Renouvellement des Canadair : les défis de l’entreprise aéronautique face à la promesse d’Emmanuel Macron

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Renouvellement des avions Canadair : les engagements impossibles d'Emmanuel Macron

Par Vincent Lamigeon, publié le 23 septembre 2023 à 09h00, temps de lecture de 8 minutes, réservé aux abonnés.

À la fin de l'année 2022, le président a déclaré que la flotte française de Canadair serait entièrement renouvelée et passerait de 12 à 16 avions. Cependant, un an plus tard, il semble impossible de tenir cette promesse : les contrats ne sont pas signés et la société canadienne De Havilland doit recommencer la ligne d'assemblage à partir de zéro.

Le 24 août 2023, dans le nord de la Grèce, un avion de type Canadair a largué de l'eau sur un incendie de forêt à Dadia, à proximité d'Alexandroupoli.

Cet été encore, les avions de type Canadair ont été utilisés pour combattre les incendies de forêt qui ont dévasté l'Europe et l'Amérique du Nord. Ces avions, reconnaissables à leur couleur rouge et jaune, ont largué d'importantes quantités d'eau au-dessus des forêts en flammes. Au Canada, environ 14,2 millions d'hectares de terres ont été consumés par les feux, tandis qu'en Grèce, environ 150 000 hectares ont été détruits. Les Canadair sont capables de transporter jusqu'à 6 000 litres d'eau en seulement 12 secondes et peuvent effectuer jusqu'à 15 largages par heure. Ces avions sont devenus indispensables dans la lutte contre les incendies de forêt, qui sont devenus plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique. En octobre 2022, Emmanuel Macron a déclaré que les Canadair étaient les avions les plus efficaces et les mieux adaptés pour lutter contre ces catastrophes naturelles.

Il y a une alerte rouge sur le tourisme européen en raison des canicules et des incendies.

Face à des incendies de plus en plus violents, la flotte mondiale d'avions de lutte contre les incendies (environ 160 appareils) montre des signes de fatigue. La situation n'est pas meilleure en France, où les 12 Canadair, le dernier ayant été livré en 2007, ont en moyenne plus de 25 ans d'ancienneté. Benoît Quennepoix, représentant du Syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC) et pilote de bombardier d'eau Dash 8, souligne les problèmes croissants de vétusté et d'approvisionnement en pièces détachées. Les capteurs du système de largage d'eau présentent des pannes récurrentes, entraînant l'immobilisation des avions. Le renouvellement de la flotte est devenu une urgence.

La France n'est pas sans ressources. Après avoir retiré les vieux avions Tracker en raison de problèmes de corrosion, la Sécurité civile a renouvelé une grande partie de sa flotte de Dash 8 entre 2018 et 2023. Ces avions peuvent larguer 10 000 litres d'un mélange d'eau et de produit retardant, ce qui les rend très utiles pour les survols préventifs des zones à risque. Cependant, ils ne peuvent pas écoper directement sur les plans d'eau proches des feux de forêt. Ils doivent être ravitaillés dans l'une des 22 stations d'avitaillement appelées "pélicandromes", ce qui limite leur capacité à effectuer de nombreux largages en peu de temps. Le Canadair, l'unique avion amphibie de la flotte et le seul capable de s'attaquer au cœur du feu, reste irremplaçable.

La situation est telle que le Canadair, également appelé le Pélican en France, est devenu difficile à trouver. Cela est dû à un manque de demandes de commandes.

Cet été, les avions de lutte contre les incendies ont joué un rôle crucial dans la lutte contre les feux de forêt dévastateurs qui ont touché l'Europe et l'Amérique du Nord. Ces avions, peints en rouge et jaune, ont été vus larguant de grandes quantités d'eau au-dessus des forêts en flammes. Au Canada, 14,2 millions d'hectares sont partis en fumée, tandis qu'en Grèce, 150 000 hectares ont été détruits. Avec leur capacité à transporter 6 000 litres d'eau en seulement 12 secondes et à effectuer jusqu'à 15 largages par heure, ces avions sont plus indispensables que jamais dans la lutte contre les incendies de forêt, qui sont devenus plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique. En octobre 2022, Emmanuel Macron a déclaré que c'était l'avion le plus fiable et le plus performant lorsqu'il a annoncé son plan d'action contre les feux de forêt.

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Face à des incendies de plus en plus violents, la flotte mondiale d'environ 160 avions est mise à rude épreuve et commence à montrer des signes de fatigue. La France n'est pas épargnée par ce phénomène : les 12 Canadair, dont le dernier a été livré en 2007, ont maintenant plus de 25 ans en moyenne. Benoît Quennepoix, représentant du Syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC) et pilote de bombardier d'eau Dash 8 ainsi qu'ancien copilote de Canadair, souligne les problèmes de vétusté et de disponibilité des pièces détachées. Il y a des pannes récurrentes sur les capteurs du système de largage d'eau, ce qui entraîne l'immobilisation des avions. Le remplacement de la flotte est urgent.

En France, la Sécurité civile a remplacé une grande partie de sa flotte de Dash 8, des avions qui peuvent larguer un mélange d'eau et de produit retardant, suite à la mise à la retraite des anciens avions Tracker qui présentaient des problèmes de corrosion. Cependant, les Dash 8 ne peuvent pas écoper sur des plans d'eau proches des feux de forêt et doivent être ravitaillés dans des stations d'avitaillement spécifiques. Seul le Canadair, qui est un avion amphibie, peut s'attaquer directement au coeur du feu et est donc irremplaçable.

Le souci est que le Canadair, également connu sous le nom de Pélican en France, est devenu rare. En raison du manque de demandes, le fabricant canadien Bombardier avait dû arrêter la production de cet hydravion dans son usine de Montréal en 2015. Il avait ensuite vendu les droits de propriété intellectuelle du programme ainsi que les activités de maintenance à la société Viking Air, qui a été renommée De Havilland Canada (DHC). En 2017, le nouveau propriétaire s'est montré favorable à une reprise de la production du Canadair, à condition qu'il y ait suffisamment de commandes (entre 20 et 25 appareils).

Cependant, en raison de la crise du Covid et de l'insuffisance des commandes, le projet avait rencontré des difficultés. Il a fallu attendre la commande groupée de 22 avions par la Commission européenne (12 financés par l'UE, dont deux pour la France, et 10 par d'autres pays membres). Cette commande a convaincu De Havilland de lancer une nouvelle version du Canadair, appelée DHC-515, qui devrait être opérationnelle d'ici 2025-2026. À cette occasion, l'entreprise a annoncé la construction d'une nouvelle usine à Calgary, en Alberta.

La France a hésité pendant un certain temps avant de prendre des décisions concernant de nouvelles commandes. Dans un rapport cinglant publié en juillet 2022, la Cour des comptes a critiqué le manque d'une stratégie à moyen et long terme pour le renouvellement de la flotte de la Sécurité civile, affirmant que le plan stratégique qui lui avait été présenté n'était pas conforme aux normes en vigueur. Dans ce rapport adressé à Gérald Darmanin, la Cour a estimé que le coût total du remplacement des Canadair et des hélicoptères bombardiers d'eau s'élèverait à 1,3 milliard d'euros.

Les experts de la rue Cambon faisaient également référence aux problèmes dans l'organisation du groupement des moyens aériens (GMA) de la Sécurité civile, en soulignant des lacunes dans la culture de gestion, une rotation excessive des cadres et une hiérarchie instable et confuse. La Cour a également critiqué le choix d'un seul prestataire de maintenance, Sabena Technics, en mentionnant des tensions entre la Sécurité civile et l'entreprise concernant la qualité du service.

En fin d'année 2022, après une période estivale désastreuse en Gironde, Emmanuel Macron a pris des mesures importantes. Lors de la présentation de son plan de lutte contre les incendies de forêts le 28 octobre 2022, le président de la République a déclaré : "Nous allons investir massivement pour remplacer ces 12 (Canadair) d'ici la fin de mon mandat et augmenter leur nombre à 16".

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Il semble maintenant évident qu'il est impossible de respecter la promesse de livrer des avions en 2027. Le sénateur Jean-Pierre Vogel, auteur d'un rapport sur les bombardiers d'eau, souligne que De Havilland Canada doit reconstruire une ligne d'assemblage à partir de zéro, sans jamais avoir construit d'avions auparavant. Le processus de développement et de certification prendra probablement beaucoup de temps. Il est donc peu probable que nous ayons un nouvel appareil en 2027, et nous pourrions espérer au mieux deux ou trois livraisons en 2030. Cette opinion est partagée par le pilote Benoît Quennepoix, qui estime que la date de 2027 est impossible à respecter et que nous pourrions espérer quelques livraisons au mieux en 2028-2029.

Le calendrier mentionné par l'Elysée est encore plus difficile à comprendre car, d'après nos informations, il n'y a pas encore de contrats définitifs pour la commande européenne ni pour la commande française, qui ont été négociées par la Direction générale de l'armement. Les discussions sont bloquées à la fois à cause du prix (De Havilland propose de 60 à 64 millions d'euros par avion, alors que les Canadair d'origine avaient été achetés pour 22 millions), mais aussi parce que l'entreprise refuse d'accepter des pénalités de retard si le calendrier est retardé de moins de quatre ans. Lorsqu'on les a interrogés, DHC n'a pas répondu à nos questions.

Les pays qui achètent des avions bombardiers d'eau sont conscients qu'ils ne sont pas en position de force. De Havilland est actuellement le seul acteur sur le marché, car il n'y a pas de concurrents opérationnels. Le Beriev Be-200 russe, qui a été testé par la Sécurité civile en 2002 et en 2018, s'est avéré être trop volumineux. L'US-2 de la société japonaise ShinMaywa est plutôt conçu pour les missions de sauvetage en mer. Airbus a annoncé en 2022 qu'il effectuerait des tests sur un kit de largage d'eau de 20 000 litres pour son avion de transport militaire A400M. Cependant, selon Jean-Pierre Vogel, cette solution n'a en aucun cas l'efficacité d'un Canadair, car le système provoque une vaporisation de l'eau avant même qu'elle ne touche le sol. Dassault Aviation a également un projet de bombardier d'eau qui consiste essentiellement en un jet d'affaires Falcon LXS équipé d'un réservoir ventral de 3 000 à 4 000 litres, mais ce projet en est encore à un stade très préliminaire.

Il est possible que les start-up, comme Hynaero à Bordeaux ou Roadfour en Belgique, puissent apporter une solution dans le domaine des hélicoptères lourds. Cependant, il est peu probable qu'une mise en service puisse avoir lieu avant le début des années 2030, au mieux. En attendant, la Sécurité civile devra faire avec les ressources disponibles. Elle envisage notamment d'acheter deux hélicoptères lourds de lutte anti-incendie de type Super Puma, capables de contenir jusqu'à 4 000 litres. Leur principal avantage est qu'à la différence des avions amphibies canadiens, ils peuvent effectuer des missions de nuit.

Est-ce que la France aura bientôt son propre avion bombardier d'eau? La start-up bordelaise Hynaero, fondée en début d'année, travaille sur le développement d'un nouvel avion bombardier d'eau appelé le Frégate F100, qui se veut être une alternative à l'appareil canadien. Selon le fondateur David Pincet, ancien général de l'armée de l'air et ex-chef du groupement d'avions de la Sécurité civile (GASC), l'objectif est de construire une souveraineté européenne dans le domaine des bombardiers d'eau, avec un avion à la fois moderne et robuste. Le Frégate F100 sera plus grand que le Canadair, avec une capacité de 10 000 litres d'eau contre 6 000, et il sera également plus rapide, atteignant une vitesse de 460km/h comparé aux 300km/h du Canadair. Le coût de développement du projet est estimé à 910 millions d'euros, dont une quinzaine devra être trouvée dans les prochains mois pour lancer les travaux. David Pincet affirme que ce projet de réindustrialisation majeur pourrait créer plus de 500 emplois dans la ligne d'assemblage de Bordeaux et 2 000 dans la chaîne de sous-traitance. La start-up prévoit un premier vol en 2028 et une mise en service en 2031.

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