres de long et qui sert à finaliser les fuselages en composites. La partie supérieure et les étages du premier lanceur Spectrum sont déjà achevés, ainsi que la plupart de ses dix moteurs, qui sont en cours de tests à Kiruna, en Suède. Josef Fleischmann, directeur technique et cofondateur du groupe, indique que l'objectif est d'envoyer les éléments du lanceur en Norvège avant Noël.
Les quatre premiers vols sont tous réservés.
L'objectif est clair : Isar Aerospace souhaite effectuer un premier vol de Spectrum, une fusée capable de transporter 1 000 kg en orbite basse, dans les prochains mois. Ce lancement aura lieu depuis le tout nouveau pas de tir norvégien situé sur l'île d'Andoya. Isar Aerospace espère être la première start-up européenne à réussir un lancement orbital, à condition de ne pas être devancée par son concurrent allemand RFA et son mini-lanceur One.
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Cependant, le groupe ne souhaite pas se sentir contraint par les délais. Josef Fleischmann affirme qu'il ne donnera pas son feu vert pour le premier vol tant qu'il ne sera pas suffisamment confiant quant à nos chances de réussite. Nous effectuerons tous les tests nécessaires à Andoya afin d'optimiser nos chances de succès. Toutefois, il est important de noter que ce sera un vol de test, ce qui signifie qu'il y aura toujours un risque d'échec.
Plus de 150 employés travaillent à l'usine d'Isar Aerospace à Ottobrunn. Crédit: Isar Aerospace
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Isar a déjà accompli des prouesses remarquables dans le domaine spatial européen, même si la tâche la plus difficile reste à venir. Alors que ses concurrents ont du mal à rassembler quelques dizaines de millions d'euros, cette entreprise allemande a réussi à lever un total de 310 millions d'euros, dont 155 millions en mars dernier, un montant sans précédent en Europe.
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Dans un contexte où il est difficile d'obtenir des contrats fermes, la société allemande Isar a réussi à signer des accords de lancement avec Airbus Defence & Space, D-Orbit, l'ESA et le DLR. Alexandre Dalloneau, vice-président des lancements chez Isar, qui a travaillé précédemment chez Arianespace, affirme que les quatre premiers lancements sont déjà complets. Isar a également développé son propre moteur, appelé Aquila, au cours des cinq dernières années et mène actuellement une campagne intensive de tests sur celui-ci.
Représentation artistique du lanceur Spectrum sur sa plateforme de lancement Crédit: Isar Aerospace
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Isar a grandement pris exemple sur le succès de SpaceX pour réussir ce développement rapide. Tout comme le Falcon 9, le lanceur Spectrum est équipé de dix moteurs, dont neuf se trouvent sur le premier étage et un sur le second.
Comme le géant basé à Hawthorne en Californie, Isar, avec les conseils de l'ancien employé de SpaceX, Bulent Altan, mise également sur une intégration verticale poussée. Josef Fleischmann explique : "Nous fabriquons la plupart des composants de nos lanceurs en interne, soit environ 80 %. Cela nous permet d'avoir un contrôle total sur nos technologies et d'être extrêmement rapides : nous produisons actuellement un moteur par semaine et nous pouvons augmenter à un tous les deux jours et demi si nécessaire."
Le site d'Ottobrunn, qui est très fréquenté, comprend un laboratoire dédié aux matériaux, un atelier de câblage et des postes de soudure. Isar fabrique même ses propres équipements électroniques, tels que les ACU (Avionics Control Unit), qu'il a réussi à miniaturiser et à harmoniser pour n'en avoir qu'un seul type dans tout le lanceur (réservoir, moteurs, etc.). Les réservoirs subissent des tests de structure à l'extérieur, sur des bancs d'essais recouverts de bâches. L'atmosphère est sérieuse mais détendue : dans le coin des soudeurs, une enceinte diffuse la playlist personnelle, allant de "Mr Boombastic" de Shaggy à "I believe I can fly" de R. Kelly.
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Les fondateurs d'Isar Aerospace, Daniel Metzler et Josef Fleischmann, se tiennent devant le moteur Aquila. Crédit: Isar Aerospace.
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Après son premier vol, Isar se prépare à augmenter rapidement son activité. Selon Alexandre Dalloneau, l'objectif pour les premières années est d'effectuer progressivement 20 lancements par an, dont 10 depuis Andoya et 10 depuis Kourou. Ensuite, l'objectif est d'atteindre 40 lancements par an à la fin de la décennie.
Le groupe affirme ne pas être inquiet de la concurrence des lanceurs lourds tels que le Falcon 9 ou l'Ariane 6, qui peuvent lancer de nombreux petits satellites grâce à leur offre de covoiturage. Alexandre Dalloneau assure que de nombreux clients ne sont pas satisfaits des lancements en covoiturage car ils souhaitent être placés sur une orbite spécifique et ne pas avoir à attendre d'autres passagers.
Est-ce que le lancement de Kourou aura lieu d'ici la fin de 2025 ? On ne sait pas encore quand Spectrum décollera. Contrairement à son concurrent RFA, qui prévoit un premier tir au deuxième trimestre 2024 depuis SaxaVord (Ecosse), Isar ne donne pas de date précise. Une porte-parole indique simplement que cela se fera dès que possible en 2024. Le premier vol de Spectrum, tout comme celui du lanceur One de RFA, a été reporté à plusieurs reprises. Il était initialement prévu pour fin 2021 et a donc plus de deux ans de retard.
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Selon les meilleures prévisions, Isar prévoit de réaliser deux lancements en 2024 depuis la Norvège et un premier tir potentiel en Guyane au troisième trimestre 2025. Grâce à ses levées de fonds successives, l'entreprise est financée jusqu'au troisième vol. Cependant, pour les vols suivants, il sera nécessaire de lever à nouveau des fonds. Isar et son directeur financier, David Kownator, ont déjà démontré leurs compétences en matière de levée de fonds.
SpaceX et Arianespace sont des entreprises qui opèrent dans le domaine de l'exploration spatiale.
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