Orano investit dans les gisements d’uranium du Kazakhstan pour répondre à la croissance mondiale de l’énergie nucléaire

Difficultés Société Ressources énergétiques

Orano exploite les mines d'uranium du Kazakhstan.

Face à une situation difficile au Niger, où la production est actuellement stoppée, la France décide de se tourner vers les gisements d'Asie centrale qui sont très rentables. Cette décision d'investissement est stratégique et vise à répondre à la demande croissante en énergie nucléaire à l'échelle mondiale.

Le projet de future mine de South Tortkuduk

Le président Emmanuel Macron effectue une visite au Kazakhstan le 1er novembre dans le but de soutenir les efforts du président Kassym-Jomart Tokaïev pour préserver la souveraineté du pays face à la Russie et à la Chine. Le Kazakhstan, qui est situé entre ces deux puissances, est très convoité en raison de ses ressources souterraines riches en pétrole, gaz, chrome, terres rares et uranium. En effet, le pays est le leader mondial de la production d'uranium, fournissant près de 43% de la production mondiale de ce minerai. Parmi la délégation de chefs d'entreprise accompagnant le président Macron à Astana, Claude Imauven, président du conseil d'administration d'Orano (anciennement Areva), occupe une place de choix.

Extraction respectueuse de l'environnement

L'entreprise spécialisée dans le carburant nucléaire est l'une des plus grandes entreprises françaises implantées dans le pays, depuis qu'elle a conclu un partenariat en 1996 avec le groupe minier national Kazatomprom, Katco, dont elle détient 51%. Les deux mines d'uranium exploitées par Katco à Tortkuduk et Muyunkum, dans les steppes des contreforts de la montagne Karataou, à plus de 1 000 km au sud d'Astana, sont les bijoux d'Orano. Sur place, d'énormes foreuses travaillent dans un silence assourdissant pour creuser le sol sablonneux. Ici, il n'y a ni mine à ciel ouvert ni réseau souterrain complexe, l'uranium est extrait du sol selon la technologie de la récupération in situ (ISR). Ce procédé consiste à injecter une solution acide dans les puits afin de dissoudre l'uranium. Le mélange est ensuite pompé à la surface et transporté via un pipeline vers une usine. En étant mélangé à de la résine et de l'ammoniac, le concentré d'uranium devient solide et prêt à être commercialisé.

Un avantage de la méthode d'extraction ISR est qu'elle permet d'éviter plusieurs étapes du processus minier traditionnel, telles que le concassage de la roche, le transport par camions et le creusement de galeries. Cela entraîne une consommation d'énergie réduite et des coûts de production plus bas. Selon Pascal Bastien, directeur général de Katco, les coûts de production de cette méthode sont environ deux fois moins élevés que ceux de la mine d'Orano au Niger. Même lorsque les prix spot de l'uranium étaient au plus bas en 2017, à 17 dollars la livre, cette méthode d'extraction restait rentable.

En raison du changement climatique et des tensions géopolitiques, la demande d'électricité nucléaire a fortement augmenté, faisant grimper les prix jusqu'à près de 70 dollars. C'est le niveau le plus élevé depuis la catastrophe de Fukushima en 2011. Avec le Japon qui réactive ses réacteurs, la Chine qui en construit 25 et la France qui prévoit d'en construire 6, la demande pourrait presque doubler d'ici à 2040, atteignant 130 000 tonnes par an contre les 65 650 tonnes actuelles. Les producteurs d'uranium, en particulier Orano, sont donc sous pression. Après le coup d'État au Niger en juillet, Orano a dû arrêter son usine de Somaïr (qui produit environ 1 000 tonnes par an) faute de pouvoir se procurer des produits chimiques.

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Après le Canada, qui fournit environ 5 000 tonnes par an, les mines de Katco au Kazakhstan sont les plus importantes pour Orano, une entreprise d'Etat française. Ces mines représentent environ 25% de la production totale d'Orano, qui est d'environ 8 000 tonnes chaque année. La totalité de cette production est vendue à la Chine, qui est un pays voisin. Bien qu'Orano soit le principal fournisseur d'EDF, comblant 40% des besoins en uranium de ses centrales nucléaires, il n'est pas le seul fournisseur. Pour réduire les risques, EDF a diversifié ses sources d'approvisionnement au cours des quinze dernières années, en achetant également auprès d'autres sociétés minières telles que Cameco au Canada et Kazatomprom. De son côté, Orano vend son uranium à d'autres fournisseurs d'énergie nucléaire, comme CNNC en Chine.

Depuis 2006, les mines stratégiques de Tortkuduk et Muyunkum ont connu une baisse de moitié de leur rendement au cours de la dernière décennie, passant à 2 100 tonnes. Selon un responsable français de Katco, ils ont initialement exploité les ressources les plus rentables, laissant les restes moins avantageux. Cependant, cette diminution ne convient pas à leur partenaire local. En septembre, Yerzhan Mukanov, l'ancien directeur général de la société, qui a été remplacé par le directeur financier Meirzan Yussupov le 2 octobre, a souligné que les mines de Katco étaient les plus rentables pour Orano mais pas pour Kazatomprom. Il a donc suggéré que l'entreprise réduise ses coûts de production, en particulier dans l'achat d'acides, de nitrates et de pipelines, afin de générer plus de profits. Jacques Peythieu, directeur client et stratégie d'Orano, confirme que les mines de Katco fonctionnent en dessous de leur capacité en raison d'une crise de production d'acide sulfurique, causée à la fois par une demande croissante et par des perturbations logistiques dues à la guerre en Ukraine.

Pour augmenter la vitesse de production, Katco a acheté deux foreuses allemandes Prakla, qui sont beaucoup plus puissantes que les foreuses Zif traditionnelles d'origine soviétique. Les 500 foreurs de Tortkuduk, qui gagnent environ 400 euros par mois, soit le double du salaire moyen kazakh, travaillent dur pour augmenter la production. Ils travaillent deux semaines d'affilée, sept jours sur sept, en deux équipes de douze heures. C'est un travail exigeant, surtout en hiver lorsque la température descend jusqu'à -30 degrés. Les mines de Tortkuduk et Muyunkum devraient être épuisées d'ici 2027 et 2030. En août 2022, Katco a signé un accord avec l'État pour exploiter une nouvelle mine sur le site de South Tortkuduk, qui devrait être opérationnelle l'année prochaine. Katco a investi 190 millions de dollars dans ce projet. "Les réserves du nouveau site s'élèvent à 45 000 tonnes", déclare Pascal Bastien. "À partir de 2026, nous espérons produire 4 000 tonnes d'uranium par an."

Alors que le secteur nucléaire connaît un regain d'activité, Orano doit absolument se doter de nouvelles installations de production. Récemment, l'entreprise a signé un accord pour exploiter une future mine en Mongolie, qui pourrait être l'un des plus importants gisements au monde. En attendant, Claude Imauven compte tirer parti de la visite présidentielle au Kazakhstan pour étendre le succès de Katco.

Nicolas Stiel, correspondant spécial au Kazakhstan

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